L'inflation de la menace compromet
la liberté d'expression

Le 17 février, l'Association canadienne pour les armes à feu (NFA) a enregistré un podcast critiquant le projet de loi en cours d'adoption du gouvernement libéral du Canada sur le contrôle des armes à feu, auquel la NFA est fermement opposée. Au cours de ce podcast, le président de la NFA, Sheldon Clare, qui vit à Prince George, en Colombie-Britannique, a qualifié le projet de loi libéral de « tyrannique ».

De plus, Sheldon Clare a raconté en plaisantant une conversation qu'il avait eue précédemment avec un partisan anonyme de la NFA qui « a suggéré que nous devrions nous remettre à travailler le bois et les métaux et recommencer à construire des guillotines ». Il a ajouté que « Ce serait vraiment la meilleure forme de comité de sécurité publique, de rétablir ça ».

Depuis, les médias ont rapporté que le sergent d'armes de la Chambre des communes a été alerté à ces commentaires et pressé de « considérer ces propos dans le contexte où plusieurs menaces ont été faites contre des députés au cours de l'année dernière ». En outre, la Commission permanente de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes a adopté une motion condamnant les commentaires de Sheldon Clare, les qualifiant de propos « préoccupants » pouvant « conduire à la violence », en particulier à la lumière de la récente prise d'assaut du Capitole de Washington par les partisans de Donald Trump et des menaces contre certains députés.

En réponse à cette critique, le président de la NFA a nié que ses commentaires prônaient la violence. « J'ai simplement rapporté des commentaires de personnes en colère qui ont un vrai problème avec la tyrannie, a-t-il dit. Et je pense que la vertueuse gauche libérale a un problème avec le fait d'être traitée de tyrans. »

À mon avis, la question dans toute cette affaire n'est pas de savoir si nous soutenons la position de la NFA ou celle du Parti libéral sur le contrôle des armes. Il ne s'agit pas non plus de savoir si nous nous situons à gauche, à droite ou au centre du spectre politique. Ni si nous sommes d'accord ou non avec les propos de Sheldon Clare ou de la personne non nommée qu'il citait.

La question concerne plutôt la liberté d'expression qui, selon beaucoup, est aujourd'hui attaquée sur plusieurs fronts. Quelqu'un croit-il sérieusement que la personne non nommée préconise la construction d'une guillotine à l'extérieur du Parlement pour exécuter les députés ? Il s'agit clairement d'une exagération délibérée, d'une hyperbole comme en font souvent des électeurs en colère qui disent que tel ou tel politicien ou fonctionnaire devrait être « pendu », « fusillé » ou « goudronné et emplumé ».

Je dirais que de tels propos ne constituent pas un appel à commettre un acte criminel ou une menace pour la sécurité. Prétendre autrement, c'est placer le discours politique, avec ses propos souvent intempestifs et crus, sous la coupe des pouvoirs de police, menaçant les droits civils des individus, notamment la liberté d'expression.

Ce n'est pas un problème mineur de nos jours. En effet, l'appareil de sécurité de l'État de différents pays, dont le Canada et les États-Unis, a déjà introduit ou envisage d'introduire des mesures encore plus répressives et sévères pour restreindre ou attaquer les droits des personnes, tout cela au nom de la protection contre « l'extrémisme » qui se résume souvent à la simple critique du gouvernement et de ses institutions.

En outre, les grandes entreprises de technologie des médias sociaux, comme Facebook et Google, qui sont des organisations privées, censurent et bannissent arbitrairement des individus et des organisations de tout l'éventail politique en invoquant la « politique identitaire » ou l'« ingérence étrangère » comme prétexte.

Dans ce contexte, l'inflation de la menace devient elle-même une menace[1].

Note

1. « L'inflation de la menace repose généralement sur une déformation des faits, ou sur leur représentation de la manière la plus alarmante possible. » (The American Conservative, 20 juin 2016)

(Sources : Global News. Photos : LML)


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 4 - 7 mars 2021

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