L'impunité policière est une conséquence
de l'arrêt Dred Scott

Avec le procès de Derek Chauvin, un de ceux responsables de la mort George Floyd, la question des morts aux mains des policiers sur une base raciste et leur impunité est présente dans l'esprit de plusieurs. Il est largement reconnu que même si dans ce cas il y a une condamnation, les problèmes du racisme d'État subsisteront, y compris la brutalité policière et les meurtres, l'incarcération de masse raciste, l'inégalité dans l'emploi, le logement, l'éducation et le manque de responsabilité.

La décision récente de ne pas porter d'accusation pour la mort de Daniel Prude aux mains de la police à Rochester, New York – un autre Afro-Américain retenu au sol et étouffé, cette fois avec un sac sur la tête, dont le décès a été déclaré un homicide – met en évidence que la grande majorité de ces morts aux mains de la police restent impunies. Même la procureure générale de New York a admis que les lois actuelles sur la force meurtrière, qui accordent l'immunité à la police, « ont créé un système qui a complètement et abjectement failli en ce qui concerne M. Prude et tant d'autres avant lui ». Elle a déclaré qu'une réforme sérieuse du « système de justice pénale dans son ensemble » était nécessaire.

Ce n'est pas un problème d'individus racistes, mais de tout un système raciste qui est inégal de haut en bas. Cette réalité fait partie des conséquences de l'arrêt Dred Scott, la décision de la Cour suprême du 6 mars 1857 rendue peu avant le déclenchement de la guerre civile en 1860. L'arrêt dit essentiellement que les Afro-Américains n'ont aucun droit et peuvent être sommairement réduits en esclavage et exécutés sans qu'ils aient droit à quelque recours devant les tribunaux.

Dred Scott était un esclave qui a été emmené par son propriétaire d'esclaves pour résider dans l'État non esclavagiste de l'Illinois et dans ce qui était alors le territoire du Wisconsin où le compromis du Missouri de 1820 interdisait l'esclavage. Scott a vécu au Wisconsin avec son propriétaire d'esclaves pendant plusieurs années, avant d'être contraint de retourner avec lui dans le Missouri, un État esclavagiste. Le propriétaire d'esclaves, le Dr John Emerson, est décédé. Scott a alors poursuivi sa veuve pour obtenir sa liberté au motif qu'il avait vécu en tant que résident d'un État et d'un territoire libres. Il a gagné son procès devant un tribunal inférieur, mais la Cour suprême du Missouri a infirmé la décision. Scott a fait appel de cette décision. À cette époque, son nouveau propriétaire, J.F.A. Sanford, était un résident de New York. Bien qu'il s'agissait d'un État non esclavagiste, Scott était toujours considéré comme sa propriété. L'affaire a finalement été portée devant la Cour suprême.

L'affaire s'est déroulée à un moment où une bataille acharnée se développait pour savoir si de nouveaux États qui entraient dans l'Union pourraient permettre au système de travail asservi d'exister. La lutte reflétait à la fois le compromis avec l'esclavage inscrit dans la Constitution et la bataille qui s'annonçait entre la puissance esclavagiste et tous ceux qui en faisaient partie, comme les expéditeurs du Nord, et le pouvoir et le règne de ceux qui faisaient appel au système du « travail libre ». Cette lutte a éclaté en guerre civile violente en 1860. La décision Dred Scott de 1857 avait pour but de prévenir la guerre tout en maintenant le statut des Afro-Américains en tant que non-personnes sujettes à la mort civile.

Scott a soutenu devant la Cour suprême qu'il devrait pouvoir intenter une action en justice pour sa liberté et la faire reconnaître légalement. Le tribunal a statué qu'en tant qu'Afro-Américain, il ne pouvait en aucun cas avoir son mot à dire devant le tribunal. Selon le tribunal, il n'avait aucun statut en tant qu'être humain et ne pourrait jamais en avoir - son statut était celui d'être civilement mort. Selon eux, sa cause ne pouvait même pas être entendue car il n'avait aucun statut, aucun recours juridique.

La base est la même en ce qui concerne les exécutions aux mains de la police – que votre cas ne sera jamais entendu. La mort civile aux États-Unis pour les Afro-Américains signifie littéralement la mort de centaines de personnes chaque année. Alors que plusieurs affirment que Dred Scott a été résolu pendant la guerre civile et les XIIIe et XVe amendements à la Constitution qui ont suivi, la réalité demeure que les exécutions sommaires par la police sont considérées comme légitimes et les victimes sont sujettes à la mort civile; elles sont considérées comme « en dehors de la loi », c'est-à-dire des « hors-la-loi », ce qui en fait des « proies faciles ».

