Mise en garde contre l'intervention des États-Unis au Mexique
Le sénateur et leader du parti d'opposition au Congrès mexicain, le Parti d'action nationale (PAN), Marko Cortes, a proposé de classer le trafic de la drogue comme appartenant au « terrorisme ». Il a également appelé les institutions internationales (c'est-à-dire des États-Unis) à « collaborer » pour éliminer la terreur dans laquelle vivent de nombreuses communautés au Mexique[1].
Ces appels ne sont pas nouveaux. Il y a trois ans, Lilly Tellez, sénatrice du PAN, a présenté une initiative de réforme pour que les membres des cartels de la drogue qui utilisent la violence et suscitent l'inquiétude, la peur ou la terreur parmi la population mexicaine soient poursuivis pour le crime de terrorisme[2]. Cette position s'inscrit dans la ligne d'intégration militaire et d'assujettissement de la souveraineté du Mexique aux États-Unis initiée par les présidents Fox et Calderon.
Les armes sont produites aux États-Unis, puis vendues et exportées au Mexique. Là, l'argent de la vente des drogues et des armes illégales est blanchi et la drogue est distribuée sur tout le territoire sans qu'il y ait, selon les sources officielles, de cartel américain. C'est ainsi qu'ils justifient une intervention militaire sur tout le continent. Pour ce faire, ils disposent du Northern Command (Northcom) et du Southern Command, ainsi que de leurs nombreuses agences de renseignement.
Lors d'une audience de la commission des forces armées du Sénat américain en 2022, le commandant du Northcom, le général Glen VanHerck, a souligné que le trafic de drogue, les migrations et le trafic des humains sont « les symptômes d'un problème plus vaste.... qui est celui des organisations criminelles transnationales ».
Il a ajouté que « l'instabilité qu'ils génèrent [...] offre des opportunités à des acteurs comme la Chine, comme la Russie, et d'autres qui pourraient avoir des activités malveillantes à l'esprit, de chercher à accéder et à influencer notre zone de responsabilités du point de vue de la sécurité nationale »[3].
Un an plus tard, au début de l'année 2023, les membres du Congrès Dan Crenshaw et Mike Waltz, deux républicains du Texas et de Floride respectivement, ont présenté la « Résolution AUFM [Autorisation de recours à la force militaire] sur l'influence des cartels ».
Dans un langage qui fait écho à l'autorisation générale de 2001 pour l'utilisation de la force militaire en réponse aux attentats du 11 septembre, la résolution prétend habiliter le président à utiliser « toute la force nécessaire et appropriée » contre les « nations étrangères, les organisations étrangères ou les personnes étrangères affiliées à des organisations étrangères ».
De cette manière, le président détermine si elles ont commis des crimes spécifiques liés à la drogue ou utilisé la violence pour contrôler un territoire à des fins illicites[4]. Rappelons que lors de sa première administration, en novembre 2019, le président de l'époque, Donald Trump, avait annoncé que la proposition était à l'étude. Faisant écho à Trump en septembre dernier et depuis, Dan Crenshaw et d'autres membres du Congrès ont déclaré que les États-Unis étaient « en guerre » contre les cartels de la drogue et ont appelé à l'utilisation de l'armée au Mexique.
En 2021, le gouverneur du Texas, Greg Abbott, a proposé de qualifier les cartels et les passeurs de migrants de terroristes. Plus tard, le 10 mars 2023, 21 procureurs généraux d'États ont demandé à Joe Biden de faire de même.
Le 29 mars dernier, le sénateur républicain de Caroline du Sud et ferme supporter de Trump, Lindsey Graham, a présenté une initiative visant à désigner les cartels mexicains comme des organisations terroristes étrangères. Cette proposition est un nouveau signe de l'insistance des États-Unis pour que le Mexique intervienne davantage dans la lutte contre les groupes armés. Crenshaw, Graham et d'autres partisans de Trump disent que si le Mexique n'en fait pas plus, les États-Unis interviendront militairement en envoyant des drones et des troupes.
Le général Michael Guillot, membre de l'US Air Force, a été commandant du Northcom. Le 13 mars dernier, il a déclaré que les cartels étaient plus enclins à affronter les forces de sécurité mexicaines, que l'immigration clandestine avait atteint des niveaux record l'année dernière et que la violence liée à la lutte entre cartels rivaux pour le contrôle du trafic de drogue et de migrants était en augmentation. Il en résulte une instabilité et une remise en cause de l'état de droit. En parlant ainsi, il alimente l'idée d'une intervention armée américaine nécessaire pour « aider à lutter contre le crime organisé ».
Le 29 juin 2024, le général Glen VanHerck a conclu une visite au Mexique. Au cours de sa visite, il a rencontré des représentants du gouvernement fédéral pour discuter de questions liées à la coopération bilatérale en matière de sécurité, selon l'ambassadeur américain Ken Salazar.
Il a rencontré les secrétaires de la Défense nationale, Luis Crescencio Sandoval, et de la Marine, Rafael Ojeda, à la résidence officielle de Salazar, qui a publié une photo de la réunion sur les réseaux sociaux. On y voit les trois officiers militaires en civil.
