Lundi 17 mars 2025
La lutte du peuple du Mexique pour la souveraineté
Couper la corde avec laquelle
on veut nous pendre

Le 9 mars 2025, la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum,
devant un rassemblement de 350 000 personnes à Mexico, à la
place Zocalo, a déclaré que le dialogue entre le Mexique et les
États-Unis portait sur des questions commerciales. Elle a dit
que le Mexique continuera de collaborer avec les États-Unis, en
particulier dans la lutte contre la consommation de fentanyl,
tandis que les États-Unis doivent empêcher le trafic d'armes en
direction du territoire mexicain. Elle a présenté un plan
national de développement en cinq points pour renforcer le
marché intérieur, accroître l'autosuffisance alimentaire,
promouvoir l'investissement public pour stimuler la création
d'emplois, promouvoir la production intérieure pour le marché
intérieur et renforcer les programmes de protection sociale.
Les mesures arbitraires de Washington, imposées par Donald Trump, contre le Mexique, et les effets négatifs qu'elles auront sur l'économie et la population mexicaines, montrent bien le niveau de subordination et de dépendance dans lequel le projet d'intégration à l'Amérique du Nord initié par le président Carlos Salinas de Gortari (1988-1994), pour soi-disant passer au « premier monde », a plongé notre pays. Sous l'impulsion du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) et du Parti Action nationale (PAN), le néolibéralisme, loin de nous faire passer au « premier monde », a ouvert la voie au néocolonialisme, à la domination et à l'ingérence du pays voisin dans notre pays.
Le fait que 80 % des exportations du Mexique se font en direction des États-Unis place notre pays dans une situation d'extrême vulnérabilité et viole tous les principes d'une économie saine qui doit d'abord se concentrer sur le marché intérieur et diversifier son marché extérieur.
On sait que l'économie mexicaine doit s'appuyer sur ses propres forces, car sans souveraineté économique, il n'y a pas de souveraineté politique. Le marché extérieur doit complémenter nos efforts de production, pas en être le centre. Il est prioritaire d'encourager le développement productif national pour que tout notre potentiel s'épanouisse et une fois les besoins internes satisfaits, il faut se tourner vers le marché extérieur, mais sans dépendre d'un seul pays. Il faut trouver plusieurs destinations pour nos marchandises, aussi difficile que cela puisse être.
Cependant, avec le traité de libre-échange nord-américain de 1994, Salinas de Gortari a mis le Mexique en concurrence avec l'économie des États-Unis, vingt fois plus importante, provoquant le déclin de notre agriculture et de notre industrie. De plus, il a ouvert la voie aux entreprises étrangères, attirées par notre main-d'oeuvre bon marché, nos programmes fiscaux et l'absence de contrôles environnementaux. Aujourd'hui, 60 % des exportations « mexicaines » ne proviennent pas du Mexique, elles proviennent de sociétés étrangères installées sur notre sol et exploitant notre classe ouvrière. Ces maquiladoras sont concentrées dans des secteurs clés, comme l'industrie manufacturière, l'électronique et l'automobile.
Le modèle néolibéral promu par Carlos Salinas, qui favorisait les entreprises étrangères et nationales, a entraîné une chute de croissance économique nulle de 6 % à environ 2 % en quelques décennies, en plus de la migration de plus de 10 millions de Mexicains.
Aujourd'hui, les conséquences désastreuses des actions de Carlos Salinas, qui a initié une intégration économique qui est devenue plus tard politique et militaire avec les présidents Ernesto Zedillo, Vicente Fox, Felipe Calderon et Enrique Peña Nieto, pendant le mandat du PRI, sont évidentes. Cet héritage maudit doit être inversé.
La situation actuelle montre à quel point l'accord de libre-échange entre le Mexique, les États-Unis et le Canada (ACÉUM, connu sous le nom de T-MEC au Mexique), signé sous la première administration Trump, a été désastreux. Il a mis un terme à la transformation du modèle agricole mexicain vers un modèle de recouvrement de sa souveraineté alimentaire, puisque le Mexique importe près de la moitié de ses denrées alimentaires et achète chaque année environ 20 millions de tonnes de maïs. L'accord a également torpillé l'interdiction d'importer du maïs transgénique au Mexique en 2023, les États-Unis ayant déposé un différend commercial en vertu de l'accord.
Le modèle élaboré par Carlos Salinas pour intégrer le Mexique à l'Amérique du Nord a porté un grave coup à la souveraineté du Mexique, le plaçant au service de « la région », c'est-à-dire les États-Unis. Avec tous les coûts et aucun avantage pour notre pays, il a entraîné une faible croissance, des migrations, le chômage, de faibles salaires, un endettement, l'effondrement du système de santé, un recul de l'éducation, un extractivisme à outrance et des dommages à la Terre Mère.
Depuis la signature de l'ALÉNA, il y a eu explosion du trafic de drogue et du crime organisé, ce qui a conduit à la « mondialisation du crime » promue par les États-Unis, qui arment les cartels, leur achètent la drogue, la distribuent sur leur territoire, blanchissent l'argent et utilisent la question comme prétexte à une ingérence dans d'autres pays, comme le fait Donald Trump aujourd'hui.
La solution pour le Mexique et son peuple, c'est la souveraineté, car nous avons une population travailleuse et qualifiée, d'énormes ressources naturelles et de grandes richesses que nous donne la nature. Il n'est pas avantageux d'être attaché à un empire décadent et en pleine chute, avec des divisions internes irréconciliables et qui veut nous lier à son char de guerre.
