Mardi 11 février 2025
La souveraineté, notre meilleure
arme face à l'empire

La Chambre des députés du Mexique, le 1er février 2025, prend
position
contre les menaces de Trump.
« Nous ne sommes la colonie de personne, ni le protectorat de personne ! Ils [les États-Unis] pourront nous menacer de toutes les violations, mais nous ne permettrons jamais qu'ils violent notre souveraineté et piétinent la dignité de notre peuple et de notre patrie », a assuré la présidente Claudia Sheinbaum Pardo. Coopération, oui ; subordination, non. Collaboration, oui ; soumission, non, a-t-elle souligné à l'occasion du 108e anniversaire de la promulgation de la Constitution, où, sans mentionner le président Donald Trump, elle a déclaré : « Pas d'ingérence, ni d'interventionnisme, pas non plus de racisme ni de classisme. Nous voulons déclarer, et le faire entendre haut et fort : toute intention de porter atteinte à notre droit d'être un peuple libre, un pays indépendant, une terre souveraine, se heurtera à un peuple courageux qui sait se battre pour défendre ses droits et sa patrie. » (La Jornada, 6 février 2025)
Aujourd'hui, nous faisons face au
néocolonialisme de l'empire étasunien et aux plans que
Washington élabore depuis des décennies. Aujourd'hui, nous avons
l'avantage que ces plans sont annoncés par Trump ouvertement et
effrontément, ce qui alerte le peuple mexicain du danger.
Donald Trump n'exclut pas d'intervenir militairement au Panama et au Groenland, il déclare que les États-Unis doivent prendre le contrôle de Gaza et expulser tous les Palestiniens. Il a également retiré son pays du Conseil des droits de l'homme des Nations unies et a ordonné la suspension du financement de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). (EFE, 4 février 2025)
Donald Trump a proposé d'annexer le Canada comme 51e État et, lors d'une entrevue avec la chaîne NBC, le 8 décembre dernier, il a proposé d'annexer le Mexique comme 52e État des États-Unis. Il a également exprimé son intention de déclarer les cartels de la drogue des organisations terroristes et a attaqué le Mexique en disant que c'est un pays « dangereux » et « essentiellement dirigé par les cartels ». De plus, il souhaite changer le nom du golfe du Mexique en « golfe d'Amérique ».
Cela intervient après un long processus d'intégration qui a commencé en 1994 avec Carlos Salinas, réaffirmé par Vicente Fox en 2005 avec le Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité (PSP) et qui s'est poursuivi avec une intégration militaire à partir de 2006 avec les gouvernements Felipe Calderon et Enrique Peña.
Aujourd'hui, l'ordre du jour néocolonialiste des États-Unis est clair et Donald Trump ne le cache pas. Face à cela, il est nécessaire de réaffirmer la souveraineté nationale, ce qui implique la souveraineté politique et économique. Sans souveraineté économique, il n'y a pas de souveraineté politique. Et bien sûr, la souveraineté militaire, sans laquelle il n'y a aucune indépendance.
Cette année marque le 500e anniversaire de l'exécution de Cuauhtémoc par les envahisseurs espagnols le 28 février 1525. Suivant l'exemple du tlahtoani, le mot d'ordre aujourd'hui est « Résistance et souveraineté ! ». Il a lutté contre le colonialisme, nous luttons aujourd'hui contre le néocolonialisme.
Washington travaille depuis plus d'un demi-siècle à l'incorporation du Mexique dans les États-Unis des grandes sociétés américaines. Stratégiquement, à partir du gouvernement de Miguel Aleman en 1946, il a commencé à nous endetter. La dette est une corde placée autour du cou des peuples ; au Mexique, elle est passée de 1600 millions de dollars en 1964 à 3600 millions en 1970 sous Diaz Ordaz ; de 3600 à 19 000 millions de dollars en 1976 sous Luis Echeverria, qui nous a soumis au Fonds monétaire international, et de 19 000 à 85 000 millions de dollars en 1982 sous Lopez Portillo.
