L'annexion imminente de la Cisjordanie et la guerre des milices des colons

Des personnes en deuil participent aux funérailles, le 26
décembre 2024, de Palestiniens tués lors de raids israéliens
dans la ville de Tulkarem dans le nord de la Cisjordanie
occupée.
L'article suivant de Robert Inkalesh, intitulé « L'avenir de la Cisjordanie est en jeu », a été publié par Al-Mayadeen le 25 décembre 2024.
Malgré des efforts concentrés pour éliminer les bastions de la résistance, malgré le nettoyage ethnique, les déplacements massifs et l'escalade de la violence, la Cisjordanie connaîtra-t-elle une troisième Intifada ?
À la veille de l'annexion de la Cisjordanie et d'une guerre des milices de colons contre les civils palestiniens, l'avenir du territoire sera en fin de compte déterminé par la résistance populaire aux conspirations israéliennes. Alors que l'entité sioniste verra probablement bientôt un gain territorial, son projet pourrait se retourner contre elle.
Alors que le génocide de Gaza, la guerre au Liban et le changement de régime en Syrie ont fait la une des journaux au cours des 14 derniers mois, la Cisjordanie a également connu une période de difficultés qui pourrait bientôt lui valoir le statut de sujet d'actualité.
Depuis le 7 octobre 2023, l'armée d'occupation israélienne et les colons militants qui lui sont alliés ont assassiné plus de 720 Palestiniens en Cisjordanie, ce qui en fait la période la plus meurtrière depuis la deuxième Intifada (2000-2005). De plus, des centaines de milliers d'emplois ont disparu dans le territoire, alors que l'économie locale continuait de décliner.
Pire encore, les colons israéliens ont établi plus de 60 nouveaux avant-postes de colonisation sur les terres palestiniennes, tout en collaborant avec l'armée d'occupation pour procéder au nettoyage ethnique d'au moins 26 villages et communautés. La violence des colons atteint un niveau historique, alors que le régime israélien continue d'armer ses milices extrémistes, a créé l'unité militaire extrémiste des colons de la Frontière du désert, qui fait partie de son armée, et a permis des attaques continues contre les biens, les terres agricoles et les vies des Palestiniens.
Dans le même temps, l'armée israélienne a installé des centaines de nouveaux barrages routiers, murs et barrières, tout en maintenant une présence plus imposante sur l'ensemble du territoire et en adoptant une posture très agressive envers les civils de Cisjordanie. Cela signifie que même les petites zones du territoire sont devenues plus dangereuses et plus difficiles à traverser pour les Palestiniens.
Les Palestiniens doivent désormais agir avec grande prudence aux points de contrôle et aux barrages routiers improvisés mis en place pour eux, où ils peuvent se faire voler au hasard divers objets, être privés de la possibilité de se rendre à leur travail ou, pire encore, faire l'objet d'une détention arbitraire, d'humiliations, de passages à tabac et d'exécutions. Les civils sont de plus en plus prudents lorsqu'il s'agit de se déplacer la nuit, en raison de la forte probabilité d'attaques aléatoires de colons, contre lesquelles ils ne reçoivent aucune protection.
Les Palestiniens vivant en Cisjordanie endurent des souffrances financières, physiques et psychologiques, aggravées par un sentiment accru d'horreur face aux événements qui se déroulent non loin dans la bande de Gaza.
De nombreux habitants de Cisjordanie sont restés relativement calmes pendant le génocide à Gaza, poussés par un sentiment de désespoir et de peur, une situation influencée par divers facteurs qui sont sur le point de changer radicalement.
Jusqu'à présent, les camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie se sont révélés être les véritables centres de la résistance et de l'action révolutionnaire. Le camp de Jénine, le camp de Nour Shams à Tulkarem et les camps de réfugiés comme Balata et Al-Ain à Naplouse ont été des îlots isolés de résistance armée. Cependant, sans action populaire, leurs capacités restent confinées à des manoeuvres défensives à l'intérieur de leurs camps.

Des milliers de Palestiniens participent au cortège funèbre de
l'adolescent Rayan Bani Odeh, tué le 25 décembre 2024 lors d'une
frappe aérienne israélienne sur la ville de Tammoun en
Cisjordanie occupée.
