Les tentatives du gouvernement
fédéral d'échapper à sa responsabilité
envers les peuples autochtones
La définition intéressée du Canada de la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones
- Philip Fernandez -
Les libéraux de Justin Trudeau veulent à tout
prix adopter le projet de loi C-15, Loi
concernant la Déclaration des Nations Unies sur
les droits des peuples autochtones. Le
projet de loi C-15, comme toutes les autres
initiatives des libéraux de Justin Trudeau prises
au nom de la « vérité et la réconciliation »,
repose sur un mensonge. Loin d'engager le Canada à
reconnaître les droits des peuples autochtones, le
projet de loi C-15 vise à permettre à l'État
canadien de continuer de refuser d'honorer les
peuples autochtones en tant que nations
souveraines et d'honorer leurs droits ancestraux
et de traité, mais avec un semblant d'approbation
des Nations unies.
Les libéraux veulent faire adopter ce projet de
loi avant la prochaine élection pour pouvoir
prétendre avoir tenu leur promesse sur la question
de la « vérité et réconciliation ». Avec l'aide du
NPD, ils se sont rapprochés un peu plus de cet
objectif en imposant la clôture du débat sur le
projet de loi le 15 avril, le renvoyant au Comité
parlementaire sur les Affaires autochtones et du
Nord. Le comité a complété son étude dans l'espace
d'une semaine et a adopté le projet de loi en y
apportant deux amendements après avoir entendu un
petit groupe de témoins, dont la vaste majorité a
exhorté le gouvernement à adopter le projet de loi
le plus rapidement possible. Il va sans dire que
les principales préoccupations de plusieurs des
plus de 47 soumissions écrites, en particulier de
la part des Premières Nations qui questionnent la
légitimité du projet de loi C-15 ou qui demandent
plus de temps pour étudier le projet de loi, ont
été balayées du revers de la main.
Les médias monopolisés facilitent cette stratégie
de convaincre les Canadiens que les peuples
autochtones appuient le projet de loi C-15, mais
comme ce fut le cas pour les soi-disant «
consultations », ce ne sont que les quelques
groupes triés sur le volet qui sont entendus. À
mesure que les peuples autochtones prennent
connaissance du projet de loi C-15, la résistance
grandit.
Le 1er avril, l'Association des
Indiens iroquois et alliés (AIIA), avec la
collaboration du Parti vert, a organisé une
conférence de presse pour dénoncer l'empressement
du gouvernement Trudeau d'aller de l'avant avec
son projet de loi. Le grand chef Joel Adams de
l'AIIA a déclaré : « C'est une chose que de tenter
de décider ce qui est mieux pour nous sans nous
consulter, ce qui est insultant en soi, c'en est
une autre que de se servir de la Déclaration des
Nations unies sur les droits des peuples
autochtones pour tenter de priver les peuples
autochtones de leurs droits. Ils s'empressent de
faire adopter à toute vapeur la législation avec
le moins de consultations possibles pour qu'ils
puissent prétendre que les autochtones l'appuient
alors qu'en réalité un grand nombre de communautés
n'ont pas été consultées ou sensibilisées au fait
que cela puisse être une réalité. »
La Déclaration des Nations unies de 2007 sur les
droits des peuples autochtones (DDPA) a été le
résultat d'une lutte ardue sur plusieurs décennies
des peuples autochtones du Canada et du monde. Il
s'agissait de créer un cadre juridique permettant
aux peuples autochtones de lancer des campagnes
pour avancer la lutte pour leurs droits au sein
d'États coloniaux oppresseurs comme le Canada. Aux
Nations unies, le Canada, les États-Unis,
l'Australie et la Nouvelle-Zélande – les quatre
nations ayant la pire feuille de route génocidaire
contre les peuples autochtones – ont fait tout ce
qu'ils ont pu pour saboter les efforts des peuples
autochtones du Canada et de partout dans le monde
pour inscrire l'affirmation de leur droit d'être à
l'ordre du jour de toute l'humanité aux Nations
unies. Cette campagne, souvent menée par le
Canada, visait principalement à faire en sorte que
le droit à la souveraineté des peuples autochtones
au Canada et internationalement ne soit pas
garanti par la déclaration.
L'universitaire anishinabé et directeur général
de l'Institut Yellowhead, un groupe de réflexion
autochtone de l'Université Ryerson, le docteur
Hayden King, en parle dans un article de 2018
intitulé « La faille fatale de la DDPA ». Le
docteur King demande comment on peut affirmer les
droits autochtones alors que la DDPA a été « créée
en laissant intactes les structures intrinsèques
du pouvoir – laissant ultimement le contrôle entre
les mains de l'État ». Il souligne : « Au cours
des discussions, les États anglophones se sont
régulièrement opposés au projet de déclaration,
réécrivant plus d'une douzaine d'articles et en
retirant d'autres. Ces changements ont été faits
en dépit des boycotts et des grèves de la faim de
délégués autochtones aux Nations unies. »
Les changements les plus dommageables ont été
faits au dernier article, l'article 46. Dans le
texte original, on pouvait lire : « Aucune
disposition de la présente Déclaration ne peut
être interprétée comme impliquant pour un État, un
peuple, un groupement ou un individu un droit
quelconque de se livrer à une activité ou
d'accomplir un acte contraire à la Charte des
Nations unies », auquel l'article 46(1) révisé
rajoute « ni considérée comme autorisant ou
encourageant aucun acte ayant pour effet de
détruire ou d'amoindrir, totalement ou
partiellement, l'intégrité territoriale ou l'unité
politique d'un État souverain et indépendant ».