Dans le contexte du « multipolarisme » qui s'impose aujourd'hui, Washington cherche à négocier avec la Russie, abandonne l'Europe et se concentre sur la prise de contrôle de tout le continent américain, du Groenland au Canada et au Mexique, en passant par l'Amérique du Sud et les Caraïbes, en suivant la doctrine Monroe, « L'Amérique aux Américains ». Les États-Unis se préparent à affronter la Chine en nous obligeant à « nous intégrer » à leurs plans de guerre et de domination mondiale.
Pour le Mexique, la situation est dangereuse car, dans le nouveau partage du monde, le Mexique doit se soumettre à la domination totale des États-Unis. C'est pourquoi, le peuple mexicain doit sortir de la « région nord-américaine », du « multipolarisme » et de l'« intégration » et défendre sa souveraineté et sa pleine indépendance. Le Mexique ne doit être l'appendice de personne, et encore moins de la puissance yankee.
Le Wall Street Journal, citant des responsables mexicains, a rapporté le vendredi 28 février que le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, a averti les hauts responsables mexicains que l'armée américaine était prête à prendre des mesures unilatérales à l'intérieur du Mexique si ce dernier ne répond pas aux exigences de l'administration de Donald Trump en matière de contrôle des frontières et de lutte contre les cartels de la drogue.
Il existe de multiples raisons d'abandonner non seulement l'ACÉUM, mais aussi tous les traités militaires avec les États-Unis qui menacent notre souveraineté : ni l'ALÉNA ni l'ACÉUM n'ont contribué à une économie saine et en croissance, avec des emplois, des salaires décents et le respect de la nature; et l'intégration économique a conduit à l'intégration politique et militaire. Donald Trump a rompu l'accord de libre-échange qu'il avait lui-même défendu, en plus des menaces constantes d'invasion du territoire mexicain.
Le Mexique est dans une situation d'urgence nationale et il est nécessaire de renforcer les finances fédérales pour faire face aux graves conséquences de la vague d'expulsions et de la crise économique provoquée par les politiques de Donald Trump.
La solution pour redresser les finances publiques et faire face à la situation est de suspendre le paiement de la dette publique et de soumettre la dette à un audit afin de la renégocier à notre avantage, d'appliquer une réforme fiscale progressive afin que les grandes sociétés, les sociétés minières et les banques, paient ce qu'elles doivent et instaurer un impôt sur les grandes fortunes. Ainsi, le gouvernement fédéral sera en mesure de renforcer le budget fédéral pour répondre aux besoins urgents et disposer de fonds pour les emplois, les femmes, la santé, la production de vaccins, la médecine traditionnelle, l'alimentation, l'exploitation du lithium, et pour encourager la production nationale et celle des petits producteurs.
Nous devons développer notre science et notre technologie, notre industrie nationale, notre secteur agricole et nos services, dans chaque région, dans chaque communauté, dans tout le pays. Non ! à l'intégration du Mexique aux États-Unis et Oui ! à la souveraineté politique, économique et militaire. La souveraineté alimentaire, énergétique, sanitaire et vaccinale, sans dépendance de l'étranger qui entraîne addictions, violence et guerre.
Face aux plans et aux exigences de Donald Trump, le peuple mexicain doit élaborer son propre programme et s'unir autour de ses propres revendications. C'est un peuple qui s'est forgé dans une histoire de luttes pour la transformation, qui a grandi dans la résistance, qui a des solutions et qui doit développer son pouvoir politique pour les mettre en oeuvre, en contrant les menaces extérieures.
Il faut développer une vaste action de masse et des mobilisations sociales énergiques pour pousser le gouvernement à prendre des mesures d'urgence qui répondent à l'ordre du jour du peuple et non à celui des oligarques étrangers.
Notre lutte pour le progrès est multiforme et fait partie intégrante de notre identité. Faisons progresser la souveraineté populaire, fondement de la souveraineté nationale. Luttons pour la pleine souveraineté, politique, économique, culturelle et militaire, pour la souveraineté alimentaire et énergétique, base de la souveraineté économique. Pour la souveraineté régionale et locale, qui soutient la souveraineté nationale. Dans les communautés et dans tout le pays, le peuple doit plus que jamais affirmer ses droits et ses revendications.
Face aux menaces de Donald Trump, la force du Mexique réside dans sa classe ouvrière et son peuple organisé. Le peuple doit décider, construire son propre ordre du jour, encourager des actions toujours plus fortes, agir pour que les mesures appropriées soient prises et lutter pour ses droits. L'unité et la résistance collective organisée du peuple sont ce qui donnera l'élan et formera la base de la consolidation de la souveraineté du Mexique. C'est au peuple de proposer un projet d'édification nationale ! C'est le peuple qui doit décider !
L'unité la plus large doit prévaloir dans les actions qui rassemblent des organisations de nombreux fronts de lutte et des personnes de tous les horizons, de toutes les origines, religions et nationalités, de tous les âges, genres ou styles de vie pour défendre notre Patrie. Au Mexique, il existe des milliers de mouvements dispersés. C'est le temps de l'organisation et de la résistance, de faire entendre la voix du peuple. C'est le temps de s'unir et de lutter pour la souveraineté.
Pablo Moctezuma Barragan est secrétaire général de
l'organisation Mexteki et porte-parole national du Congrès
pour la souveraineté.
(Photos : L. Alcalde, E. Villendas)
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