Avec le soutien des États-Unis, l'Autorité palestinienne intensifie sa répression contre les groupes de résistance des Brigades de Jénine, signe d'un effort concerté pour éliminer les bastions de la résistance en Cisjordanie. Cette répression coïncide avec un moment critique pour l'Autorité palestinienne, confrontée à la menace existentielle de la promesse imminente d'Israël d'annexer le territoire.
Le régime sioniste cherche à conquérir les zones C et certaines parties de la zone B, à l'intérieur de la Cisjordanie, dans le but d'établir un contrôle de jure sur ces régions, plaçant environ 70 % du territoire sous son contrôle civil.
Si ce scénario se réalise, l'Autorité palestinienne sera confrontée à trois options viables : se dissoudre entièrement, se transformer en mouvement de résistance ou tenter de conclure une sorte d'accord qui la maintiendrait en place en tant que simple contractant qui gère les principales enclaves palestiniennes.
Comme l'Autorité palestinienne jouit actuellement de la reconnaissance aux Nations Unies en tant que représentant de l'État de Palestine et est prête à jouer un rôle dans tout scénario d'après-guerre à Gaza, elle conserve encore une certaine pertinence. Or, sans la capacité d'ouvrir la voie à un État palestinien en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza par des négociations, elle sera confrontée au défi inévitable de poursuivre la résistance armée comme seule option, ce qu'elle rejette pour l'instant.
L'annexion par Israël déstabilisera inévitablement la Cisjordanie et le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a déjà nommé un successeur pour la phase de transition, ce qui indique que son âge avancé l'empêchera bientôt de remplir ses fonctions. Si le Hamas parvient, par un échange de prisonniers, à libérer des hauts responsables du Fatah, l'autorité palestinienne basée à Ramallah, il est possible qu'ils jouent un rôle constructif dans l'unification du mouvement palestinien depuis l'étranger et qu'ils ouvrent une autre voie pour l'avenir.
Un autre facteur pourrait être l'agitation qui pourrait se produire en Jordanie, ainsi que l'émergence imprévisible de groupes de résistance palestiniens du climat instable à l'intérieur de la Syrie.
Toutefois, les Israéliens comprennent bien tous ces éléments et chercheront à empêcher tout développement régional jouant en faveur du peuple palestinien. Ces possibilités doivent donc être reconnues, mais l'accent doit être mis sur la réaction inévitable de l'ensemble de la population de Cisjordanie.
Avec une Autorité palestinienne gravement affaiblie, une escalade de la violence, un nettoyage ethnique des villages et d'inévitables déplacements massifs de civils, sur fond d'annexion israélienne, la population de Cisjordanie pourrait se retrouver dans une situation difficile qui nécessiterait une troisième Intifada. Si l'Autorité palestinienne s'effondre complètement, cela obligera l'armée israélienne à se déployer dans les grandes villes palestiniennes, ce qui entraînera des conflits quotidiens à une échelle bien plus grande que celle observée depuis des décennies.
Une révolte populaire massive de la Cisjordanie sera nécessaire pour contrecarrer les plans israéliens de confiscation des terres et de nettoyage ethnique, qui plongeront alors l'ensemble du territoire dans le chaos. La question est de savoir si l'entité sioniste est capable de faire face pendant longtemps à une révolte de grande ampleur. Il lui faudrait déployer des centaines de milliers de soldats, d'agents de sécurité privés, de gardes-frontières et de policiers.
En plus d'être une charge financière énorme, cela poserait un risque de sécurité dans le cas où d'autres fronts se réactiveraient. À titre d'exemple, à différents moments de la guerre contre Gaza, l'armée israélienne a en fait déployé plus de soldats en Cisjordanie qu'elle n'en a déployé dans la bande de Gaza.
Ce n'est pas sans raison que le régime sioniste n'a jamais déclaré ses frontières : il a toujours cherché à occuper davantage de territoire aux dépens des nations voisines, un objectif auquel il s'approche à un rythme rapide. Bien qu'il réussisse à court terme, le sort ultime de ce projet usurpateur sera déterminé par la volonté des masses.
(Traduction : LML)
Cet article est paru dans
Vendredi 24 janvier 2025
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