Les principaux éléments du projet de loi 57

Le projet de loi 57, Loi sur la protection de l'infrastructure essentielle, débute par les considérants du projet de loi, une série d'« attendus » qui le présentent comme étant non extrémiste, un équilibre entre la liberté d'expression et de rassemblement et la protection de l'infrastructure essentielle contre l'entrave.

Attendu :

« que la liberté de réunion et la liberté d'expression sont des droits constitutionnels et que le droit de se rassembler dans un lieu public en vue de participer au discours démocratique en découle;

« qu'il existe des infrastructures essentielles partout au Manitoba et que leur utilisation contribue de manière significative à la santé, à la sécurité et au bien-être économique des Manitobains;

« qu'il est dans l'intérêt de tous les Manitobains que les infrastructures essentielles soient protégées contre toute entrave et que le droit de se rassembler en vue de participer au discours démocratique soit également respecté [...] ».

En fait, l'ensemble du projet de loi établit le processus en vertu duquel la lutte du peuple à la défense de ses droits est criminalisée par l'État sous prétexte que cette lutte « entrave » ce qui est appelé une infrastructure essentielle. Le projet de loi ne définit pas ce qu'est une « entrave ». Le projet suggère que quiconque, par ses actions, empêche un propriétaire ou un exploitant d'une infrastructure essentielle de construire ou d'exploiter une infrastructure est responsable d'une entrave.

Une définition vide de sens d'« infrastructure essentielle »

Le projet de loi donne la définition suivante d'infrastructure essentielle : « Les infrastructures dont l'utilisation ou la présence contribue de manière significative à la santé, à la sécurité ou au bien-être économique des Manitobains sont des infrastructures essentielles. »

Pour faire en sorte que la question du territoire soit au centre du processus de criminalisation, le projet de loi indique : « Pour l'application de la présente loi, les infrastructures essentielles comprennent les biens-fonds ou les lieux où elles sont situées. »

Un processus fallacieux de protection de l'infrastructure essentielle

Le processus de protection de l'infrastructure essentielle contre l'entrave est enclenché lorsque le propriétaire ou l'exploitant d'une infrastructure essentielle présente une requête au tribunal en vue d'obtenir une ordonnance établissant une zone de protection lorsque le propriétaire ou l'exploitant « estime » qu'une personne entrave ou retarde « la construction, l'exploitation, l'utilisation, l'entretien ou la réparation des infrastructures ».

L'audience relative à la requête doit être tenue d'urgence. Si le tribunal statue que les infrastructures en question sont des infrastructures essentielles, que « leur construction, exploitation, utilisation, entretien ou réparation sont entravés ou retardés », et qu'une ordonnance est nécessaire pour libérer les infrastructures de l'entrave, le tribunal émet une ordonnance de manière urgente qui établit une zone de protection pour infrastructures essentielles. Le projet de loi prévoit aussi que le tribunal peut rendre l'ordonnance en l'absence d'une requête d'obtention d'une ordonnance de la part du propriétaire ou de l'exploitant si le tribunal « est convaincu qu'il serait peu pratique pour le requérant » de demander une ordonnance.

Le tribunal désigne une zone autour des infrastructures essentielles à titre de zone de protection pour infrastructures essentielles, interdit à quiconque d'entrer dans la zone, interdit ou restreint une activité donnée dans la zone, et interdit toute entrave aux voies d'accès nécessaires à l'entrée des personnes ou du matériel dans la zone.

Désignation d'un endroit où les gens peuvent se rassembler

Une partie du projet de loi affirme que « la liberté de réunion et la liberté d'expression sont des droits constitutionnels et que le droit de se rassembler dans un lieu public en vue de participer au discours démocratique en découle ». C'est un exemple du recours aux tribunaux pour défendre le droit de propriété privée au nom de décider au nom du peuple toutes les limitations que la classe dirigeante considère raisonnables. L'objectif est clairement de faire en sorte que le rôle du peuple est réduit à faire du lobbying auprès des gouvernements et des employeurs d'une façon qui n'exerce aucune pression sur eux et en fait aide à priver le peuple de son mot à dire sur ce qui peut ou ne peut pas être fait en ce qui a trait aux questions qui affectent sa vie.

Le projet de loi prévoit que le tribunal qui émet l'ordonnance pour créer une zone de protection de l'infrastructure essentielle peut désigner un endroit à proximité ou au sein de la zone de protection pour infrastructures essentielles où peuvent se rassembler « ceux qui souhaitent exercer leur droit à la liberté de réunion et à la liberté d'expression ». Le tribunal doit être convaincu que la désignation est nécessaire pour la protection de ces droits et qu'elle ne crée aucun risque pour la sécurité de quiconque.

