Mobilisations de masse pour rejeter le gouvernement Moïse et le référendum sur la constitution
Deux jours de mobilisation de masse ont eu lieu à
travers Haïti les 28 et 29 mars, ainsi qu'au sein
de la diaspora à l'étranger. Leurs actions sont
basées sur la revendication fondamentale que le
peuple haïtien doit pouvoir exercer son droit de
décider de son propre avenir, au sein duquel il
réclame la fin de l'ingérence étrangère et la
suppression du régime illégitime du président de
facto Jovenel Moïse qui reste au pouvoir avec le
soutien des États-Unis, du Canada et d'autres
pays. Outre ces revendications, les deux jours de
contestation ont spécifiquement dénoncé les
projets du régime de facto de Jovenel Moïse pour
un référendum visant à amender la Constitution de
1987.
Le pasteur Gérald
Bataille, un des initiateurs de l'action du 28
mars, s'est dit alarmé par la situation au pays. «
La patrie est en danger. Nous sommes sous le joug
de la dictature, des persécutions et de
l'insécurité. Nous sommes dirigés par un
gouvernement illégal. Le mandat de ce président
est arrivé à terme depuis le 7 février. Voilà
pourquoi nous sommes dans les rues. Pour crier
notre détresse et notre colère », a-t-il dit au
journal haïtien Le Nouvelliste. Il a
déclaré que les Haïtiens peuvent se gouverner
eux-mêmes et qu'aucun problème auquel est
confronté le pays ne peut être résolu avec Jovenel
Moïse au pouvoir. « Le dialogue est le point de
départ de toutes les solutions. Toutefois aucun
dialogue n'est possible avec ce monsieur (Jovenel
Moïse) », a-t-il dit.
Le Nouvelliste a parlé avec une femme
quadragénaire durant la marche de protestation du
28 mars à Port-au-Prince, qui a dénoncé la gestion
« calamiteuse » du régime Moïse. « La situation
s'est dégradée avec Jovenel Moïse au pouvoir. Les
écoles ne peuvent plus fonctionner comme avant.
Nous ne sommes plus libres de circuler librement.
Mes fils sont obligés de retourner en province en
raison de l'insécurité. Je ne peux plus mener mes
activités au marché de Croix-des-Bossales à cause
des tirs », a-t-elle déploré.
Un autre manifestant a dit au Nouvelliste
que « Nous n'avons pas un problème de constitution
dans le pays. Ce référendum est une stratégie
utilisée par le PHTK [Parti Haïtien Tèt Kale] pour
se renouveler et se maintenir au pouvoir. C'est
une perte de temps. Le peuple s'opposera et doit
s'opposer à ce projet macabre. Nous avons d'autres
problèmes qui sont plus urgents tels que le
chômage, l'insécurité, la vie chère. On doit
savoir choisir les priorités »,
Des personnalités politiques ont également pris
part à la marche du 28 mars. L'ancien candidat à
la présidence Jean-Charles Moïse a demandé aux
Haïtiens de défendre la Constitution de 1987. «
Cette Constitution a 34 ans. On ne peut pas
permettre à un dictateur de la changer. Nous
sommes contre ce référendum. Nous demandons par
conséquent au peuple de se mobiliser contre ce
projet dictatorial, contre ce dictateur et contre
les étrangers qui tiennent le pays en otage »,
a-t-il déclaré.
Schultz Simpssie
Cazir, secrétaire général du Parti du mouvement de
la troisième voie (MTV), s'est insurgé contre la
situation du pays. « Ma présence dans les rues
aujourd'hui est pour dénoncer et protester
énergiquement contre l'insécurité, les
persécutions et l'intimidation politiques, la
corruption, l'impunité et les multiples cas de
violation de la Constitution par un pouvoir
illégitime qui agit en toute illégalité. Marcher
pacifiquement aujourd'hui pour moi exprime mon
rejet du plan dictatorial de Jovenel Moïse de nous
imposer une constitution à travers un référendum
inconstitutionnel, sans un large consensus avec
les forces vives du pays », a-t-il dit.
Maryse Narcisse, la porte-parole du Parti Fanmi
Lavalas, a dit au Nouvelliste que le
président Jovenel Moïse n'a aucune légitimité pour
changer la Constitution. « C'est un président de
facto. Il n'a aucun droit pour convoquer un
référendum pour changer la Constitution »,
a-t-elle déclaré, appelant à l'intensification de
la mobilisation contre Jovenel Moïse.
Ce 29 mars, le jour du 34e anniversaire de la
Constitution de 1987, les manifestants sont
demeurés dans les rues. Certains ont apporté des
exemplaires de la Constitution de 1987 en signe de
leur engagement à la défendre. « À bas faux
référendum. À bas fausse constitution »,
scandaient-ils. La police a fait usage de gaz
lacrymogène et de balles en caoutchouc pour
disperser les manifestants dans l'aire du Champ de
Mars à Port-au-Prince.
Un sit-in a eu lieu à l'entrée du marché communal
de Jacmel (ville principale du département sud-est
d'Haïti), pour exiger le respect de la
Constitution. « L'Organisation des États
américains (OÉA) et le Bureau intégré des Nations
unies en Haïti (BINUH) = système d'exploitation
[d'Haïti]. Haïti ne retournera pas à la dictature.
Non à l'insécurité », figuraient parmi les
messages sur les banderoles lors de l'action.
Les manifestants ont déclaré qu'ils fermeraient
le pays si le régime de facto poursuit ses plans
pour une nouvelle Constitution qu'il a rédigée
unilatéralement.
Cet article est paru dans
Volume 51 Numéro 5 - 4 avril 2021
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