Argentine
- Yolanda Machado -
Célébration de la légalisation de l'avortement en
Argentine le 30 décembre 2020
Ce mercredi 30 décembre 2020, l'Argentine
est devenue un pays plus juste, égalitaire et
démocratique. Un jour avant que l'année ne se
termine, l'avortement a été légalisé lors d'une
session historique de la Chambre des Sénateurs de
la Nation, dans le contexte d'une année
particulièrement difficile et atypique. Les
répercussions mondiales ne se sont pas fait
attendre, alors que l'Argentine est devenue le
plus grand pays en Amérique latine à maintenant
protéger le droit des femmes et du peuple dans
leur capacité de procréer et de décider.
L'avortement est aussi légal à Cuba, en Uruguay,
en Guyane et en Guyane française, et dans l'État
d'Oaxaca et le District fédéral du Mexique.
Après des débats
intenses qui ont duré près de douze heures et et
avec l'incertitude du fait que certains sénateurs
étaient indécis ou présumés indécis, la loi a été
adoptée par une marge plus importante que prévu.
Ainsi, l'IVE a été adoptée par 38 votes
contre 29, avec 1 abstention.
L'avortement a cessé d'être clandestin et est
devenu légal, sécuritaire et gratuit, et des
milliers de vies sont ainsi protégées.
Le projet de loi avait été envoyé au Congrès par
le président Alberto Fernandez en même temps que
celui des « 1 000 jours », qui vise
à « consolider un programme global de soins de
santé pour les femmes pendant la grossesse et pour
leurs enfants dans les premières années de la
vie », a expliqué Fernandez dans une vidéo
qu'il a affichée le 17 novembre au moment
d'envoyer la loi.
Dans ce même discours, le président a affirmé que
« la criminalisation de l'avortement n'a été
d'aucune utilité, elle n'a que produit des
avortements clandestins, dans une proportion
inquiétante. Près de 38 000 femmes sont
hospitalisées tous les ans à la suite
d'avortements effectués dans de mauvaises
conditions. Depuis que nous avons retrouvé la
démocratie, plus de 3 000 femmes sont
décédées ».
Les chiffres sont certainement alarmants. Le
nombre d'avortements clandestins est évalué à
500 000 par année, un nombre disproportionné
et plus élevé que ce qui a été officiellement
rapporté jusqu'à ce jour, précisément parce que
l'avortement n'était pas légal.
Aux périphéries du
Congrès, alors que toute l'attention était rivée
sur les paroles de chacun des représentants des
provinces argentines, deux foules attendaient avec
fébrilité et grande attention. Du côté de
l'Avenida Entre Rios, il y avait les personnes
portant l'écharpe bleue, contre le droit de
décider, et du côté de Callao, un raz de marée
vert, composé principalement de femmes et de leurs
filles, amies, soeurs et compagnes de lutte en
faveur du projet.
Il s'agit incontestablement d'une victoire pour
le mouvement des femmes et des diversités qui
depuis des années lutte pour l'égalité des sexes
et qui, par sa puissance, à réussi à se faire
entendre par le système politique. Cette lutte
avait en cette occasion l'appui ouvert de la
branche exécutive, dans la personne d'Alberto
Fernandez, ce qui a eu une incidence sur le
résultat comparativement à 2018, alors que
l'ancien président Mauricio Macri avait envoyé le
projet au Congrès sans lui donner son appui
officiellement.
Dans une année virtuelle pendant laquelle, à
toutes fins pratiques, rien ne pouvait être fait,
cette victoire, de pair avec l'arrivée des
premières doses du vaccin Sputnik-V contre la
COVID-19, est une bouffée d'air frais qui clôture
l'année dans l'espérance d'une meilleure
année 2021.
En même temps, c'est un important hommage à
toutes celles qui, chacune dans leur pays, ont
suivi le débat avec la plus grande attention.
Certainement que l'année qui suit et celles à
venir verront les luttes pour ce droit en Amérique
latine prendre de l'ampleur.
Que stipule la Loi ?