L'hypocrisie est si grande qu'afin de protéger la prétention de la classe dirigeante que les tribunaux sont neutres et servent tous et chacun également, le projet de loi prévoit que le tribunal doit désigner cet endroit « en tenant compte des facteurs suivants : il doit se trouver sur une propriété publique; il doit être aussi proche que possible des infrastructures essentielles; il doit être visible du public ».

Le projet de loi ne dit rien au sujet de forcer les gouvernements à définir l'intérêt public d'une façon qui ne sert pas les intérêts privés étroits et de mettre en oeuvre ce que le peuple décide.

Des infractions, des pénalités et des pouvoirs de saisie qui sont conçus pour créer beaucoup de prisonniers politiques

Le projet de loi établit des peines pour les individus trouvés coupables d'infraction à l'ordonnance de la cour ou d'avoir aidé une autre personne à le faire ou lui avoir conseillé de le faire. La peine est une amende maximale de 5 000 $ et un emprisonnement maximal de 30 jours, ou les deux. Dans le cas d'une corporation, la peine est une amende maximale de 25 000 $. Lorsque l'infraction dure plus qu'une journée, la personne est coupable d'une infraction distincte pour chaque journée.

Le projet de loi établit aussi des pouvoirs de saisie. Il indique : « L'agent de la paix qui constate qu'une infraction à la présente loi est en voie d'être commise peut saisir les véhicules automobiles, les remorques et tout autre bien servant à la perpétration de l'infraction ou en constituant la preuve. »

Le projet de loi donne aussi au tribunal le pouvoir de suspendre le permis de conduire d'une personne pendant une période d'un an ou de lui interdire de posséder un permis de conduire pendant un an lorsque la personne trouvée coupable d'infraction à la loi a utilisé un véhicule automobile ou une remorque pendant leur action. La note explicative indique :

« Les biens ayant servi à la perpétration de l'infraction, notamment les véhicules automobiles et les remorques utilisés pour créer une entrave, peuvent être saisis et confisqués en cas de déclaration de culpabilité. »

L'annexe concentre les pouvoirs arbitraires dans
les mains du gouvernement

Pour faire bonne mesure, dans l'annexe qui dresse la liste des infrastructures considérées essentielles, le projet de loi confère tous les pouvoirs arbitraires au gouvernement albertain de prendre les décisions au fur et à mesure que les choses se développent.

L'annexe établit 10 catégories d'infrastructure essentielle : agriculture et production alimentaire; communications; finances; gouvernement; soins de santé; justice et sécurité publique; pétrole, gaz et électricité; transport; élimination des déchets et eaux, égouts et drainage;

La liste est beaucoup plus vaste que celle qui est incluse dans la loi 1 du gouvernement Kenney, Loi sur la défense des infrastructures essentielles qui a été adoptée en mai 2020. La loi 1 contient toutefois des clauses qui peuvent définir n'importe quoi comme infrastructure essentielle, « ce qui inclut » « des édifices, des structures, des équipements ou autre chose prévus par règlement ». Les règlements n'ont pas encore été publiés.

Pour donner une idée de ce que ce projet de loi du Manitoba appelle infrastructure essentielle, disons que sous la catégorie agriculture et production, il regroupe, entre autres, les installations de transformation et d'emballage d'aliments pour animaux, les installations de transformation des animaux, les installations de transformation alimentaire et même les épiceries et autres magasins vendant des produits alimentaires.

Dans la catégorie soins de santé, il regroupe les services ambulanciers et de transport de patients, les hôpitaux et cliniques médicales et les foyers de soins personnels.

Dans la catégorie gouvernement, il inclut « les installations nécessaires à la prestation des services gouvernementaux au public ou au fonctionnement efficace de la Législature ».

Il est évident que le gouvernement a en tête la criminalisation des actions du peuple dans les usines de transformation de la viande, les hôpitaux et les autres établissements de santé, à la Législature et dans d'autres endroits où les gens dénoncent l'offensive antisociale et le refus de protéger la population contre la COVID-19. Les travailleurs, les défenseurs autochtones de la terre et tous ceux qui s'opposent au diktat des monopoles du rail, du pétrole et du gaz et défendent leurs droits et leur avenir, de même que les jeunes et les fermiers qui organisent des actions seront pris comme cible.

Tout ce projet de loi est une attaque intolérable contre le droit du peuple d'exprimer sa conscience et de déterminer la direction des affaires économiques et politiques afin qu'elles servent les besoins et les intérêts du peuple et non ceux des riches.


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 6 - 9 mai 2021

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