L'approvisionnement de l'économie de guerre des États-Unis en minéraux critiques

Le Canada augmente son approvisionnement en minerais essentiels au profit de l'économie de guerre américaine. Les Canadiens ne sont pas consultés lorsque des accords sont conclus entre les États-Unis et le Canada et ils s'opposent à l'exploitation et au pillage des ressources naturelles au profit de la production de guerre. Tout cela est fait au nom d'une économie verte et de grands idéaux de création d'emplois et de développement économique qui favorisent les régions, mais la vérité est tout autre.

https://cpcml.ca/francais/Images2017/Antiguerre/170409-Montreal-Syrie-19crop.jpgLes provinces et territoires du Canada et le Québec sont déjà les sites d'extraction de plusieurs minéraux critiques pour l'industrie de guerre des États-Unis tels que le nickel, le cobalt, le scandium et l'uranium, ou seront bientôt les sites du lancement de la production d'autres minéraux critiques tels que le lithium, les éléments de terres rares (ETR) et le graphite, à des endroits situés au Yukon, en Saskatchewan, en Ontario, au Québec et à Terre-Neuve.

Les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que le gouvernement fédéral, se plient déjà en quatre pour fournir aux oligopoles miniers l'infrastructure et les types de subventions et d'allégements fiscaux que ces intérêts privés réclament, et ils en réclament toujours plus. C'est à cela que faisait référence le PDG de Benchmark Mineral Intelligence, Simon Moores, en février dernier, quand il témoignait devant le Comité permanent de la Chambre des Communes sur les ressources naturelles :

« Le prix varie carrément en fonction de l'offre et de la demande. Il importe peu que la taille du marché décuple ou demeure la même. À titre d'exemple, on connaît actuellement une pénurie de lithium, ce qui en fait grimper le prix. Au cours des quatre dernières années, la demande de lithium a augmenté de 30 % pour les véhicules électriques et le prix était à la baisse.

« Qu'advient-il si le prix du lithium demeure bas, une question qui pourrait se poser également pour le cobalt ? S'il demeure trop bas pendant trop longtemps, il n'y a tout simplement plus d'investissements dans de nouvelles mines. Il y a toujours un prix d'incitation à l'origine d'une nouvelle offre sur le marché. Dans le contexte actuel où l'on s'en remet aux marchés des capitaux, il en résulte donc qu'il n'y a pas d'argent investi dans ces nouvelles mines, et c'est précisément à ce titre que le gouvernement pourrait jouer un rôle important[1]. »

En d'autres termes, ce sera à l'État canadien et aux différents paliers de gouvernement de prendre tous les risques et de subventionner ces sociétés minières par le biais de stratagèmes pour payer les riches. Voici ce que Liz Lappin, présidente de la Battery Metals Association of Canada (BMAC), avait à dire devant le Comité permanent des ressources naturelles le même jour :

« Le premier domaine d'intérêt est le soutien au développement de projets pour les minéraux critiques. La Banque mondiale et une série de prévisionnistes prévoient une forte augmentation de la demande mondiale en minéraux critiques dans les années à venir. Même si le Canada dispose de ressources abondantes, leur mise en valeur a été lente en raison de divers défis. Par exemple, on peut citer la forte volatilité des prix émergents, la concurrence pour les capitaux avec les exploitations de minéraux critiques établies dans d'autres pays, la nature complexe de la production de métaux pour batteries et les retards dans l'élaboration des règlements et des politiques. Le Canada doit agir rapidement pour répondre aux besoins de son économie nationale.

« La BMAC a formulé plusieurs recommandations pour soutenir la mise en valeur des minéraux critiques. Tout d'abord, il faut fournir un soutien financier aux entreprises canadiennes qualifiées dans le domaine des métaux pour batteries qui sont en mesure de présenter des projets potentiels viables. Ensuite, il faut promouvoir l'exploration et l'identification des ressources en modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, afin de garantir que les ressources en saumures de lithium sont admissibles aux actions accréditives. Il faut aussi encourager les provinces à élaborer rapidement des politiques et des règlements responsables, mais favorables à l'industrie, afin d'accélérer la mise en valeur des ressources en minéraux critiques. De plus, il faut promouvoir l'uniformité des durées d'exploitation et des cadres réglementaires, afin d'encourager le développement responsable. Enfin, nous recommandons de donner la priorité au financement de l'innovation pour les applications des grappes industrielles, ce qui inciterait les collaborations canadiennes et renforcerait les liens tout au long de la chaîne d'approvisionnement[2]. »

Dans son rapport de juin 2021 intitulé De l'exploration minérale à la fabrication de pointe : développer les chaînes de valeur pour les minéraux critiques au Canada, le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes avait ceci à dire :

« Les minéraux critiques sont des composantes essentielles au fonctionnement de plusieurs technologies récentes, que ce soient les énergies à faible émission de gaz à effet de serre, les véhicules électriques ou les secteurs de pointe tels que la médecine, l'électronique, l'aérospatiale et la défense. »

Le comité souligne dans son rapport l'importance de « sécuriser l'approvisionnement en minéraux critiques [qui] est particulièrement important dans un contexte où l'accès à ces ressources peut être instable et la production concentrée dans quelques pays, en particulier la Chine ». Il mentionne aussi que « le Canada pourrait également favoriser une approche 'continentale' pour assurer l'approvisionnement en minéraux critiques en collaboration entre les provinces et les territoires du Canada ainsi qu'avec les États-Unis »[3].

Le même comité a présenté d'importantes recommandations qui sont un appel à plus de stratagèmes pour payer les riches et à une intégration « continentale » plus poussée du Canada à l'économie de guerre des États-Unis. Parmi ces recommandations, il y a les deux premières :

« Que le gouvernement du Canada, en partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les communautés et les gouvernements autochtones, l'industrie minière ainsi que les établissements de recherche et de formation, se dote d'une vision stratégique pour le développement de l'industrie des minéraux critiques au Canada. »

et

« Que le gouvernement du Canada renouvelle son soutien au secteur minier canadien pour que celui-ci tire parti des nombreuses possibilités offertes par la mise en valeur des minéraux critiques et reconnaisse sa contribution unique aux technologies de pointe d'avenir et à la transition énergétique en :

« - augmentant sa capacité à effectuer des travaux géoscientifiques [...]; « - élargissant la portée de mesures financières et fiscales [...];

« - investissant dans les infrastructures de transport et de communication dans les régions éloignées et nordiques [...]. »

L'environnement naturel et l'environnement social ne peuvent être harmonisés sans s'opposer aux stratagèmes des gouvernements pour payer les riches qui sont mis en oeuvre partout au Canada. En comptant sur eux-mêmes, les Canadiennes et Canadiens peuvent réaliser une économie durable qui subvient aux besoins de toutes et tous, respecte leurs droits et est centrée sur l'être humain.

Non aux stratagèmes pour payer les riches au nom d'une « économie plus verte » !
Non à l'intégration du Canada à l'économie de guerre des États-Unis !

Notes

1. Simon Moores, PDG, Benchmark Mineral Intelligence, présentation faite devant le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes, le 22 février 2021.

2. Liz Lappin, présidente, Battery Metals Association of Canada, présentation faite devant le comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des Communes, le 22 février 2021.

3. De l'exploration minérale à la fabrication de pointe : développer les chaînes de valeur pour les minéraux critiques au Canada, Rapport du Comité permanent des ressources naturelles, juin 2021.


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 14 - 13 novembre 2021

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