La Loi s'intitule l'Interruption
volontaire de la grossesse et elle
décriminalise et légalise l'avortement dans les
premières 14 semaines de la grossesse,
reconnaissant ainsi le droit des personnes
enceintes de décider de poursuivre ou non une
grossesse, de demander des soins d'avortement et
d'y avoir accès, de recevoir des soins
postavortement, ainsi que de prévenir des
grossesses inattendues par l'accès à
l'information, l'éducation sexuelle globale et
des méthodes efficaces de contraception.
Plus concrètement :
- Une grossesse peut être terminée sans frais et
sans motif jusqu'à 14 semaines de grossesse,
puisque la procédure est comprise dans le
programme médical obligatoire.
- Après 14 semaines, au début de
la 15e, l'avortement est toujours légal dans
les cas de viols ou de danger pour la santé de la
personne enceinte.
- Le corps médical a une période maximale
de 10 jours ouvrables pour procéder à
l'avortement à partir de la demande
d'interruption.
- L'objection de
conscience : les professionnels de la santé
peuvent exercer leur objection de conscience, à
moins que la vie de la personne enceinte ne soit
en danger. Ils doivent aussi maintenir leur
décision dans tous les secteurs, publics et
privés, dans lesquels ils pratiquent leur
profession, et diriger une patiente de bonne foi
vers un autre professionnel où elle sera traitée
sans délai et en temps opportun.
Ces centres médicaux privés ou de sécurité
sociale qui ne possèdent pas de professionnels
pouvant pratiquer un avortement à cause d'une
objection de conscience doivent s'organiser pour
diriger la patiente vers un centre ayant des
caractéristiques similaires, où il peut assurer
que l'intervention sera faite.
Personne ne peut invoquer l'objection de
conscience pour refuser de prodiguer des soins de
santé postavortement. Le refus de respecter les
exigences liées à l'exercice de l'objection de
conscience occasionnera des sanctions
disciplinaires, administratives, pénales et
civiles, selon le cas.
- Pour ce qui est des enfants de moins de 13
ans, elles doivent obtenir le consentement informé
et l'aide d'au moins un de leurs parents ou d'un
mandataire. Pour ce qui est des adolescentes
entre 13 et 16 ans, elles doivent avoir
un compagnon ou une « référence affective ».
Dans tous les cas, avant l'avortement, le
consentement informé par écrit de la personne
enceinte est requis.
- L'État est responsable de mettre en oeuvre la Loi globale sur
l'éducation sexuelle (numéro
26 150), qui établit des politiques actives
pour la promotion et la consolidation de la santé
sexuelle et reproductive de toute la population.
- Les articles 85 et 86 du Code pénal
sont modifiés, faisant en sorte qu'il n'est plus
un crime d'« effectuer un avortement avec le
consentement de la personne enceinte jusqu'à
l'occurrence de la quatorzième (14) semaine,
inclusivement, de la période de grossesse »,
et l'article 85 bis y est incorporé,
stipulant que « sera accusé ou passible
d'emprisonnement de TROIS (3) mois à UN (1) an et
d'une éradication spéciale de deux fois la durée
de la sentence, le fonctionnaire ou l'autorité
d'un centre de soins de santé, le professionnel,
le préposé ou membre du personnel de santé qui, de
façon déraisonnable, retarde ou fait obstacle à un
avortement dans des cas légalement autorisés, ou
refuse de le faire, en contravention des
règlements actuels.
Les luttes, la persévérance et les droits ont
triomphé
Cette victoire est primordiale pour les femmes et
les personnes enceintes d'Argentine et du
continent. La Loi protège non seulement le droit
de décider et l'aide médicale qui s'ensuit, mais
comprend des éléments importants, dont l'éducation
sexuelle globale et l'accès à l'information et aux
méthodes contraceptives qui permettent d'éviter
l'épreuve amère et douloureuse de l'avortement. Et
si vous décidez d'avoir un avortement, l'État vous
protège et protège votre vie.
(Acercándonos. Traduit de
l'espagnol par LML. Photos : S. Univazo, K.M.
Parra, Sassenach, ctx, M. Arganavaz)
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