« Bâtir l'unité dans la diversité de Notre Amérique »

Grand succès pour le 6e Sommet de la CELAC au Mexique

Le 18 septembre, la Communauté d'États latino-américains et caraïbes (CELAC) a tenu avec succès son 6e Sommet des chefs d'États et de gouvernements dans la ville de Mexico. Le dernier sommet a eu lieu en janvier 2017 en République dominicaine.

La CELAC est une organisation inter-gouvernementale pour le dialogue et la coordination politique visant à développer l'intégration politique, économique, sociale et culturelle de l'Amérique latine et des Caraïbes ainsi que le bien-être des peuples de la région. Comprenant tous les pays des Amériques à l'exception du Canada et des États-Unis, qui ont été délibérément exclus, la CELAC a été fondée en février 2010 comme initiative pour promouvoir l'unité dans la diversité et surmonter les divisions engendrées par les efforts continus des États-Unis pour affirmer son hégémonie dans son « arrière-cour » au moyen de son instrument pour y arriver, l'Organisation des États américains (OÉA).

La déclaration fondatrice de la CELAC publiée en 2011 lors de son premier sommet est un engagement à respecter le droit international, à résoudre les conflits de façon pacifique, à interdire le recours à la force et la menace de recours à la force, à respecter l'autodétermination, la souveraineté et l'intégrité territoriale des pays et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, et à défendre et promouvoir les droits humains et la démocratie. Lors du deuxième sommet à la Havane en 2014, les membres de la CELAC ont unanimement proclamé l'Amérique latine et les Caraïbes comme une Zone de paix en conformité avec les principes enchâssés dans la charte des Nations unies et du droit international.

Au cours des derniers quatre ans, les gouvernements au service des États-Unis et de leurs tentatives de déstabiliser le Venezuela, Cuba, le Nicaragua et la Bolivie, leur imposer un changement de régime et promouvoir des divisions de toutes sortes dans la région, ont cherché à empêcher la CELAC d'organiser des sommets ou même de mener son travail. Cependant, depuis qu'il a assumé la présidence pro-tempore de l'organisation en janvier 2020, le gouvernement du Mexique a tout fait pour remettre la CELAC et son projet d'intégration régional sur les rails.

Les préparatifs du 6e Sommet

Un des préparatifs pour le sommet du 18 septembre a été l'organisation, en juillet, d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de la CELAC comme partie intégrante des célébrations au Mexique à l'occasion du 238e anniversaire de la Naissance du libérateur Simon Bolivar. Lors d'un discours pour souligner l'occasion, le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO) a dit que Bolivar était un exemple et une inspiration pour nous aujourd'hui. Il a ensuite proposé de remplacer l'OÉA par « une organisation véritablement autonome qui ne serait le larbin de personne » et affirmé que « la politique des deux derniers siècles, marquée par des invasions pour instaurer ou faire tomber des dirigeants au gré de la superpuissance, est d'ores et déjà inacceptable. Disons adieu aux impositions, à l'ingérence, aux sanctions, aux exclusions et aux blocus ».

Le 6e Sommet a lui-même eu lieu peu après un autre événement prometteur : la célébration le 15 septembre du bicentenaire de l'indépendance du Mexique et de l'Amérique centrale de l'Espagne et le 211e anniversaire du début de la lutte au Mexique connue sous le nom de Grito de Dolores. Le gouvernement mexicain a réservé une place d'honneur au président de Cuba, Miguel Diaz-Canel, en l'invitant à prendre la parole à cette célébration une reconnaissance non seulement des liens historiques de plusieurs siècles entre le Mexique et Cuba mais aussi du « cas spécial » de Cuba, comme l'a qualifié le président mexicain, pour avoir affirmé son indépendance dans une confrontation de plus d'un demi-siècle avec les États-Unis. Dans son discours, Miguel Diaz-Canel a reconnu l'important travail accompli par le Mexique pour défendre l'objectif de la CELAC de construire « l'unité dans la diversité dans notre Amérique » face aux efforts pour imposer un projet de recolonisation néolibérale à la région.

Le bolivarisme c. la doctrine Monroe

Ces événements ont préparé le terrain pour le 6e Sommet, qui a eu lieu trois jours plus tard à l'historique Palacio Nacional de la Ville de Mexico, pour discuter de la voie vers l'avant pour l'Amérique latine et les Caraïbes à savoir si elle devrait être guidée par les principes associés au projet de libération pour les Amériques de Bolivar ou par la doctrine Monroe hégémonique des États-Unis. Cet enjeu a été soulevé de façon pratique alors qu'un des points à l'ordre du jour proposé à l'avance par le Mexique et secondé par l'Argentine était que soit considérée la nécessité « d'une réforme en profondeur de l'Organisation des États américains (OÉA) ou la création d'une nouvelle organisation pour la remplacer ». Parmi les autres points à l'ordre du jour, il y a eu une discussion sur des questions urgentes telles que le besoin de faire face à la pandémie, l'acquisition par tous des vaccins et médicaments nécessaires, le problème des changements climatiques, les mesures coercitives unilatérales répressives imposées à certains pays et le manque d'équité et de transparence des institutions financières internationales dans leur façon de faire des affaires.