C'est ainsi que nous sommes tombés dans les griffes des
organisations financières internationales et que le
néolibéralisme a été imposé il y a 40 ans, ce qui a conduit
Salinas de Gortari, en 1992, avec George Bush, alors président
des États-Unis, et Brian Mulroney du Canada, à entamer
l'intégration économique avec l'Accord de libre-échange
nord-américain (ALÉNA).
Plus tard, en 2005, Vicente Fox a signé le PSP, qui nous a intégrés au Commandement du Nord des États-Unis (USNORTHCOM), et Felipe Calderon a accru l'intégration militaire, qui s'est poursuivie sous Enrique Peña, continuant le processus jusqu'à aujourd'hui, avec l'arrivée de militaires américains au Mexique au cours du premier mois de 2025, du 27 janvier au 27 mars, stationnés dans l'État de Mexico et dans l'État de Chihuahua. C'est ainsi que nous sommes passés de l'intégration économique à l'intégration politique et finalement à l'intégration militaire, un processus qui a gravement porté atteinte à la souveraineté nationale, au point que certains affirment que nous sommes une région nord-américaine et non un Mexique souverain. Notre pays s'est toujours considéré comme latino-américain, mais depuis 1994, on cherche à nous définir comme faisant partie de l'Amérique du Nord. Il est nécessaire et urgent d'inverser ce processus.
L'intégration économique provoquée par l'ALÉNA a détruit l'économie nationale, sous prétexte de « libre concurrence », mais il n'est pas possible de rivaliser avec une puissance dont l'économie est quatorze fois plus grande. Le PIB des États-Unis en 1994 était de 7,3 billions de dollars, celui du Mexique de 0,55 billions de dollars; aujourd'hui, le PIB du Mexique est d'environ 1,8 billion de dollars, celui des États-Unis de 27,36 billions. L'ALÉNA avait pour objectif de subordonner l'économie du Mexique aux besoins de son voisin du nord, annonçant le prétendu avantage que nous obtiendrions en suspendant les droits de douane entre nos pays. Carlos Salinas s'est même vanté que nous faisions déjà partie du premier monde.
Donald Trump a affirmé que son pays subventionnait annuellement le Mexique à hauteur de 300 milliards de dollars et le Canada à hauteur de 200 milliards de dollars. C'est pourquoi, après avoir réaffirmé qu'il leur imposait des droits de douane de 25 %, il a proposé leur annexion en tant que 51e et 52e États. « Nous subventionnons le Canada pour plus de 100 milliards de dollars par an, a-t-il dit lors d'une entrevue télévisée. Pourquoi subventionnons-nous ces pays ? Si nous devons les subventionner, qu'ils deviennent un État. » (La Jornada, 9 décembre 2024)
Mais ce n'est pas le Mexique qui profite des exportations, ce sont les grandes entreprises, dont beaucoup sont nord-américaines. Parmi les principaux exportateurs mexicains vers les États-Unis figurent General Motors, Stellantis et Ford Motor Company.
Le fait est que Donald Trump, d'un trait de plume, annonce son intention de ne pas respecter l'Accord Canada—États-Unis—Mexique (ACÉUM). Car comme le dit Kenneth Smith, l'ancien négociateur en chef de l'ALÉNA, l'imposition de droits de douane sur les produits exportés par le Mexique et le Canada impliquerait une violation claire de l'ACÉUM (Le Financiero, 1er février 2025). Ainsi, aujourd'hui, les experts de la violation des traités — voyez comment, traité après traité, ils ont dépossédé les peuples autochtones de leurs terres en Amérique du Nord — montrent une fois de plus leur vraie nature et la fausseté de leurs traités et de leurs alliances. Nous avons le triste souvenir d'entendre Felipe Calderon et Vicente Peña qualifier les États-Unis d'« alliés stratégiques », c'est-à-dire pas des amis, seulement des intérêts partagés. Il faut voir comment ils traitent leurs « alliés », le Canada et le Mexique, ainsi que les Européens.
