Une démonstration de mépris pour le corps politique
- Margaret Villamizar -
À la fin de la campagne de la 44e élection générale, un journaliste a
demandé à Justin Trudeau s'il réexaminerait la question de la réforme
électorale s'il était élu. Justin Trudeau a répondu qu'il restait ouvert
à l'idée de se débarrasser du mode de scrutin majoritaire uninominal à
un tour, même
si ce n'est pas une priorité puisqu'il n'y a pas de consensus sur la
question, et que personne ne l'avait même soulevée avec lui pendant la
campagne jusque-là.
Justin Trudeau a toutefois précisé qu'il considérait le « vote
préférentiel », que le Parti libéral privilégie depuis longtemps, comme
la seule alternative, affirmant que ce système rend les élections moins
conflictuelles. Il continue de s'opposer à la représentation
proportionnelle, a-t-il dit,
car elle donne plus de poids aux petits partis « qui sont peut-être des
partis marginaux ».
C'est le même argument qu'il a donné en 2017 lorsqu'il a tenté de
justifier son refus d'appliquer les recommandations du Comité spécial
sur la réforme électorale visant à rendre la façon dont les votes sont
comptés plus représentative dans l'attribution des sièges à la Chambre
des communes. À
l'époque, il avait affirmé que les « voix extrémistes » qui n'adhèrent
pas à l'un des trois partis de la « grande tente » constituaient la plus
grande menace pour la démocratie canadienne.
« Si nous faisions un changement ou risquions un changement qui
augmente les voix individuelles – qui augmenterait les voix extrémistes
et les voix activistes qui ne siègent pas au parlement pour débattre de
ce qui est dans le meilleur intérêt de l'avenir de l'ensemble du pays,
comme le font les
trois partis actuels –, je crois que nous ouvririons une période
d'instabilité et d'incertitude », avait déclaré Justin Trudeau, ajoutant
que « nous mettrions en péril cette chose qui fait que nous sommes plus
chanceux que quiconque sur la planète. »
Justin Trudeau n'a pas expliqué qui était le « nous » auquel il
faisait référence, mais il était clair qu'il ne pouvait s'agir que de la
minorité privilégiée qui arrive au pouvoir par le système des partis et
qui fonctionne comme un cartel pour s'assurer que le peuple et ses
préoccupations sont
tenus à l'écart.
Il avait averti que des voix « extrémistes » pourraient parvenir à
détenir la balance du pouvoir dans le cadre de la représentation
proportionnelle si elles parviennent à obtenir 10, 15 ou 20 sièges.
Selon lui, « la force de notre démocratie est que nous devons rassembler
les gens dans les grands
partis qui représentent toute la diversité du Canada et qui apprennent à
travailler ensemble. [...] Et c'est pourquoi nous avons un système qui
fonctionne si bien. »
Certains anciens membres de son propre cabinet et de son propre
parti, qui ne sont plus là, compte tenu des événements qui se sont
déroulés au cours des législatures précédentes, ont beaucoup
d'expérience sur la façon dont la « grande tente » n'a pas écouté leurs
opinions. Ils ont été diffamés,
isolés et même expulsés parce que les points de vue divergents sont
tolérés seulement dans la mesure où ils n'entrent pas en conflit avec
les points de vue du premier ministre et de son entourage. En fait,
l'appartenance à l'entourage n'est pas inclusive mais exclusive à
l'extrême.
Dans la dernière semaine de la campagne 2021, CBC Windsor a publié un
article sur ce que la chaîne appelle les candidats des partis «
marginaux et dissidents ». L'article portait sur les candidats du Parti
de l'Héritage chrétien, du Parti marxiste-léniniste et du Parti vert
dans les
circonscriptions de la région, mais il s'agissait d'une variante de la
même ligne. L'article comportait de nombreux commentaires d'une
professeure de sciences politiques qui est l'« experte » à laquelle la
CBC fait appel en matière d'élections pour la région de Windsor. Elle
est également chargée de
recherche à l'Institut Fraser et a rédigé des articles contre l'adoption
de la représentation proportionnelle lorsque celle-ci était envisagée
en Colombie-Britannique. Dans ses écrits, la professeure met en garde
contre le fait que « dans les systèmes de représentation
proportionnelle, les petits
partis, comme les partis marginaux, sont en mesure d'exercer un pouvoir
disproportionné au détriment des préférences de la majorité des
électeurs qui n'ont pas voté pour ces partis ». Pour faire bonne mesure,
elle ajoute que le passage à la représentation proportionnelle
augmenterait probablement
les dépenses et les déficits du gouvernement.
Dans le reportage de la CBC, cette commentatrice a soulevé ce qui a
été présenté comme l'observation d'une tendance chez les électeurs. En
réalité, cela ressemblait davantage à un conseil qu'elle offrait. Elle a
dit que même si les gens peuvent graviter idéologiquement vers un parti
marginal,
quand vient le temps de voter, ils peuvent s'en tenir à l'un des
courants principaux « pour ne pas diviser le vote ».
Cette « nouvelle », dont on entend des variantes à chaque élection,
est l'une des méthodes utilisées pour convaincre l'électorat de ne pas
voter pour les candidats des petits partis ou les candidats
indépendants. Ces variantes sont répétées en continu de manière à être
acceptées sans discussion
comme étant le bon sens. En fait, leur but est de s'assurer que ce qu'on
appelle les grands partis – déjà favorisés par des privilèges de toutes
sortes à cause du financement de l'État, des lois électorales
manifestement injustes et de la promotion gratuite dans les médias –
puissent continuer de
fonctionner sans entrave comme un cartel qui écarte le peuple du pouvoir
ou même empêche des gens d'être élus pour que certaines voix ne soient
pas entendues et certaines préoccupations ne soient pas soulevées au
parlement.
Aucune menace pour le système de partis non représentatif appelé
gouvernement représentatif ne peut être permise. Les discussions sur la
direction de la politique étrangère du Canada, sur l'intégration du
Canada dans la machine de guerre des États-Unis et son soutien aux
guerres des États-Unis,
son adhésion à l'OTAN et à NORAD, les milliards dépensés pour les
préparatifs de guerre et pour payer les riches de multiples façons,
comment tout cela ne profite en rien au peuple canadien et, plus important
encore, qui décide, sont tous des sujets et des discussions considérés
comme des tabous qui ne
doivent pas être brisés.
La lutte pour le renouveau du processus politique afin d'investir les
Canadiens du pouvoir directement, au lieu de porter au pouvoir les
partis, est une lutte importante qui doit se poursuivre. Les forums
politiques qui rassemblent les gens pour qu'ils échangent leurs
expériences et discutent de
la manière d'avancer sont très nécessaires.
Cet article est paru dans
Volume 51 Numéro 11 - 10 octobre 2021
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2021/Articles/L510113.HTM
Site Web: www.pccml.ca
Courriel: redaction@cpcml.ca
|