De cette façon, le Canada, les États-Unis,
l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont
systématiquement changé le but et l'intention de
l'ébauche de 1994 de la déclaration présentée par
le Groupe de travail sur les peuples autochtones,
qui avaient fait du droit à la souveraineté et à
l'autodétermination autochtones une priorité. Même
avec ces changements, le Canada, les États-Unis,
l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont tous voté
contre la déclaration lorsqu'elle a été adoptée
par une majorité écrasante (144 pays pour et 11
abstentions) à l'Assemblée générale en novembre
2007.
En votant contre le projet de loi, l'État
canadien – à ce moment-là les conservateurs
de Harper étaient au pouvoir – refusait même de
reconnaître les peuples autochtones. Le projet de
loi C-15 est une tentative des libéraux de Justin
Trudeau de codifier dans la loi canadienne, forts
d'une soi-disant approbation de l'ONU, les efforts
inlassables du Canada pour maintenir les droits
des peuples autochtones dans les paramètres
coloniaux du XIXe siècle, qui foulent au pied les
droits ancestraux et de traité des peuples
autochtones. C'est un geste extrêmement intéressé
de la part des libéraux de Justin Trudeau.
Il suffit de
constater ce qui s'est passé en
Colombie-Britannique avec l'adoption du projet de
loi 41, Loi sur la déclaration des droits des
peuples autochtones, en novembre 2019, par
le gouvernement néodémocrate de John Horgan.
Certaines des personnes qui ont contribué à
l'adoption de la loi sont maintenant recrutées
pour se prononcer en faveur du projet de loi C-15.
Pourtant, Horgan n'a pas hésité à criminaliser les
défenseurs de la terre Wet'suwet'en et à appeler à
des assauts paramilitaires contre eux lorsqu'ils
ont défendu leur droits ancestraux et territoriaux
contre le pipeline de Coastal Gas, moins de deux
mois après que le gouvernement de la
Colombie-Britannique ait « reconnu » la DDPA.
Aussi, malgré l'opposition résolue des peuples
autochtones et de leurs alliés, des dizaines de
millions de dollars ont été versés en subventions
aux monopoles privés pour qu'ils poursuivent la
construction du barrage du site C en
Colombie-Britannique sur des terres autochtones, y
compris des sites sacrés et de chasse. Voilà
comment la DDPA est « défendue » au Canada.
Le projet de loi C-15 repose sur un mensonge.
Charmaine White Face, une porte-parole et aînée
oglala sioux, a publié une déclaration le 16 avril
au nom des Réseaux d'activistes autochtones
dénonçant l'empressement du Canada à adopter le
projet de loi C-15. Elle fait valoir que la DDPA
de 2007 n'est PAS la déclaration approuvée par les
peuples autochtones et qu'il est trompeur de
prétendre que le projet de loi C-15 affirmera les
droits des peuples autochtones. Il sera
dommageable pour le Canada. Elle souligne qu'il
est faux de prétendre que « le projet de loi C-15
affirmera les droits des peuples autochtones ». «
La DDPA, dit-elle, a été modifiée pour répondre
aux besoins des gouvernements colonisateurs de
poursuivre leur contrôle des peuples et des
ressources autochtones ». Elle souligne que le
Canada pourrait défendre la vérité et fonder ses
lois sur l'ébauche de 1994 de la DDPA que les
peuples autochtones du monde ont élaborée et
approuvée et qui avait reçu l'approbation de deux
comités des Nations unies. Elle a prévenu que
l'adoption du projet de loi C-15 relève de la
malhonnêteté et sera dommageable pour le Canada.
Plus grandira l'opposition des Autochtones
défendant leurs droits et leurs titres ancestraux
au projet de loi C-15 et plus les libéraux de
Trudeau seront isolés et désespérés. La lutte
contre le projet de loi C-15 met en lumière la
crise constitutionnelle au Canada et la nécessité
d'un Canada moderne et démocratique, une union
libre et volontaire, avec une constitution moderne
qui défend les droits ancestraux et de titres des
peuples autochtones de l'île de la Tortue. Le
projet de loi C-15 doit être retiré et les
relations du Canada avec les peuples autochtones
doivent reposer sur le respect réciproque et
l'égalité, sur la reconnaissance de leur droit
inaliénable à la souveraineté et à
l'autodétermination.
Retirez le projet de loi
C-15 ! Non à la définition intéressée de la
DDPA par le Canada !
Défendons les droits ancestraux des
peuples autochtones !
Cet article est paru dans
Volume 51 Numéro 6 - 9 mai 2021
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2021/Articles/L510065.HTM
Site Web: www.pccml.ca
Courriel: redaction@cpcml.ca
|