Après la signature de l'ALÉNA, la souveraineté industrielle et alimentaire du Mexique a été détruite, le chômage a augmenté et, selon les statistiques, la migration vers les États-Unis, ainsi que la criminalité et le trafic de drogue, ont explosé à partir de 1994. Les États-Unis ont provoqué le même phénomène qu'ils disent aujourd'hui combattre et dont ils nous accusent, alors que tout le processus et ses conséquences sont dirigés depuis le pays du Nord et au profit de ses élites.
Les États-Unis ont provoqué une migration massive avec un objectif clair. Disposer d'une main-d'oeuvre sans droits, dans des conditions d'esclavage moderne, pour l'exploiter sans compter, ce qui est également une arme pour abaisser les salaires et maintenir les travailleurs étatsuniens sous contrôle, afin d'être plus compétitifs face à la Chine et à d'autres pays. Pour réduire les coûts de production. L'économie des États-Unis a besoin de migrants, de préférence sans papiers.
Bill Clinton et Barack Obama avaient déjà battu des records d'expulsions. Avec Donald Trump elles vont continuer, mais l'objectif principal est de criminaliser et de terroriser les travailleurs sans papiers, de les soumettre. Ce sont les politiques imposées par Washington, par les organismes financiers qu'il contrôle, qui provoquent sciemment les vagues migratoires.
Donald Trump crée la cohue avec l'imposition de droits de douane au Canada, au Mexique et à la Chine. C'est une façon de détourner l'attention de ses objectifs, qui ne sont pas seulement commerciaux, mais également politiques, sociaux et militaires. La politique de Washington consiste à menacer de tarifs douaniers pour imposer son ordre du jour et gagner des avantages dans la lutte pour l'hégémonie mondiale.
En ce qui concerne les groupes criminels opérant au Mexique, « 75 % des armes illégales saisies des criminels au Mexique proviennent des États-Unis », a rappelé la présidente Sheinbaum. Elle a expliqué que le Mexique « ne produit pas ces armes, pas plus qu'il ne consomme de drogues synthétiques. Tragiquement, c'est dans notre pays que des vies sont perdues à cause de la violence résultant de la satisfaction de la demande de drogue dans le pays voisin ». (Contralínea tv, 9 janvier 2025)
Washington accuse le gouvernement
mexicain d'être lié aux cartels pour cacher le fait que c'est
lui qui les arme, achète des drogues et les distribue sur tout
son territoire, et blanchit l'argent. Il soutient les cartels
mexicains et les maintient en conflit les uns avec les autres
pour les contrôler et générer la violence au Mexique dont il
accuse le gouvernement. Il garde ainsi la population mexicaine
sous contrôle. Si les cartels ont eu des alliés dans les
gouvernements mexicains, comme cela s'est produit avec Vicente
Fox et son secrétaire à la Sécurité publique, Felipe Calderon et
le trafiquant de drogue Garcia Luna, de 2000 à 2012, cela s'est
fait en toute connaissance du gouvernement des États-Unis, qui
dirige les réseaux criminels.
Mais avec sa menace, Donald Trump a déjà réussi à obtenir le déploiement de 10 000 membres de la Garde nationale mexicaine à la frontière nord, dans 18 municipalités, pour renforcer les troupes à la frontière et « arrêter le flux de fentanyl, d'autres drogues et l'immigration illégale ». Ainsi, les problèmes sont présentés comme s'ils étaient causés par le Mexique. Et bien qu'il ait reporté d'un mois l'imposition des droits de douane de 25 %, il continue et continuera de nous menacer en permanence.