« La compatibilité militaire opérationnelle se construit à travers des relations durables et des opportunités de formation combinée avec vous », a déclaré le Commandement du Nord sur les médias sociaux après la réunion.
Les protocoles et processus conjoints impliquant les forces armées américaines et mexicaines sont couplés. Le Pentagone reçoit des données stratégiques de l'armée mexicaine et lui vend des technologies et des équipements sur une base préférentielle.
Depuis 2014, le Mexique participe aux exercices militaires Tradewinds, organisés par le Southern Command depuis 1984, après l'invasion américaine de la Grenade et face aux « menaces de l'Union soviétique et de Cuba ».
Ces exercices annuels ont une approche collaborative multinationale et multi-domaine comprenant des scénarios terrestres, aériens, maritimes, amphibies et de cybersécurité.
Pour la première fois du 7 au 21 mai 2022, le Mexique a coorganisé l'exercice Tradewinds avec le Belize. À cette occasion, les manoeuvres se sont déroulées sur notre territoire : à Chetumal, Cozumel et Playa del Carmen.
Par ailleurs, des commandants militaires mexicains étaient présents le 24 mai 2023 au Panama, dans une académie de police de la capitale. À cette occasion, le chef du commandement sud des États-Unis, la générale Laura Richardson, a fait valoir la nécessité de s'unir pour faire face aux « menaces contre les démocraties » proférées par des gouvernements autocratiques.
L'événement a eu lieu à la clôture d'exercices militaires conjoints auxquels ont participé des militaires et des forces spéciales d'une vingtaine de pays américains, dont les États-Unis, le Mexique, la Colombie, le Pérou, le Guatemala, le Honduras et le Salvador.
Madame Richardson a déclaré que l'équipe démocratique « est une équipe puissante qui travaille dans tous les domaines pour garantir un hémisphère occidental libre, sûr et prospère »[5]. Cette déclaration est un appel ouvert aux forces militaires pour qu'elles lancent des coups d'État contre ce que les États-Unis appellent des « dictatures », c'est-à-dire tout gouvernement progressiste en Amérique latine et dans les Caraïbes.
Le 2 décembre 2023, à l'occasion du bicentenaire de la Doctrine Monroe, Laura Richardson avait appelé à une mise à jour de la Doctrine Monroe afin de sécuriser les ressources de l'Amérique latine.
Elle a également évoqué l'importance de « fournir une assistance » à la région de l'Amérique du Sud et des Caraïbes compte tenu de ses « ressources naturelles infinies et stratégiques ». Elle a rappelé que l'Amérique latine et les Caraïbes possèdent « du pétrole, 50 % du soja mondial, 30 % du sucre, de la viande et du maïs proviennent de cette région ».
Elle a également souligné la nécessité de rivaliser avec les contrats que la Chine a conclus avec les pays d'Amérique du Sud. « Il est temps d'agir », a-t-elle déclaré. Elle a également rappelé l'objectif des États-Unis de retrouver le leadership hémisphérique face à leur « concurrent stratégique asiatique ».
La cheffe du commandement sud a exprimé son intérêt pour les ressources naturelles de la région, notamment « le triangle du lithium : Argentine, Bolivie et Chili », ainsi que « le pétrole, le cuivre et l'or du Venezuela », « le poumon du monde : l'Amazonie » et « 31 % de l'eau douce de la planète ».
Lors de la Conférence sud-américaine de défense, Southdec 2022, qui s'est tenue à Quito en présence des chefs de la Défense de 11 pays de la région, elle a mis en garde contre la prétendue menace que la Chine génère dans la région en termes d'environnement, de cybersécurité et de déstabilisation politique. Elle a également dénoncé le fait que le pays asiatique continue de soutenir des régimes « autoritaires » au Venezuela, à Cuba et au Nicaragua.
Elle a insisté sur la lutte contre la criminalité transnationale et le trafic de drogue par un travail coordonné entre les pays de la région, comme s'il s'agissait d'une « équipe de football », où chacun joue à un poste spécifique[6]. Ce qu'elle n'a pas dit, c'est que les États-Unis sont le directeur technique et le propriétaire de cette « équipe ».
La poursuite de la domination et de l'ingérence des États-Unis en Amérique latine et dans les Caraïbes sont claires. Cette situation commence au Mexique, comme le montre clairement le rôle du PRI quand il était au pouvoir et a été utilisé comme fer de lance de la soumission du Mexique aux intérêts hégémoniques de Washington.
Les Mexicains des deux côtés de la frontière sont conscients du besoin de contrecarrer les plans de l'empire yankee sur nos terres, sous prétexte de « contribuer à la lutte contre le crime et la terreur organisés ». Les Mexicains n'hésitent pas à défendre leur souveraineté contre les plans de l'agressif voisin du Nord.
Notes
6. CNN en español, septembre 2022
(Traduit de l'espagnol par LML)
Cet article est paru dans
Vendredi 15 novembre 2024
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