3 octobre 2024
Journée du chandail orange
Les marcheurs exigent justice et
responsabilité de l'État canadien
Montréal, 30 septembre 2024
• Les marcheurs exigent justice et responsabilité de l'État canadien
Journée du chandail orange
Les marcheurs exigent justice et
responsabilité de l'État canadien
La 11e Journée du chandail orange et la 4e Journée nationale pour la vérité et la réconciliation ont été soulignées dans tout le Canada le 30 septembre 2024. Des cérémonies, des marches, des rassemblements et d'autres événements ont eu lieu dans des communautés, petites et grandes, d'un océan à l'autre, pour souligner cette journée. Partout au Canada, les peuples autochtones, les Canadiens et les Québécois se sont unis pour rendre hommage aux survivants de la brutalité et de l'indignité des pensionnats. Les actions ont partout exprimé l'unité des peuples autochtones, des Canadiens et des Québécois qui demandent que justice soit rendue aux survivants et à leurs familles et que cesse le génocide organisé par l'État à l'encontre des peuples autochtones, génocide qui se poursuit encore aujourd'hui malgré le discours de « réconciliation ».
Plus de 150 000 enfants des Premières Nations, métis et inuits
ont été arrachés à leurs communautés entre 1867 et 1996 par des
agents de l'État colonial et contraints de fréquenter des
pensionnats gérés par des églises chrétiennes, où ils ont été
dépouillés de leur langue, de leur identité et de leur dignité.
L'objectif de l'État était de les détruire en les privant de
leur mode de vie collectif en harmonie avec la nature. La
suppression de leurs langues, de leur culture et de leur
spiritualité dans le but d'éliminer leur mémoire et leur
matériel de pensée a été cruciale pour l'État qui voulait
s'approprier les territoires des peuples autochtones et leur
imposer la domination anglo-canadienne. La citoyenneté et
l'appartenance au corps politique du Canada leur étaient
accordées s'ils renonçaient individuellement à leur identité.
Plus de 6 000 enfants ont péri dans les pensionnats, victimes
de malnutrition, de maladies, de tortures et de suicides.
L'échec de l'assimilation forcée et du génocide est le reflet de
la résilience et de la résistance des peuples autochtones et des
enfants eux-mêmes, dont beaucoup ont tenté de s'échapper et de
rentrer chez eux.
Un millier de personnes ont défilé dans les rues de Montréal après les discours et la cérémonie organisée par une aînée du territoire mohawk de Kahnawake au pied du mont Royal. Nakuset, directrice exécutive du Foyer pour femmes autochtones de Montréal. a appelé les jeunes à se mobiliser et à lutter pour la mise en oeuvre des recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation, car le gouvernement ne le fera pas, seuls 11 des 94 appels à l'action ayant été mis en oeuvre en près de 10 ans.
Sur la colline du Parlement, à Ottawa, une foule a écouté des discours, des chants et des tambours. Stephanie Scott, directrice générale du Centre national pour la vérité et la réconciliation, s'est adressée à la foule : « Le système des pensionnats avait pour but de nous détruire, et il n'y est pas parvenu. [...] Nos enfants ont souffert dans ces institutions et, aujourd'hui encore, leur esprit nous appelle tous à nous souvenir d'eux et à les honorer. »
Des cérémonies ont eu lieu dans les provinces maritimes, notamment à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), à Fredericton (Nouveau-Brunswick) et dans d'autres communautés, ainsi que dans des villes du Québec et de l'Ontario.
Au Manitoba, des milliers de personnes ont participé à une marche de la guérison lors de la Journée du chandail orange à Winnipeg pour rendre hommage aux personnes décédées et à celles qui ont survécu aux pensionnats. Joseph Maud, membre de la Première Nation Skownan, a raconté qu'il a fréquenté le pensionnat de Pine Creek jusqu'à la troisième année, lorsque l'école a fermé ses portes en 1969. Quand il avait neuf ans, lui et son frère de onze ans ont été emmenés par une travailleuse sociale et placés dans un foyer d'accueil dans le sud du Manitoba, victimes de la « rafle des années soixante ». Après quatre ans et demi de traitements brutaux, Joseph raconte qu'en 1973, son frère et lui se sont échappés et ont entrepris un périlleux voyage de 150 kilomètres à travers des marécages, des rivières et des fondrières pour rejoindre la maison de sa grand-mère.