Aujourd'hui, des arguments sont mis de l'avant selon lesquels le problème vient de quelques policiers ou groupes de suprémacistes blancs. Cela détourne l'attention du problème principal qui est que la sécurité nationale des États-Unis est basée sur le pouvoir de police, un gouvernement de pouvoirs de police. Ceux qui sont exécutés n'ont aucun statut. Quels que soient les droits civils qui étaient présumément les leurs à un moment donné ou qu'ils étaient censés avoir, et quels que soient les arguments en faveur des droits civils, ceux-ci sont en train d'être éliminés au nom de la sécurité nationale.

Un autre argument qui est mis de l'avant pour détourner l'attention du coeur de la question est l'affirmation selon laquelle la mort de George Floyd aux mains de la police est un enjeu particulier lié à la police et non à un arrangement constitutionnel fondamental soutenu par le cas Dred Scott et depuis, avec son compromis entre la démocratie et l'oligarchie financière aux dépens du peuple. Ou comme l'a dit James Madison dans ses arguments en faveur de la Constitution, qu'il a appelés la défense de l'oligarchie contre la « populace », la majorité, ceux qui sont sans propriété. De toute évidence, sur la base d'un précédent de la Cour suprême, les dirigeants peuvent prétendre qu'ils ne suivent plus l'arrêt Dred Scott, mais l'histoire et l'expérience du peuple disent quelque chose de différent. La conséquence de Dred Scott signifie qu'un grand nombre de personnes se voient refuser à perpétuité l'égalité devant la loi.

Comme les gens de Minneapolis, Rochester, Portland, Seattle, Louisville, Washington et partout aux États-Unis l'ont répété à maintes reprises, « Assez c'est assez ! » Nous avons atteint la limite et notre combat est pas de compromis avec l'oligarchie financière. Notre combat est pour la démocratie et pour investir le peuple du pouvoir, où tous les membres de la société sont égaux en vertu de leur appartenance, leurs droits sont garantis et ceux qui les violent sont tenus de rendre des comptes.

Pas d'accusations portées dans le cas de la mort de Daniel Prude aux mains de la police sur une base raciste

Aucune accusation ne sera portée pour la mort d'un homme de New York qui a été vu sur des images de la caméra du policier, retenu au sol et étouffé, avec un sac sur la tête.

La procureure générale de New York, Letitia James, a annoncé le 23 février qu'un grand jury avait voté pour ne mettre en accusation aucun des policiers de Rochester impliqués dans la mort aux mains de la police de l'Afro-américain Daniel Prude le 30 mars 2020. Comme dans le cas de plusieurs autres morts aux mains de la police, Prude était en proie à une crise de santé mentale. Il était dehors en hiver sans vêtements et clairement sans armes. Plutôt que de l'aider de manière non violente, la police l'a cloué au sol avec un sac sur la tête et l'a maintenu ainsi. Des images de la caméra corporelle, publiées non par des policiers, mais par la famille de Prude en septembre 2020, l'ont montré semblant perdre connaissance alors qu'il était épinglé au sol. Les policiers l'ont finalement étouffé, comme cela s'est produit avec Eric Garner, George Floyd et d'autres. La mort de Prude a été qualifiée d'homicide, mais, comme d'habitude, aucune accusation n'a été portée contre la police.

La procureure générale Letitia James a admis que la mort aux mains de la police n'était pas justifiée et que le système avait échoué en ce qui concerne Daniel Prude et plusieurs autres. Elle a déclaré : « Daniel Prude était en proie à une crise de santé mentale et ce dont il avait besoin, c'était de la compassion, des soins et de l'aide de professionnels qualifiés. Au lieu de cela, tragiquement, il n'a reçu aucune de ces choses ». Elle a ajouté que les lois actuelles sur la force meurtrière - qui accordent l'immunité aux policiers qui prétendent, sans preuve, que leur vie était menacée - « ont créé un système qui a complètement et abjectement échoué en ce qui concerne M. Prude et tant d'autres avant lui ». Elle a dit qu'une réforme sérieuse était nécessaire sur « le système de justice pénale dans son ensemble ».

Étant donné les morts continues aux mains de la police sans inculpation dans la grande majorité des cas et encore moins de condamnations, peu de gens pensent que les paroles de James se traduiront par des actes ou que le gouvernement à quelque niveau que ce soit soutiendra les changements exigés. Ceux-ci comprennent le contrôle communautaire de la police et des budgets, le définancement et la démilitarisation, la suppression des lois sur la force meurtrière et la responsabilité de haut en bas, la fin de la criminalisation des manifestations et de la pauvreté. La résistance a montré que la justice et l'égalité viendront du peuple qui aura le pouvoir de décider.

Kathleen Chandler est la secrétaire générale de l'Organisation marxiste-léniniste des États-Unis.

(Photos : ShawnInArizona, S. Levine)


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 4 - 7 mars 2021

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