Ont participé à la réunion 17 chefs d'État, 2 vice-présidents et d'autres représentants de haut niveau parmi les 32 membres de la CELAC. (Le Brésil a suspendu sa participation en 2020 par décision du président Jair Bolsonaro.) D'autres y ont aussi participé, dont Charles Michel, président du Conseil européen, et Alicia Barcena, secrétaire exécutive de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC). Le président chinois Xi Jinping s'est aussi adressé au sommet par liaison vidéo.

Pratiquement tous les membres de la CELAC sont intervenus dans les sessions plénières, exprimant leur engagement envers l'intégration régionale, même si leurs opinions peuvent diverger sur la voie à suivre pour y arriver, et la nécessité de s'attaquer ensemble aux problèmes communs comme l'urgence sanitaire et les changements climatiques, et la consolidation de la CELAC, sans égard à leur position face à l'OÉA à savoir si celle-ci doit être remplacée ou réformée. Une exception notable est celle de la Colombie qui n'a pas délégué un représentant de haut niveau et a plutôt publié une déclaration fallacieuse comme quoi elle « rejetait » la présence du président vénézuélien Nicolas Maduro au sommet. Par son ton et son contenu, cette déclaration ressemblait à de nombreuses autres déclarations mises de l'avant constamment par le groupe de Lima en faillite des États-Unis et du Canada avant qu'il ne tombe dans l'oubli et ne se taise il y a huit ou neuf mois.

Les présidents de l'Uruguay et du Paraguay étaient les seuls autres à ouvertement aller à l'encontre de l'esprit du sommet en se faisant les porte-parole des États-Unis en critiquant spécifiquement Cuba, le Venezuela et le Nicaragua. (Les États-Unis avaient déjà annoncé publiquement, au moment où le président Maduro était en route pour le Mexique, que la « récompense » de 15 millions de dollars pour sa capture tenait toujours.) Les deux présidents ont été rapidement mis à leur place par les présidents de Cuba et du Venezuela. Le président Maduro a commenté après le sommet que le Venezuela n'y avait pas participé pour y lancer des roches ou pour se faire provoquer, ni pour jouer le jeu des forces qui espéraient détruire la CELAC en incitant ses membres à s'entredéchirer. Il a plutôt appelé à la revitalisation de la CELAC par une « nouvelle institutionnalité » et une politique internationale au service de toute l'humanité et du droit international, plutôt que d'être un champ de bataille d'idéologies divergentes.

Les présidents cubain et vénézuélien ont également tenu à exprimer leur reconnaissance au Mexique pour avoir accueilli le dialogue qui avait lieu à l'époque et qui visait à conclure des accords entre le gouvernement vénézuélien et les forces de l'opposition du pays.

Plusieurs pays ont eu une mention spéciale pour Cuba, la remerciant pour son aide dans la lutte contre la COVID-19. Dans son intervention, le président Diaz-Canel a offert d'accroître cette aide sous forme de vaccins produits à Cuba. D'autres ont appelé à lever le blocus des États-Unis contre Cuba et que ceux-ci mettent fin à leurs attaques contre le Venezuela et le Nicaragua. Le rôle de l'OÉA et de son secrétaire général à instiguer le coup d'État de 2019 en Bolivie, ce qui a eu des répercussions sur la CELAC, a aussi été dénoncé. Le président nouvellement élu du Pérou, Pedro Castillo, a souligné qu'il transmettait les salutations des nombreux peuples autochtones de son pays dont les voix ont toujours été exclues du discours officiel du pays et il a exprimé son appui à toute action concrète qui fera progresser l'intégration de la région.

Les perspectives d'avenir

Le 6e Sommet, mené avec succès, a clôturé avec la publication de la Déclaration du Mexique en 44 points ainsi que cinq autres déclarations spéciales sur la nécessité de mettre fin au blocus des États-Unis contre Cuba, en appui aux réclamations de l'Argentine sur les îles Malouines, sur la position commune à la veille de la Conférence COP26 sur les changements climatiques et d'autres questions d'intérêt commun. Plusieurs dirigeants se sont fait entendre dans le forum offert par le Débat général et d'autres réunions de haut niveau qui ont lieu dans le cadre de la 76e session de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, notamment la réunion du Groupe d'amis de la Charte de l'ONU, qui a eu lieu au lendemain du sommet du Mexique, et y ont réitéré d'importantes décisions de la CELAC. Dans ces forums, ils ont appelé à mettre fin aux mesures coercitives unilatérales, notamment les blocus des États-Unis contre Cuba et le Venezuela. Ils ont appelé à un accès équitable aux vaccins et aux traitements contre la COVID, à plus d'actions contre les changements climatiques et à mettre fin aux autres injustices qui vont à l'encontre de l'esprit d'une humanité, une lutte, qui est devenu le vibrant appel de notre époque.

Si le sujet épineux du sort de l'OÉA reste à déterminer dans de futures discussions, les perspectives sont favorables à la résolution de ce problème urgent pour les peuples de Notre Amérique et de la CELAC dans la période qui suit. Les perspectives en ce sens sont encore plus positives à la lumière de l'incapacité des États-Unis d'imposer un changement de régime dans les pays qu'ils ont ciblés, et de la défaite en 2022 des gouvernements réactionnaires, impopulaires et combien détestés de Duque en Colombie et de Bolsonaro au Brésil et possiblement d'autres, que les forces populaires de ces pays se préparent à faire tomber en bâtissant des fronts unis.


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 12 - 17 octobre 2021

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