Une démonstration de mépris pour le corps politique

À la fin de la campagne de la 44e élection générale, un journaliste a demandé à Justin Trudeau s'il réexaminerait la question de la réforme électorale s'il était élu. Justin Trudeau a répondu qu'il restait ouvert à l'idée de se débarrasser du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour, même si ce n'est pas une priorité puisqu'il n'y a pas de consensus sur la question, et que personne ne l'avait même soulevée avec lui pendant la campagne jusque-là.

Justin Trudeau a toutefois précisé qu'il considérait le « vote préférentiel », que le Parti libéral privilégie depuis longtemps, comme la seule alternative, affirmant que ce système rend les élections moins conflictuelles. Il continue de s'opposer à la représentation proportionnelle, a-t-il dit, car elle donne plus de poids aux petits partis « qui sont peut-être des partis marginaux ».

C'est le même argument qu'il a donné en 2017 lorsqu'il a tenté de justifier son refus d'appliquer les recommandations du Comité spécial sur la réforme électorale visant à rendre la façon dont les votes sont comptés plus représentative dans l'attribution des sièges à la Chambre des communes. À l'époque, il avait affirmé que les « voix extrémistes » qui n'adhèrent pas à l'un des trois partis de la « grande tente » constituaient la plus grande menace pour la démocratie canadienne.

« Si nous faisions un changement ou risquions un changement qui augmente les voix individuelles – qui augmenterait les voix extrémistes et les voix activistes qui ne siègent pas au parlement pour débattre de ce qui est dans le meilleur intérêt de l'avenir de l'ensemble du pays, comme le font les trois partis actuels –, je crois que nous ouvririons une période d'instabilité et d'incertitude », avait déclaré Justin Trudeau, ajoutant que « nous mettrions en péril cette chose qui fait que nous sommes plus chanceux que quiconque sur la planète. »

Justin Trudeau n'a pas expliqué qui était le « nous » auquel il faisait référence, mais il était clair qu'il ne pouvait s'agir que de la minorité privilégiée qui arrive au pouvoir par le système des partis et qui fonctionne comme un cartel pour s'assurer que le peuple et ses préoccupations sont tenus à l'écart.

Il avait averti que des voix « extrémistes » pourraient parvenir à détenir la balance du pouvoir dans le cadre de la représentation proportionnelle si elles parviennent à obtenir 10, 15 ou 20 sièges. Selon lui, « la force de notre démocratie est que nous devons rassembler les gens dans les grands partis qui représentent toute la diversité du Canada et qui apprennent à travailler ensemble. [...] Et c'est pourquoi nous avons un système qui fonctionne si bien. »

Certains anciens membres de son propre cabinet et de son propre parti, qui ne sont plus là, compte tenu des événements qui se sont déroulés au cours des législatures précédentes, ont beaucoup d'expérience sur la façon dont la « grande tente » n'a pas écouté leurs opinions. Ils ont été diffamés, isolés et même expulsés parce que les points de vue divergents sont tolérés seulement dans la mesure où ils n'entrent pas en conflit avec les points de vue du premier ministre et de son entourage. En fait, l'appartenance à l'entourage n'est pas inclusive mais exclusive à l'extrême.

Dans la dernière semaine de la campagne 2021, CBC Windsor a publié un article sur ce que la chaîne appelle les candidats des partis « marginaux et dissidents ». L'article portait sur les candidats du Parti de l'Héritage chrétien, du Parti marxiste-léniniste et du Parti vert dans les circonscriptions de la région, mais il s'agissait d'une variante de la même ligne. L'article comportait de nombreux commentaires d'une professeure de sciences politiques qui est l'« experte » à laquelle la CBC fait appel en matière d'élections pour la région de Windsor. Elle est également chargée de recherche à l'Institut Fraser et a rédigé des articles contre l'adoption de la représentation proportionnelle lorsque celle-ci était envisagée en Colombie-Britannique. Dans ses écrits, la professeure met en garde contre le fait que « dans les systèmes de représentation proportionnelle, les petits partis, comme les partis marginaux, sont en mesure d'exercer un pouvoir disproportionné au détriment des préférences de la majorité des électeurs qui n'ont pas voté pour ces partis ». Pour faire bonne mesure, elle ajoute que le passage à la représentation proportionnelle augmenterait probablement les dépenses et les déficits du gouvernement.

Dans le reportage de la CBC, cette commentatrice a soulevé ce qui a été présenté comme l'observation d'une tendance chez les électeurs. En réalité, cela ressemblait davantage à un conseil qu'elle offrait. Elle a dit que même si les gens peuvent graviter idéologiquement vers un parti marginal, quand vient le temps de voter, ils peuvent s'en tenir à l'un des courants principaux « pour ne pas diviser le vote ».

Cette « nouvelle », dont on entend des variantes à chaque élection, est l'une des méthodes utilisées pour convaincre l'électorat de ne pas voter pour les candidats des petits partis ou les candidats indépendants. Ces variantes sont répétées en continu de manière à être acceptées sans discussion comme étant le bon sens. En fait, leur but est de s'assurer que ce qu'on appelle les grands partis – déjà favorisés par des privilèges de toutes sortes à cause du financement de l'État, des lois électorales manifestement injustes et de la promotion gratuite dans les médias – puissent continuer de fonctionner sans entrave comme un cartel qui écarte le peuple du pouvoir ou même empêche des gens d'être élus pour que certaines voix ne soient pas entendues et certaines préoccupations ne soient pas soulevées au parlement.

Aucune menace pour le système de partis non représentatif appelé gouvernement représentatif ne peut être permise. Les discussions sur la direction de la politique étrangère du Canada, sur l'intégration du Canada dans la machine de guerre des États-Unis et son soutien aux guerres des États-Unis, son adhésion à l'OTAN et à NORAD, les milliards dépensés pour les préparatifs de guerre et pour payer les riches de multiples façons, comment tout cela ne profite en rien au peuple canadien et, plus important encore, qui décide, sont tous des sujets et des discussions considérés comme des tabous qui ne doivent pas être brisés.

La lutte pour le renouveau du processus politique afin d'investir les Canadiens du pouvoir directement, au lieu de porter au pouvoir les partis, est une lutte importante qui doit se poursuivre. Les forums politiques qui rassemblent les gens pour qu'ils échangent leurs expériences et discutent de la manière d'avancer sont très nécessaires.


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 11 - 10 octobre 2021

Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2021/Articles/L510113.HTM


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca