Les tentatives du gouvernement fédéral d'échapper à sa responsabilité
envers les peuples autochtones

La définition intéressée du Canada de la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones

Les libéraux de Justin Trudeau veulent à tout prix adopter le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le projet de loi C-15, comme toutes les autres initiatives des libéraux de Justin Trudeau prises au nom de la « vérité et la réconciliation », repose sur un mensonge. Loin d'engager le Canada à reconnaître les droits des peuples autochtones, le projet de loi C-15 vise à permettre à l'État canadien de continuer de refuser d'honorer les peuples autochtones en tant que nations souveraines et d'honorer leurs droits ancestraux et de traité, mais avec un semblant d'approbation des Nations unies.

Les libéraux veulent faire adopter ce projet de loi avant la prochaine élection pour pouvoir prétendre avoir tenu leur promesse sur la question de la « vérité et réconciliation ». Avec l'aide du NPD, ils se sont rapprochés un peu plus de cet objectif en imposant la clôture du débat sur le projet de loi le 15 avril, le renvoyant au Comité parlementaire sur les Affaires autochtones et du Nord. Le comité a complété son étude dans l'espace d'une semaine et a adopté le projet de loi en y apportant deux amendements après avoir entendu un petit groupe de témoins, dont la vaste majorité a exhorté le gouvernement à adopter le projet de loi le plus rapidement possible. Il va sans dire que les principales préoccupations de plusieurs des plus de 47 soumissions écrites, en particulier de la part des Premières Nations qui questionnent la légitimité du projet de loi C-15 ou qui demandent plus de temps pour étudier le projet de loi, ont été balayées du revers de la main.

Les médias monopolisés facilitent cette stratégie de convaincre les Canadiens que les peuples autochtones appuient le projet de loi C-15, mais comme ce fut le cas pour les soi-disant « consultations », ce ne sont que les quelques groupes triés sur le volet qui sont entendus. À mesure que les peuples autochtones prennent connaissance du projet de loi C-15, la résistance grandit.

Le 1er avril, l'Association des Indiens iroquois et alliés (AIIA), avec la collaboration du Parti vert, a organisé une conférence de presse pour dénoncer l'empressement du gouvernement Trudeau d'aller de l'avant avec son projet de loi. Le grand chef Joel Adams de l'AIIA a déclaré : « C'est une chose que de tenter de décider ce qui est mieux pour nous sans nous consulter, ce qui est insultant en soi, c'en est une autre que de se servir de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour tenter de priver les peuples autochtones de leurs droits. Ils s'empressent de faire adopter à toute vapeur la législation avec le moins de consultations possibles pour qu'ils puissent prétendre que les autochtones l'appuient alors qu'en réalité un grand nombre de communautés n'ont pas été consultées ou sensibilisées au fait que cela puisse être une réalité. »

La Déclaration des Nations unies de 2007 sur les droits des peuples autochtones (DDPA) a été le résultat d'une lutte ardue sur plusieurs décennies des peuples autochtones du Canada et du monde. Il s'agissait de créer un cadre juridique permettant aux peuples autochtones de lancer des campagnes pour avancer la lutte pour leurs droits au sein d'États coloniaux oppresseurs comme le Canada. Aux Nations unies, le Canada, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande – les quatre nations ayant la pire feuille de route génocidaire contre les peuples autochtones – ont fait tout ce qu'ils ont pu pour saboter les efforts des peuples autochtones du Canada et de partout dans le monde pour inscrire l'affirmation de leur droit d'être à l'ordre du jour de toute l'humanité aux Nations unies. Cette campagne, souvent menée par le Canada, visait principalement à faire en sorte que le droit à la souveraineté des peuples autochtones au Canada et internationalement ne soit pas garanti par la déclaration.

L'universitaire anishinabé et directeur général de l'Institut Yellowhead, un groupe de réflexion autochtone de l'Université Ryerson, le docteur Hayden King, en parle dans un article de 2018 intitulé « La faille fatale de la DDPA ». Le docteur King demande comment on peut affirmer les droits autochtones alors que la DDPA a été « créée en laissant intactes les structures intrinsèques du pouvoir – laissant ultimement le contrôle entre les mains de l'État ». Il souligne : « Au cours des discussions, les États anglophones se sont régulièrement opposés au projet de déclaration, réécrivant plus d'une douzaine d'articles et en retirant d'autres. Ces changements ont été faits en dépit des boycotts et des grèves de la faim de délégués autochtones aux Nations unies. »

Les changements les plus dommageables ont été faits au dernier article, l'article 46. Dans le texte original, on pouvait lire : « Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un peuple, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte contraire à la Charte des Nations unies », auquel l'article 46(1) révisé rajoute « ni considérée comme autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour effet de détruire ou d'amoindrir, totalement ou partiellement, l'intégrité territoriale ou l'unité politique d'un État souverain et indépendant ».

De cette façon, le Canada, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont systématiquement changé le but et l'intention de l'ébauche de 1994 de la déclaration présentée par le Groupe de travail sur les peuples autochtones, qui avaient fait du droit à la souveraineté et à l'autodétermination autochtones une priorité. Même avec ces changements, le Canada, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont tous voté contre la déclaration lorsqu'elle a été adoptée par une majorité écrasante (144 pays pour et 11 abstentions) à l'Assemblée générale en novembre 2007.

En votant contre le projet de loi, l'État canadien – à ce moment-là les conservateurs de Harper étaient au pouvoir – refusait même de reconnaître les peuples autochtones. Le projet de loi C-15 est une tentative des libéraux de Justin Trudeau de codifier dans la loi canadienne, forts d'une soi-disant approbation de l'ONU, les efforts inlassables du Canada pour maintenir les droits des peuples autochtones dans les paramètres coloniaux du XIXe siècle, qui foulent au pied les droits ancestraux et de traité des peuples autochtones. C'est un geste extrêmement intéressé de la part des libéraux de Justin Trudeau.

Il suffit de constater ce qui s'est passé en Colombie-Britannique avec l'adoption du projet de loi 41, Loi sur la déclaration des droits des peuples autochtones, en novembre 2019, par le gouvernement néodémocrate de John Horgan. Certaines des personnes qui ont contribué à l'adoption de la loi sont maintenant recrutées pour se prononcer en faveur du projet de loi C-15. Pourtant, Horgan n'a pas hésité à criminaliser les défenseurs de la terre Wet'suwet'en et à appeler à des assauts paramilitaires contre eux lorsqu'ils ont défendu leur droits ancestraux et territoriaux contre le pipeline de Coastal Gas, moins de deux mois après que le gouvernement de la Colombie-Britannique ait « reconnu » la DDPA. Aussi, malgré l'opposition résolue des peuples autochtones et de leurs alliés, des dizaines de millions de dollars ont été versés en subventions aux monopoles privés pour qu'ils poursuivent la construction du barrage du site C en Colombie-Britannique sur des terres autochtones, y compris des sites sacrés et de chasse. Voilà comment la DDPA est « défendue » au Canada.

Le projet de loi C-15 repose sur un mensonge. Charmaine White Face, une porte-parole et aînée oglala sioux, a publié une déclaration le 16 avril au nom des Réseaux d'activistes autochtones dénonçant l'empressement du Canada à adopter le projet de loi C-15. Elle fait valoir que la DDPA de 2007 n'est PAS la déclaration approuvée par les peuples autochtones et qu'il est trompeur de prétendre que le projet de loi C-15 affirmera les droits des peuples autochtones. Il sera dommageable pour le Canada. Elle souligne qu'il est faux de prétendre que « le projet de loi C-15 affirmera les droits des peuples autochtones ». « La DDPA, dit-elle, a été modifiée pour répondre aux besoins des gouvernements colonisateurs de poursuivre leur contrôle des peuples et des ressources autochtones ». Elle souligne que le Canada pourrait défendre la vérité et fonder ses lois sur l'ébauche de 1994 de la DDPA que les peuples autochtones du monde ont élaborée et approuvée et qui avait reçu l'approbation de deux comités des Nations unies. Elle a prévenu que l'adoption du projet de loi C-15 relève de la malhonnêteté et sera dommageable pour le Canada.

Plus grandira l'opposition des Autochtones défendant leurs droits et leurs titres ancestraux au projet de loi C-15 et plus les libéraux de Trudeau seront isolés et désespérés. La lutte contre le projet de loi C-15 met en lumière la crise constitutionnelle au Canada et la nécessité d'un Canada moderne et démocratique, une union libre et volontaire, avec une constitution moderne qui défend les droits ancestraux et de titres des peuples autochtones de l'île de la Tortue. Le projet de loi C-15 doit être retiré et les relations du Canada avec les peuples autochtones doivent reposer sur le respect réciproque et l'égalité, sur la reconnaissance de leur droit inaliénable à la souveraineté et à l'autodétermination.

Retirez le projet de loi C-15 ! Non à la définition intéressée de la DDPA par le Canada !
Défendons les droits ancestraux des peuples autochtones !

(Sources : Institut Yellowhead, Réseau des activistes autochtones, Gouvernement du Canada)


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 6 - 9 mai 2021

Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2021/Articles/L510065.HTM


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca