Opposition à une définition
sioniste de l'antisémitisme
La définition sioniste de l'antisémitisme ne doit pas passer!
- Diane Johnston -
Une motion pourrait être présentée à la réunion
mensuelle du 19 avril du Conseil municipal de
Montréal pour adopter la définition opérationnelle
utilisée par l'Alliance internationale pour la
mémoire de l'Holocauste (IHRA). Elle était
attendue à la réunion des 22-23 mars. Prévoyant
une telle réunion, près de 30 organisations
antiracistes montréalaises ont envoyé le 9 mars
une lettre ouverte à la mairesse Valérie Plante et
au conseil leur demandant de prendre position
contre la définition de l'IHRA.
Cette définition dit: «« L'antisémitisme est une
certaine perception des Juifs qui peut se
manifester par une haine à leur égard. Les
manifestations rhétoriques et physiques de
l'antisémitisme visent des individus juifs ou non
et/ou leurs biens, des institutions communautaires
et des lieux de culte. » Cette définition est à la
fois fallacieuse et étroite. Elle est imprégnée de
notions sionistes intéressées, notamment la
supposition que seuls les Juifs sont des Sémites.
En outre, sur les 11 « exemples » que l'IHRA
fournit comme lignes directrices, sept font
référence à la critique de l'État d'Israël.
Voix juives indépendantes Canada a souligné qu'«
une motion similaire a été retirée à la suite
d'une large opposition populaire en janvier 2020
».
Il est utile de revenir sur ce qui s'est passé à
l'hôtel de ville de Montréal en janvier 2020 la
première fois que la motion a été présentée et ce
qui a suivi.
Le 27 janvier 2020,
à l'occasion du 75e anniversaire de la libération
des prisonniers d'Auschwitz par l'armée
soviétique, également connue sous le nom de
Journée internationale de commémoration en mémoire
des victimes de l'holocauste, le conseil municipal
de Montréal s'est réuni pour discuter d'une motion
visant à adopter la définition de travail de
l'IHRA de l'antisémitisme présentée par Lionel
Perez, chef de l'opposition officielle et chef par
intérim de l'Ensemble Montréal (anciennement
Équipe Denis Coderre pour Montréal), à la suite de
la défaite de Coderre aux élections municipales de
2017. Un piquetage devant l'hôtel de ville de
Montréalqui comprenait des membres de Palestiniens
et Juifs unis (PAJU), de Voix juives
indépendantes, du Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) et d'autres forces
progressistes, s'est opposé à l'adoption de la
définition de l'IHRA.
À l'hôtel de ville de Montréal, trois citoyens
ont été choisis par tirage au sort pour poser des
questions sur la motion. Une personne s'est
identifiée comme la fille d'immigrants juifs
soviétiques dont les membres de la famille « ont
survécu et n'ont pas survécu » à l'Holocauste, une
autre comme la fille de « survivants et réfugiés
du gouvernement et de l'État allemands, des camps
de concentration et de la violence », et une
troisième comme membre de Voix juives
indépendantes[1].
L'une d'elles a noté que la définition
opérationnelle de l'IHRA « criminalise activement
les Palestiniens et les organisations
pro-palestiniennes et antisionistes » et «
obscurcit et détourne l'attention des
manifestations très violentes d'antisémitisme et
d'islamophobie, alors que les groupes
suprémacistes blancs comme Atalante et La Meute
marchent dans les rues de Montréal et de Québec et
sont souvent protégés par la police et prennent
leurs positions idéologiques des mêmes idéologies
qui ont permis l'Holocauste ». Elle a demandé
quand la ville pointerait du doigt les agents
actifs de l'antisémitisme comme les groupes
suprémacistes blancs[2].
Un autre participant a noté l'importance du débat
public, du débat et de la critique concernant les
actions et les politiques de tout État, y compris
Israël, et s'est demandé comment le débat public
et les manifestations contre Israël seraient
assurés et les voix palestiniennes entendues si la
définition de l'IHRA était adoptée.
Perez a répondu que la définition avait été
élaborée pendant 12 ans par environ 30 pays,
l'ONU, l'UNESCO et l'Union européenne. « Nous
avons tous les grands pays démocratiques, y
compris le Canada, qui l'ont adopté, et devinez
quoi ? Ils n'ont pas de souci que cela va entraver
la liberté d'expression. » Il a ajouté que même si
la critique d'Israël était bonne, si « vous
commenciez à incorporer des éléments de haine,
lorsque vous utilisez des tropes d'antisémitisme
[des éléments de conspiration], lorsque vous
commencez à parler de messages subliminaux, c'est
là que la haine entre[3]. »
En réponse à une question sur la façon de
garantir que les gens auront toujours le droit
d'étiqueter les États – que ce soit le Canada
ou Israël – comme des États racistes si la
définition est adoptée, il a répondu : « Nous
pouvons » et « devons nous en remettre à nos
institutions », et que « pour nous, cela montre
que c'est tout à fait légitime et qu'il s'agit
toujours [...] de trouver un équilibre et dans une
société libre et démocratique, ça se trouve[4]
».
Un des intervenants a demandé : « Ne pouvons-nous
pas avoir une conception plus large de
l'antisémitisme qui y voit une sorte de haine qui
n'est pas très différente de l'islamophobie ou de
l'homophobie ou de toutes les autres formes de
haine, car elle cible toutes les formes de haine
et ne divise pas les communautés [5]
? »
Le lendemain du dépôt par Perez de sa motion,
l'administration de la Ville de Montréal a décidé
de la renvoyer en comité pour étude, où elle est
restée depuis.
