Entretemps, le boycottage des produits et des services d'Ambani et d'Adani se poursuit partout au pays. Les agriculteurs mettent aussi les gens en garde contre les « Guerriers de Facebook » des cellules IT de l'élite dirigeante qui tentent d'induire le peuple en erreur. À la frontière Singhu de Delhi, les fermiers du Pendjab et d'Harayana, qui ont dressé des campements depuis plus de 50 jours, se sont rappelés la lutte pluricentenaire contre Delhi. Ils ont évoqué le soulèvement des paysans contre Akbar dirigé par Dulla Bhatti, les batailles contre Nadir Shah et Abdali et leur détermination à poursuivre leur lutte contre le nouveau Nadir Shah de Delhi – Modi et ses acolytes et l'élite dirigeante. Pendant tout le mois de Poh (du 14 décembre au 13 janvier est le mois des Martyrs), ils ont commémoré les batailles contre Aurangzeb et le courage et le sacrifice des gurus et de leurs fils. Les uns après les autres, les orateurs ont honoré la mémoire d'Ahmad Khan Kharal, Nizam Lohar, Malangi, Jabroo, Ajit Singh, Chhotu Ram, Bhagat Singh, Rajguru, Sukhdev, Kartar Singh Sarabha, Barkatullah, Udham Singh, Rajguru, Sukhdev, Kartar Singh Sarabha, Baraktullah, Udham Singh, Baba Sohan Singh Bhkhna, Baba Hari Singh Mrigind, Baba Bujha Singh et tant d'autres qui se sont battus pour la cause du peuple. Plusieurs orateurs ont souligné que tous les partis politiques de l'establishment ont trahi le peuple. Le sentiment exprimé est que le temps est venu de saisir le pouvoir politique sans les partis de l'establishment, sans les membres de l'Assemblée législative, les députés et les juges, qui prêtent serment à l'État que les Britanniques leur ont laissé entre les mains et qui existe présentement. Le système actuel de gouvernement de partis hérité des Britanniques n'a jamais servi le corps politique indien, mais agit comme gardien du pouvoir des dirigeants. Des fermiers ont donné des exemples de comment ils gèrent les postes de péage et organisent la morcha (résistance) en comptant sur leurs propres forces. Ils ont aussi déclaré que la morcha est le Beghampura en devenir, tel qu'envisagé par Guru Ravidassji dans son hymne du même nom, pendant le mouvement bhakti qui a eu lieu aux XIVe et XVe siècles. Écrit bien avant la Révolution française, il loue les vertus d'une société basée sur l'égalité, la liberté et une confrérie universelle, dans laquelle il n'y a ni discrimination ni taxes, ni oppression. Il est en fait l'expression du contenu de la pensée indienne fondée sur une expérience riche et millénaire. D'autres ont souligné la pensée indienne héritée de Guru Nanak qui appelait à une nouvelle société fondée sur le Sarbat Da Bhalla – le bien-être de tous. De nombreux fermiers se sont inspirés des remarques du Darshan pendjabi sur le devoir de l'État de garantir le Sukh et le Raksha de tous (bonheur et sécurité). Si l'État ne le fait pas, le peuple a alors le devoir de le renverser. Plusieurs ont dit qu'il ne s'agit pas uniquement d'une lutte économique. C'est une lutte pour leur Hond et leur Vajud, pour leur être même. Ce n'est pas seulement une lutte pour Fasal (les récoltes), mais pour Nasal (les générations à venir); pas seulement pour Kanak (le blé), mais aussi pour Anakh (la dignité); pas seulement pour Anaj (le grain), mais aussi pour Samaj (la société). Des centaines d'artistes et d'interprètes évoquent les luttes que le Pendjab a menées. De nombreux artistes de l'ouest du Pendjab ont aussi exprimé leur unité avec leurs frères et soeurs de l'est du Pendjab. Certains de leurs chants se sont propagés rapidement. Selon une agence de nouvelles, plus de 100 000 Pendjabis sont revenus de l'étranger pour se joindre à la lutte des fermiers du Pendjab. La conscience pendjabi pour l'autodétermination et l'unité des Pendjabis a émergé avec beaucoup de force dans cette lutte. L'appel de Dulla Bhatti à l'autodétermination du Pendjab est repris par les manifestations des fermiers. Plusieurs demandent la décolonisation du Pendjab, qui a été occupé par les Britanniques en 1849, dont le joug néocolonial s'est poursuivi après 1947, avec la suppression des droits nationaux, sociaux et culturels du Pendjab et des Pendjabis et qui a mené finalement à la division brutale de la nation pendjabie en 1947, de même que de la nation bengalie. Le Raj actuel à Delhi a tenté de diaboliser la lutte des fermiers et les aspirations des Pendjabis en les associant au terrorisme, mais cela ne fonctionne pas. Les Pendjabis se sont soulevés à plusieurs reprises depuis 1947 pour affirmer leurs droits, la quête et les aspirations du Pendjab. Cela s'est exprimé de diverses façons. Dans les années 1950, cela s'est exprimé dans le mouvement pour la langue pendjabie; dans les années 1970 et 1980, dans le mouvement pour l'autonomie et le Khalistan. Cela s'exprime aujourd'hui dans un appel à un référendum sur l'indépendance du Pendjab. De nombreux commentateurs soulignent que cette aspiration et cette détermination ne vont que grandir, que la lutte des fermiers soit victorieuse ou soit noyée dans le sang par Delhi. La fin de l'État des oligarques à Delhi est inévitable. La gouvernance est intenable sans le renouveau et la rénovation par lesquels le peuple s'investit du pouvoir. Mais, comme ce fut le cas d'Aurangzeb avant elle, l'élite dirigeante de Delhi préférerait l'effondrement au renouveau. Elle n'a appris aucune leçon de l'histoire, ni de l'effondrement de l'Union soviétique et ni de ce qui se produit aux États-Unis et dans d'autres pays. La lutte des fermiers démontre que toutes les institutions néocoloniales qui ont été imposées à l'Inde par les Britanniques et leurs collaborateurs, avant et après 1947, comme le transfert de l'appareil d'État colonial, comme le gouvernement, le système parlementaire, le système judiciaire, les entreprises et le système électoral et du gouvernement de partis, servent uniquement les bâtisseurs d'empires, les exploiteurs et une infime élite dirigeante et concentrent toutes les ressources naturelles et humaines entre leurs mains. Dans les 74 dernières années, neuf monopoles ont acquis plus de richesses que n'en possèdent les 600 millions d'habitants de l'Inde pris ensemble. Les droits du peuple sont violés en toute impunité.
|