Conflits croissants entre les agences de police aux États-Unis

Le conflit entre autorité fédérale et étatique: le département de la Justice poursuit le gouverneur du Texas

Les conflits entre le gouvernement fédéral et le gouverneur du Texas, Greg Abbott, concernant l'autorité en matière d'immigration prend de l'ampleur. Après avoir envoyé environ 1 000 soldats de la police d'État dans la zone frontalière, le gouverneur Abbott a publié, le 28 juillet, un décret leur demandant d'arrêter les voitures « transportant des migrants qui présentent un risque de transmission de la COVID-19 ». Les défenseurs des droits des immigrants ont immédiatement protesté, affirmant que cette action ne pouvait se solder par autre chose qu'un profilage racial par les troupes de l'État. De plus, comme ils n'ont aucun moyen d'évaluer qui représente un risque, le profilage par pays d'origine serait également utilisé comme mesure. Les policiers d'État ont été habilités à arrêter les voitures qu'ils « soupçonnent » de transporter des migrants, à les obliger à retourner à leur point d'origine ou à un point d'entrée et à saisir le véhicule si le conducteur refuse.

Le 29 juillet, le procureur général des États-Unis, Merrick Garland, a menacé d'intervenir, affirmant que le décret était « dangereux et illégal » et demandant au gouverneur Abbott de l'annuler. Il a déclaré que le décret « viole la loi fédérale à de nombreux égards et que le Texas ne peut pas légalement appliquer le décret contre un fonctionnaire fédéral ou des entitées privées travaillant avec les États-Unis ». M. Abbott a refusé, déclarant expressément que son « devoir demeure envers le peuple du Texas, et je n'ai pas l'intention d'y renoncer ».

Le 30 juillet, le département de la Justice a intenté une action en justice devant le tribunal de district d'El Paso. La poursuite souligne la suprématie du gouvernement fédéral en matière d'immigration. Elle affirme qu'« aucun État ne peut faire obstacle au gouvernement fédéral dans l'exercice de ses responsabilités constitutionnelles » et que le décret « interfère directement avec l'administration de la loi fédérale sur l'immigration ». Elle évoque les conflits en cours en disant que le décret « cause un préjudice aux États-Unis et aux personnes que les États-Unis sont chargés de protéger, en mettant en péril la santé et la sécurité des non-citoyens placés sous la garde du gouvernement fédéral, en mettant en danger la sécurité des agents fédéraux chargés de l'application de la loi et de leurs familles ».

Le gouvernement fédéral passe des contrats avec de nombreuses organisations religieuses et à but non lucratif pour aider à transporter les migrants, y compris les réfugiés demandeurs d'asile, vers des abris ou des gares routières, des aéroports, etc. Ce sont ces personnes et ces organisations qui sont directement visées, ainsi que l'autorité fédérale de manière plus générale. Il est également vrai que l'exécution de cet ordre pourrait signifier qu'un plus grand nombre de personnes seront contraintes de rester dans des camps de détention fédéraux, car elles ne peuvent pas être transportées.

Le président Biden utilise également la COVID-19 pour justifier l'interdiction d'entrée des réfugiés et leur retour forcé au Mexique. Ainsi, le gouvernement fédéral et les gouvernements des États violent les droits des immigrants et des réfugiés, tout en se disputant l'autorité.

Il faut garder à l'esprit que les différentes forces concernées – la garde nationale fédérale et celle de l'État, les agences fédérales, notamment les services de l'immigration et des douanes et la patrouille frontalière, les troupes de l'État du Texas et les shérifs locaux – sont toutes armées et reçoivent des ordres contradictoires. Comme l'indique la poursuite, la situation « met en danger la sécurité du personnel fédéral chargé de l'application des lois ». Même si la Cour tranche en faveur du gouvernement fédéral, cela ne signifie pas que le gouverneur Abbott s'y soumettra. Le risque de confrontation directe entre les services de police, y compris de confrontation armée, augmente considérablement.

La signification de l'envoi de la Garde nationale à la frontière du Texas par la gouverneure du Dakota du Sud

À la demande du gouverneur du Texas Greg Abbott, la gouverneure du Dakota du Sud Kristi Noem déploie jusqu'à 50 soldats de la Garde nationale de son État à la frontière sud des États-Unis. Elle a annoncé ce déploiement le 29 juin, disant répondre à l'appel du gouverneur Abbott qui souhaitait renforcer la sécurité de la frontière à l'aide de forces policières d'autres États. Le déploiement initial durera semble-t-il de 30 à 60 jours, mais la gouverneure Noem peut le prolonger et ajouter des soldats supplémentaires. Elle a également déclaré que le déploiement était payé par un particulier qui est un méga donateur milliardaire et partisan de Donald Trump et des factions dirigeantes qu'il représente. Les gouverneurs Abbott et Noem sont également des partisans de trump.