Des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses communautés de la Colombie-Britannique, petites et grandes. Le 27 septembre, plusieurs centaines de personnes se sont réunies au parc Holland de Surrey pour rendre hommage aux survivants des pensionnats et à leurs familles, et pour se souvenir de ceux qui ne sont pas revenus. De la bannique et des rafraîchissements ont été servis et des danseurs et des joueurs de tambour autochtones se sont produits. À Port Alberni, sur l'île de Vancouver, des centaines de personnes ont défilé dans les rues jusqu'au territoire de la Première Nation Tseshaht, où le pensionnat indien d'Alberni était situé jusqu'en 1973.
L'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique a publié une déclaration dans laquelle on peut lire notamment :
« En ce jour, nous exhortons tout le monde à voir l'histoire douloureuse des pensionnats indiens avec compassion et ouverture d'esprit. Il est impératif de connaître les origines racistes et génocidaires du Canada et de comprendre la signification profonde de cette journée pour les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Les survivants, les survivants intergénérationnels et leurs familles continuent de porter le poids des traumatismes infligés par les pensionnats, du système de protection de l'enfance et d'autres institutions oppressives, y compris le négationnisme récent et rampant des pensionnats exprimé par plusieurs dirigeants municipaux, institutions et autres organisations. »
Après l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral en 2015, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré en décembre de la même année : « Aucune relation n'est plus importante pour moi – et pour le Canada – que celle que nous entretenons avec les Premières Nations, la Nation métisse et les Inuits », et s'est engagé à agir rapidement pour mettre en oeuvre les 94 appels à l'action du rapport final de la Commission de vérité et de réconciliation après ses sept années d'enquête.
Malgré ses promesses, peu d'efforts ont été faits pour appliquer les recommandations. Il a fallu plus de cinq ans au gouvernement pour instaurer la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, 80e des appels à l'action de la Commission vérité et réconciliation. Pour détourner l'attention de la violence coloniale actuelle contre les peuples autochtones et justifier l'inaction du gouvernement, le premier ministre Trudeau a déclaré le 30 septembre : « Le véritable chemin vers la réconciliation prendra des décennies. »
C'est inacceptable. La réalité est que la Constitution du
Canada place l'État canadien au-dessus des droits ancestraux des
peuples autochtones et qu'elle court-circuite leur pouvoir de
décision à chaque instant. Les peuples autochtones, les
Canadiens et les Québécois veulent que l'on mette fin dès
maintenant aux abus de l'État canadien. C'est leur unité
d'action et leurs justes revendications, qui appellent le Canada
à faire respecter les droits ancestraux des peuples autochtones,
qui sont la clé du renouvellement des accords politiques au
Canada, y compris la rédaction d'une constitution démocratique
moderne qui respecte les droits ancestraux et les droits issus
de traités des peuples autochtones.
Iqaluit
Montréal
Ottawa
Huntsville
Windsor
Kenora
Winnipeg
Saskatoon
Calgary
Vancouver
Victoria
Port Alberni
(Avec ces informations de la Commission vérité et réconciliation, Yellowhead Institute et Radio-Canada. Photos : LML, C. Blackstock, Grand Council Treaty 3, joyscm, I. Idlout, Tseshaht, Southern Chiefs)
Le Canada use de moyens criminels pour
miner la recherche de preuves de décès d'enfants dans les
pensionnats indiens
Au milieu des événements et des commémorations de la quatrième Journée nationale pour la vérité et la réconciliation, le Secrétariat des survivants des Six Nations de Grand River a tenu une conférence de presse sur la colline du Parlement. Le Secrétariat des survivants a été créé pour retrouver les dossiers de l'ancien Institut Mohawk près de Brantford, en Ontario, et enquêter à leur sujet, afin de trouver les noms des enfants mohawks qui sont morts à l'école.
Les porte-parole du Secrétariat des survivants ont dénoncé les plans du Canada de réduire le financement de l'important travail qu'il fait. Depuis qu'il s'est attelé à la tâche de découvrir les tombes et les noms des enfants décédés sur le terrain de l'Institut Mohawk entre 1831 et 1970, le Secrétariat des survivants a élargi ses activités et établi des relations de travail avec plus de 60 autres communautés autochtones du Canada dont les enfants sont également décédés alors qu'ils fréquentaient les pensionnats indiens.
La question de la mort et de l'enterrement d'enfants autochtones dans des tombes anonymes a été brusquement portée à la conscience nationale au Canada après que la Première Nation Tk'emlúps te Secwépemc a annoncé en 2021 que les résultats préliminaires d'une étude géoradar des terrains de l'ancien pensionnat de Kamloops, en Colombie-Britannique, indiquaient qu'il y avait 215 tombes anonymes sur les terrains de l'école.