Cette année encore le 27 janvier, à l'occasion du
jour du Souvenir de l'Holocauste, lors d'une
réunion spéciale du conseil d'arrondissement
Côte-des-Neiges – Notre-Dame-de-Grâce dans l'ouest
de Montréal, dont Perez est membre, la « Motion
adoptant la définition opérationnelle de
l'antisémitisme » de l'Alliance internationale
pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA) » a été
adoptée[6].
Parmi les considérations contenues dans la
motion, on constate que « en 2015, la Ville de
Montréal a créé le Centre de prévention de la
radicalisation menant à la violence, qui a comme
objectif de prévenir la radicalisation menant à la
violence et les comportements à caractère haineux
». Une autre est que « à la suite de la Table
ronde de Montréal de 2015 sur la lutte contre
l'antisémitisme, le Service de police de Montréal
a établi en 2016, un Module incidents et crimes
haineux lui permettant d'enquêter plus
efficacement les signalements et plaintes reçues
en matière d'incidents et de crimes haineux ». On
peut également y lire que « en novembre 2020, le
Canada a créé le poste d'envoyé spécial pour la
préservation de la mémoire de l'Holocauste et la
lutte contre l'antisémitisme en y nommant
l'honorable Irwin Cotler, ancien ministre fédéral
de la Justice, et ce dernier mènera la délégation
du gouvernement du Canada auprès de l'IHRA ». Une
autre considération encore est que « ces dernières
années, il y a eu recrudescence des attaques
antisémites dans le monde et au Canada [7]
».
Une des résolutions de la motion stipule que « la
direction de l'arrondissement diffuse la
définition auprès des services pour qu'elle soit
utilisée selon leurs besoins respectifs ». La
motion adoptant la définition de l'antisémitisme
de l'IHRA décide également « que l'arrondissement
de Côte-des-Neiges – Notre-Dame-de-Grâce
demande à l'administration de la Ville de Montréal
et au conseil municipal d'adopter la définition de
l'antisémitisme de l'IHRA dans les plus brefs
délais[8]. »
Le lendemain, une lettre à la rédaction a paru
dans le Montreal Gazette applaudissant
Perez et l'arrondissement d'avoir adopté la
définition de l'IHRA. Entre autres, il était dit :
« Nous encourageons les autres arrondissements et
la Ville de Montréal à emboîter le pas ». La
lettre ajoutait : « Nous travaillons avec le
gouvernement du Québec pour produire un guide
pédagogique universel sur le thème du génocide, y
compris l'Holocauste. » Il a déclaré que le guide
« aidera les jeunes à comprendre la signification
et les conséquences ultimes de la haine afin
qu'ils reconnaissent les signes avant-coureurs du
génocide et empêchent l'histoire de se répéter ».
Il a été signé par un membre de « la Fondation
pour l'étude des génocides, Montréal [9]
».
La mission de la Fondation « est de collaborer
avec les gouvernements afin que l'histoire des
génocides et les étapes qui y mènent soient
enseignées dans toutes les écoles secondaires au
Canada et aux États-Unis[10]
». Ses partenaires sont le Centre de prévention de
la radicalisation menant à la violence ainsi que
l'Institut montréalais d'études sur les génocides
et les droits de la personne qui avait organisé en
octobre 2019 la visite à l'Université Concordia du
faux-ambassadeur du Venezuela.
Le 25 juin 2019, sans consultation préalable
auprès des Canadiens ni même à la Chambre des
communes, le gouvernement libéral de Justin
Trudeau a adopté la définition de l'antisémitisme
de l'IHRA dans le cadre de « Construire une
fondation pour le changement : la stratégie
canadienne de lutte contre le racisme 2019-2022 ».
Un an et demi plus tard, Trudeau a nommé Irwin
Cotler « envoyé spécial du Canada pour la
préservation du souvenir de l'Holocauste et la
lutte contre l'antisémitisme ». Cotler dirige la
délégation du gouvernement du Canada auprès de
l'IHRA[11].
Il est important de s'informer la question,
discute de ces questions avec ses collègues, amis,
voisins et familles et mette tout en oeuvre pour
bloquer le passage de la définition opérationnelle
de l'IHRA sur l'antisémitisme, que ce soit au
niveau municipal ou au sein de nos établissements
d'enseignement.
Des affirmations prétentieuses de lutte contre la
haine et l'intolérance et la défense des droits
humains sont utilisées par le gouvernement
canadien pour dissimuler le fait que l'une de ses
principales priorités a été et continue d'être la
défense du sionisme israélien, ainsi que la
criminalisation de ceux qui défendent les droits
des Palestiniens et d'autres. Cela ne doit pas
passer !
Notes
1. Conseil
municipal, lundi 27 janvier 2020, 19 h
2. Ibid
3. Ibid
4. Ibid
5. Ibid
6. Arrondissement
Côte-des-Neiges -- Notre-Dame-de-Grâce,
Séance extraordinaire du conseil
d'arrondissement), 27 janvier 2021, pages
156-158
7. Ibid
8. Ibid
9. Montreal
Gazette, « Education is key to
fighting hate », 28 janvier 2021
10. La
fondation pour l'étude des génocides
11. Les pays suivants
ont adopté la définition de l'IHRA de
l'antisémitisme (en date de février 2021) :
Albanie, Allemagne, Argentine, Autriche,
Belgique, Bulgarie, Canada, Chypre, Espagne,
France, Grèce, Guatemala, Hongrie, Israël,
Italie, Kosovo, Lituanie, Luxembourg,
Macédoine du Nord, Moldova, Pays-Bas,
Roumanie, Royaume-Uni, Serbie, Slovénie,
Suède, République Tchèque et Uruguay.
Cet article est paru dans
Volume 51 Numéro 5 - 4 avril 2021
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