Le déploiement, bien que faible en nombre, est significatif dans la mesure où il s'agit d'États agissant indépendamment du gouvernement fédéral en matière d'immigration. Il indique que les gouverneurs, qui représentent également des factions rivales au sein des cercles dirigeants, rejettent le compromis concernant les forces armées conclu lorsque la Constitution a été écrite. Ce compromis prévoyait que les factions dirigeantes n'organiseraient pas leurs propres armées privées et accepteraient l'autorité d'une seule armée publique, l'armée continentale, qui regroupe aujourd'hui l'ensemble des forces militaires américaines sous le commandement du président, qui est le commandant en chef, et donc du Pentagone. La Garde nationale de l'État devait être mobilisée dans l'État, par exemple en cas d'ouragans, d'incendies ou autres catastrophes naturelles. Chaque État contrôle des forces armées importantes avec la Garde nationale, en plus d'importantes forces policières de l'État. C'est le gouverneur de chaque État qui commande ces forces, et non le Pentagone. Le déploiement à l'extérieur de l'État implique que le président, avec le consentement des gouverneurs, place les forces de l'État sous contrôle central, de sorte que le Pentagone en assure le commandement. Cela a été fait dans le passé, par exemple, quand un grand nombre de gardes nationaux ont été déployés en Irak et en Afghanistan, rôle habituellement réservé aux soldats en service actif.

Il y a présentement environ 4 000 soldats de différents États à la frontière, principalement des gardes nationaux placés sous l'autorité centrale, ainsi que quelques soldats en service actif. Ils ont été déployés par le président Trump en 2018 et placés sous le commandement du Pentagone, et ils y sont restés depuis, maintenant sous le commandement du président Biden.

Le positionnement de troupes sous leur commandement direct par les gouverneurs du Texas et du Dakota du Sud est un nouveau développement qui va inévitablement exacerber les conflits déjà intenses entre les différentes agences de maintien de l'ordre fédérales et étatiques, et au sein de ces agences également, en particulier lorsqu'il s'agit de la frontière sud et de l'immigration. La Californie, par exemple, a refusé d'envoyer des forces à la frontière lorsque Donald Trump l'a réclamé.

Le gouverneur Abbott a déjà déployé la Garde nationale du Texas à la frontière entre le Texas et le Mexique et la gouverneure Noem y ajoute maintenant un contingent de la Garde nationale du Dakota du Sud. Puisque ni la Garde nationale du Texas ni celle du Dakota du Sud ne sont sous le commandement du Pentagone, elles peuvent mener des activités de maintien de l'ordre, comme des arrestations et des détentions.

En plus, il existe déjà des armées mercenaires privées aux États-Unis, mais elles sont généralement restées sous le commandement du Pentagone, comme en Irak, ou d'autres agences de police fédérales. Elles représentent néanmoins une privatisation des forces armées opérant directement pour le compte des oligopoles, généralement avec l'appui et le soutien des agences gouvernementales de maintien de l'ordre. De telles forces ont été utilisées, par exemple, contre des peuples autochtones, comme les protecteurs de l'eau à Standing Rock. À cet égard, la capacité des armées privées contrôlées par les oligopoles à agir indépendamment du gouvernement fédéral, voire contre son gré, fait partie des rivalités intenses entre les factions au pouvoir.

Le danger d'une guerre civile violente augmente avec ces développements. Les factions rivales au pouvoir s'efforcent de maintenir leur domination dans des conditions où leurs mécanismes habituels d'atténuation des conflits ne fonctionnent pas, comme l'indiquent ce déploiement mais aussi l'échec des élections à aplanir les différends et le dysfonctionnement de plus en plus évident du Congrès. Elles doivent répondre aux peuples qui, partout, rejettent leur légitimité et luttent pour les droits de toutes et tous, s'unissant contre la guerre et le recours à la force.

Dans cette situation, les dirigeants et leurs médias tentent à nouveau de dépeindre le problème comme une question de choisir le « bon côté » — Biden ou Trump. Trump a déjà rendu visite au gouverneur du Texas et s'est rendu à la frontière le 30 juin, et tout est fait pour attiser les passions pour un côté ou l'autre. Les efforts unis des peuples, y compris de part et d'autre de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, comme on l'a vu à El Paso et ailleurs, montrent que c'est cette lutte pour l'affirmation du peuple qui permet d'avancer, et non le choix d'un camp parmi les dirigeants.

Les gens sont de plus en plus conscients qu'ils ne peuvent pas se permettre de « choisir un camp » comme on les y incite. Ils doivent au contraire trouver comment intervenir à leur propre avantage, sur la base des objectifs qu'ils veulent eux-mêmes donner au pays.


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 9 - 1er août 2021

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