À l'époque, le gouvernement Trudeau, sous la pression des peuples autochtones, des Canadiens et des Québécois, s'est engagé à financer la recherche de tombes et de restes d'enfants dans ce pensionnat et sur les terrains d'autres pensionnats. En 2022, 209,8 millions de dollars, une somme dérisoire, ont été alloués pour soutenir les communautés autochtones qui souhaitaient mener leurs propres enquêtes pour « documenter, localiser et commémorer » les lieux de sépulture. Cet argent a permis de financer 146 projets de ce type.
Le Secrétariat des survivants souligne que le dernier budget fédéral prévoit 91 millions de dollars sur deux ans pour poursuivre les recherches qui, selon l'organisation, sont essentielles pour découvrir la vérité sur ce qui est arrivé aux enfants dans ces institutions gérées par l'Église.
Laura Arndt, directrice exécutive du Secrétariat des survivants, qui est intervenue à la conférence de presse, a souligné que la réduction des fonds alloués au Fonds de soutien communautaire pour les enfants disparus des pensionnats signifie que les communautés autochtones sont « montées les unes contre les autres » et que les justifications ne sont pas acceptables. Elle a également indiqué que les réductions de financement ont été annoncées lors d'une réunion Zoom en août, au cours de laquelle les communautés et organisations autochtones ont été mises en sourdine et où les questions n'ont pu être posées que par clavardage.
Mme Arndt a souligné que les communautés autochtones tentent de mettre au jour 150 ans d'histoire et que l'argent fourni par le Canada au cours des trois dernières années est tout à fait insuffisant pour accomplir ce travail. Elle a également fait remarquer que le gouvernement fédéral retient toujours 23 millions de documents concernant les pensionnats indiens qu'il avait promis de remettre l'année dernière. Elle a souligné qu'il faudrait de nombreuses années et des centaines de millions de dollars pour rendre hommage aux victimes.
La directrice du Secrétariat des survivants a déclaré que les déclarations du premier ministre Trudeau, qui affirme « soutenir les communautés » et « être présent à chaque étape pour honorer les enfants qui ne sont pas revenus », ne signifient pas grand-chose si le travail ne bénéficie pas d'un financement stable. Elle a également ajouté qu'il ne pouvait y avoir de réconciliation sans que la vérité soit reconnue et que l'affaiblissement et le sous-financement de l'important travail de recherche et de récupération des tombes de chaque enfant décédé contribuaient au discours « négationniste » que plusieurs personnes dans les cercles officiels reprennent pour dire que le système des pensionnats n'a jamais existé, que les peuples autochtones fabriquent tout cet épisode sordide de l'histoire du Canada. Elle a déclaré :
« Nous disons au premier ministre que nous en avons assez. Les promesses n'ont d'importance que lorsqu'elles sont tenues, alors tenez votre promesse. Faites-le pour les communautés, faites-le pour ce pays, afin qu'ils sachent à quoi ressemble une véritable réconciliation.
« Nous ne devrions pas être tenus en haleine pendant le mois national de la réconciliation, à quémander des fonds pour une promesse faite par le premier ministre. » « Pourquoi devrions-nous demander de l'argent aux entités mêmes qui ont commis cette atrocité ? » a-t-elle demandé, ajoutant que si le gouvernement fédéral sape le travail en réduisant les fonds, il fera partie du « mouvement négationniste » qui a pour objectif de blanchir les crimes qui ont été et sont encore commis par l'État canadien contre les peuples autochtones.
Roberta Hill, ancienne élève du Mohawk Institute et membre du Secrétariat des survivants, s'est également adressée aux médias sur la colline du Parlement. Elle a déclaré que l'école était « très horrible, très dommageable, nuisible et abusive » et que des personnes comme elle méritaient de connaître la véritable ampleur du carnage causé par des écoles comme celle-ci.
Les recherches et les enquêtes « vont prendre du temps, et il est absolument ridicule de réduire le financement maintenant, ce qui me met en colère et me bouleverse », a-t-elle ajouté.
Ce que le gouvernement Trudeau fait au nom du peuple canadien et de la réconciliation est inadmissible. Il est criminel de verser du sel sur les plaies des survivants du système raciste et brutal des pensionnats indiens et de salir la mémoire de ceux qui sont morts. Il ne faut pas que cela passe.
(Avec des informations de CPAC et Radio-Canada)
(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)
www.pccml.ca • redaction@pccml.ca