Le chef du Pentagone n'a d'ailleurs pas exclu une intervention militaire au Mexique pour lutter contre les cartels de la drogue : « Nous n'excluons rien », a déclaré le secrétaire à la Défense des États-Unis, Pete Hegseth, qui a averti le 31 janvier que le gouvernement de Donald Trump n'excluait pas de lancer des attaques militaires contre les cartels mexicains sur le territoire mexicain. « Toutes les options sont sur la table », a-t-il prévenu sur Fox News. Le 3 février, il s'est rendu au Texas où 4 000 soldats sont déjà déployés à la frontière mexicaine. Donald Trump a déclaré que les gangs de trafiquants de drogue mexicains des organisations terroristes étrangères, un prétexte pour une intervention militaire dans notre pays. Les États-Unis tentent d'intimider les Mexicains avec leurs menaces d'invasion.
De plus, le commerce du fentanyl est également sous la responsabilité du voisin du nord : 9 dollars sur 19 de la valeur marchande du fentanyl sont générés et distribués aux États-Unis sous la surveillance, la direction et la supervision des autorités nationales. Le fentanyl est produit en Californie, dans l'Oregon et dans l'État de Washington. (Galindo, La Jornada, 4 février 2025)
Lors de son entretien avec Donald Trump, la présidente Claudia Sheinbaum a parlé de la nécessité de contrôler le trafic d'armes, mais le communiqué officiel du président des États-Unis en fait fi. Un accord a été conclu sur la création d'une commission bilatérale responsable de négocier les questions de sécurité et de commerce, par l'intermédiaire de laquelle les États-Unis cherchent à intervenir directement au Mexique. En fait, après la rencontre entre le secrétaire d'État des États-Unis, Marco Rubio, et le ministre des Affaires étrangères du Mexique, Juan Ramon de la Fuente, le 6 février, la présidente du Mexique a dû exprimer son rejet d'une présence accrue de l'Agence de lutte contre le trafic de drogue des États-Unis (DEA) sur le territoire mexicain. (EFE, 6 février 2025)
Compte tenu de cette situation,
il est clair que la solution est de briser tous les liens de
dépendance et que le Mexique devrait centrer son développement
sur l'économie nationale et renforcer la production
industrielle, la production agricole et les services. Son
économie ne devrait pas dépendre des exportations et des
importations des États-Unis, qui représentent aujourd'hui 80 %
de son commerce total. Le Mexique devrait renforcer sa
souveraineté économique, en coopérant avec de nombreux pays,
dont la Chine, mais sans dépendre d'aucun d'entre eux. Il est
essentiel que notre pays diversifie au maximum son commerce
international et, en même temps, produise tous les biens les
plus nécessaires à l'intérieur du pays, ce qui renforcerait les
entreprises d'État et les producteurs mexicains, ainsi que les
petites et moyennes entreprises, les coopératives, l'économie
locale et notre propre développement scientifique et
technologique.
C'est le moment de parvenir à la pleine souveraineté et à l'indépendance et de nous renforcer contre toute menace venant de Washington ou d'où que ce soit.
Notre pays souverain doit se développer sur le plan intérieur et entretenir des relations amicales et équitables avec les autres peuples, et non des relations de soumission.
Cinq cents ans après l'assassinat de Cuauhtémoc et après des
siècles de résistance autochtone, noire et populaire, il est
temps de nous unir, de nous organiser et de libérer notre terre
du néocolonialisme. Si nous avons réussi à vaincre l'Empire
espagnol au XIXe siècle, il est temps, au XXIe siècle,
d'affronter et de vaincre l'Empire yankee. L'esprit de notre
grand héros nous donne la force de résister et de vaincre. Notre
lutte s'inscrit dans celle de tous les peuples du monde qui
aspirent à vivre en harmonie entre eux et avec Mère Nature.

La présidente mexicaine est accueillie par la foule à Michoacán,
le 8 février 2025.
Grand rassemblement à Mexico le 12 janvier
2025, à l'occasion des 100 jours de la présidence de Claudia
Sheinbaum
Pablo Moctezuma Barragan est secrétaire général de l'organisation Mexteki et porte-parole national du Congrès pour la souveraineté.
(Traduit de l'espagnol original par LML. Photos : @pepebenevidesmx, Morena)
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