Les amendements au serment de citoyenneté ne contiennent ni vérité ni réconciliation

Le Parlement est en train de modifier le serment de citoyenneté exigé des citoyens naturalisés. Le projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (appel à l'action numéro 94 de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada), est en troisième lecture. C'est un titre trompeur puisque ce projet de loi ne fait rien pour réparer les torts historiques causés aux peuples autochtones, comme le veut la Commission de vérité et de réconciliation. Il prend comme point de départ un serment d'allégeance à la reine d'Angleterre qui est anachronique, quand on sait que la majorité des Canadiens considèrent que « la monarchie est dépassée et n'a plus sa place au XXIe siècle ». C'est ce que démontrent notamment les récents sondages réalisés par Angus Reid, Abacus Data, Research Co et d'autres (qu'on dit applicables à toutes les régions du pays et tous les groupes d'âge), dans lesquels moins de 25 % des répondants avaient une allégeance au maintien de la monarchie.

Il est antidémocratique et contraire à la volonté de la majorité d'obliger les citoyens naturalisés à prêter allégeance à un monarque étranger que n'appuient pas ceux qui acquièrent la citoyenneté par la naissance. Loin d'obliger les Canadiens naturalisés à prêter allégeance à la reine d'Angleterre, il est grand temps de régler la question de savoir qui choisit et comment est choisi le chef d'État du Canada.

La monarchie est une institution qui n'est pas seulement médiévale, elle est aussi pourrie et corrompue jusqu'à la moelle. C'est un fardeau que les soi-disant sujets de la reine doivent porter – tous, mais surtout les peuples de l'Écosse et du Pays de Galles et ceux qui vivent dans le soi-disant duché de Cornouailles et d'autres duchés qui sont forcés de remplir les coffres royaux. Les modifications apportées au serment de citoyenneté demandent maintenant non seulement l'allégeance à la reine d'Angleterre, appelée reine du Canada, mais aussi à la Constitution, qui est un texte de loi déjà anachronique et discriminatoire.

Il s'agit d'un pas en arrière. En soulevant la question de la Constitution, qui n'a même jamais été signée par le Québec, les amendements proposés dans le projet de loi C-8 provoquent de nouvelles divisions dans la société. Le fait d'exiger des nouveaux citoyens qu'ils s'engagent à respecter les droits issus de traités, mais pas les droits nationaux du Québec, crée des problèmes et montre que le gouvernement n'est sincère ni sur l'un ni sur l'autre. Il est méprisable de créer ainsi l'illusion que le gouvernement n'est pas raciste parce qu'il dit que les citoyens doivent s'engager à respecter les droits issus de traités quand on sait que le respect des droits issus de traités est une responsabilité du gouvernement et non des citoyens comme tels, qui sont actuellement sans pouvoir sur ces questions de toute façon.

Aucun citoyen ou résident du Canada ne devrait se voir demander de prêter allégeance à quelque valeur que ce soit, car c'est une violation de son droit de conscience. Il devrait suffire de satisfaire aux exigences objectives de la citoyenneté et de s'engager à respecter les droits et les devoirs exigés de tous de la même manière. Le Canada ne précise nulle part les droits et devoirs communs à tous les citoyens, qu'ils soient nés au pays ou naturalisés. Les personnes nées au Canada n'ont pas à prêter un serment d'allégeance à qui ou à quoi que ce soit, il est donc inapproprié d'exiger que les résidents permanents à qui l'on accorde la citoyenneté soient forcés de le faire.

Les libéraux de Justin Trudeau ont préparé ce projet de loi pour donner l'impression de donner suite à la recommandation 94 de la Commission de vérité et de réconciliation, qui préconise de modifier le serment de citoyenneté pour que les nouveaux citoyens « jurent d'observer fidèlement les lois du Canada, y compris les traités avec les peuples autochtones ». Cette recommandation n'est pas correctement formulée dans le sens où il est du devoir des gouvernements de faire respecter les traités, qui sont des documents portant sur les relations de nation à nation, et non du devoir des citoyens individuels. La réalité est que ce sont les citoyens qui exigent présentement des comptes aux gouvernements pour violation des traités.

Le gouvernement libéral, par l'intermédiaire de son ministre de l'Immigration, propose plutôt de modifier le serment de citoyenneté comme suit : « Je jure fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs et je jure d'observer fidèlement les lois du Canada, y compris la Constitution, qui reconnaît et confirme les droits – ancestraux ou issus de traités – des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et de remplir loyalement mes obligations de citoyen canadien. »

Une définition moderne de la citoyenneté reconnaît que tous les membres du corps politique sont égaux, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Tout citoyen, voire tout résident, est tenu de se conformer à la loi, ce qui inclut la Constitution, alors que gagne-t-on à obliger un citoyen naturalisé à prêter un tel serment ? Un demandeur qui a satisfait aux exigences d'acquisition de la citoyenneté par naturalisation devrait simplement s'engager à respecter les droits et les devoirs attendus de tout citoyen, ni plus ni moins.

Il est tout à fait malhonnête de la part des libéraux de Justin Trudeau d'insérer dans le serment de citoyenneté l'allégeance à « la Constitution, qui reconnaît et confirme les droits – ancestraux ou issus de traités – des Premières Nations, des Inuits et des Métis ». Par cette manoeuvre sournoise, qui mentionne les traités conclus avec les peuples autochtones, mais pas leurs droits ancestraux inhérents, il laisse entendre que ces droits sont définis ailleurs dans la loi canadienne, alors qu'en vertu de la Constitution ces droits sont interprétés par un pouvoir supérieur, au-dessus des peuples autochtones. C'est le langage des colonisateurs.

Il n'y a aucune vérité ou réconciliation dans le nouveau serment que les partis du cartel vont faire passer. Le Bloc n'est pas d'accord avec l'inclusion de la Constitution que le Québec n'a pas signée. Les députées bloquistes Sylvie Bérubé et Marie-Hélène Gaudreau l'ont dit lors du débat sur le projet de loi C-8 le 24 février. Elles ont également souligné que la Constitution ne définit pas la fédération canadienne comme une « libre association de nations égales » et ne reconnaît pas les droits inhérents des peuples autochtones.

Malgré les déclarations des libéraux selon lesquelles le projet de loi C-8 donne suite à l'une des recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation, les révisions apportées au serment vont à l'encontre de l'esprit, des principes et de l'objectif des recommandations de la Commission. Le fait que le gouvernement présente et adopte un projet de loi qui oblige les citoyens naturalisés à prêter serment d'allégeance à l'interprétation coloniale canadienne de ces relations est un acte méprisable.

Le seul serment qui pourrait être demandé aux nouveaux citoyens est le suivant : Je m'engage à respecter les droits et les devoirs de la citoyenneté.

(Référence : CBC News, McGill Journal of Political Studies, Archives du CRHB)


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 5 - 4 avril 2021

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