Discussion à propos d'une guerre civile, d'ennemis intérieurs et de la montée de la résistance
La manifestation Marche « Non au génocide » de New York, 2
novembre 2024
Kamala Harris et Donald Trump parlent tous deux des ennemis à l'intérieur du pays et de guerre civile. Compte tenu des intenses rivalités entre les factions dirigeantes en lice pour la présidence, ces propos reflètent l'inquiétude quant à l'échec probable d'une transition pacifique du pouvoir et le potentiel d'une guerre civile ouverte et violente à la suite de l'élection.
Bien que beaucoup parmi la classe dirigeante souhaitent désespérément éviter la guerre civile, et soutiennent Kamala Harris dans l'espoir qu'elle puisse préserver l'Union, ils ne peuvent prédire l'issue de l'élection. Les deux candidats jettent les bases pour attaquer à la fois les mouvements populaires et les responsables gouvernementaux afin de justifier les actions contre eux après l'élection.
Donald Trump a parlé à plusieurs reprises de « l'ennemi intérieur ». Il nomme à la fois les manifestants de la « gauche radicale », comme ceux qui ont manifesté contre les morts aux mains de la police, qui se comptent par millions, et les personnes associées à Kamala Harris.
Le 27 octobre, au Madison Square Garden de New York, faisant clairement référence à Joe Biden et Kamala Harris, Donald Trump a déclaré que « l'ennemi intérieur » nuit au pays avec « des politiques d'ouverture des frontières (et) une inflation record ». C'est à ce même rassemblement que des déclarations extrêmement racistes ont été faites sur Porto Rico, qu'on a qualifié de poubelle. Joe Biden a répondu que ce sont les partisans de Donald Trump qui sont des ordures, une déclaration qu'il a ensuite essayé de tempérer. Mais les deux candidats parlent des travailleurs non pas comme des êtres humains avec des droits mais comme étant jetables, pour reprendre les termes introduits par les deux campagnes, comme des déchets.
Les attaques contre Porto Rico servent également à cacher le fait que les Portoricains, qui sont citoyens américains, s'ils vivent à Porto Rico, ne sont pas autorisés à voter pour le président. Porto Rico n'a pas de représentation au Congrès et, contrairement au District de Columbia (Washington, DC), n'a pas non plus de voix au collège électoral.
Le 13 octobre, Donald Trump a déclaré à Maria Bartiromo, de Fox News, que le représentant américain Adam Schiff, de Californie, était « l'ennemi intérieur ». Adam Schiff a été le procureur principal de la première destitution contre Donald Trump lorsqu'il était président. Dans la même entrevue, interrogé sur la possibilité d'un chaos le jour des élections, Donald Trump a parlé de « très mauvaises personnes », de « fous de la gauche radicale » qui devraient être pris en charge si « nécessaire » par la Garde nationale ou même l'armée.
Le 6 octobre, lors de son rassemblement à Juneau, dans le Wisconsin, Donald Trump a déclaré : « Et d'ailleurs, l'ennemi intérieur, les fous que nous avons, les fascistes, les marxistes, les communistes, les gens qui dirigent le pays, car ce n'est pas elle, ce n'est pas Biden non plus, qui dirige le pays, et vous le savez tous. » Et il a ajouté : « Ces personnes sont plus dangereuses, l'ennemi intérieur, que la Russie, la Chine et d'autres. »
En mettant l'accent sur « l'ennemi intérieur », désignant ainsi à la fois les personnes qui s'organisent pour les droits et les représentants du gouvernement, et en répétant souvent que les élections de 2020 ont été volées, Donald Trump laisse également entendre que ceux qui sont associés à Kamala Harris sont également des ennemis. De cette manière, il jette les bases des représailles et de la violence contre eux. C'est particulièrement vrai pour les manifestants, qui doivent être réprimés non seulement par la police et la Garde nationale, mais aussi par l'armée active, comme il l'a dit.
En assimilant fascistes et communistes, il utilise la vieille méthode de la guerre froide pour dire que les deux sont identiques. C'est pour cacher la réalité que la classe ouvrière et le peuple américain se sont unis aux peuples du monde, y compris les communistes et les forces de résistance antifascistes contre les nazis allemands, les fascistes italiens et les militaristes japonais, et les ont vaincus avec beaucoup de sacrifices. Ils étaient unis à l'Union soviétique et ont applaudi ses victoires exceptionnelles dans les batailles de Stalingrad, de Moscou, de Koursk alors que l'Armée rouge soviétique combattait pratiquement seule.
C'est un moyen de discréditer la résistance organisée d'aujourd'hui tout en justifiant une répression accrue, notamment contre tous ceux qui s'opposent au génocide sur le territoire national des États-Unis et à l'étranger. Il ne fait aucun doute que, durant la période à venir, les dirigeants accuseront plus directement les gens d'antisémitisme, accusation qui a complètement échoué mais qui est utilisée de toute façon, et d'être des terroristes ou des agents d'États terroristes ou de puissances étrangères. Ces accusations sont utilisées contre tous ceux qui refusent d'accepter les crimes américains. Des efforts sont déjà faits pour emprisonner les communistes, les militants anti-guerre, anti-racistes et pro-Palestine ainsi que les opposants aux attaques et aux lois anti-migrants, anti-femmes et anti-LGBTQ2S+ et toutes les forces progressistes.
New York, 2 Novembre 2024
Il faut rappeler que l'expression « l'ennemi intérieur » a été utilisée précédemment par Joseph McCarthy et la Commission des activités anti-américaines de la Chambre des représentants pour qualifier de menaces et d'ennemis à punir les communistes, ceux qui leur étaient associés dans la lutte, ainsi que de nombreux syndicalistes progressistes, écrivains, acteurs, musiciens, personnalités de la télévision, producteurs de films, universitaires et organisateurs antifascistes. Nombre d'entre eux ont été licenciés, emprisonnés, mis sur liste des indésirables, ont perdu leur citoyenneté et ont vu leur vie détruite d'innombrables façons.
Avec toute cette promotion de « l'ennemi intérieur », Donald Trump jette les bases d'une action de la présidence, qu'il soit élu ou non. Il défend également l'idée que le problème principal du pays n'est pas le dysfonctionnement des institutions et la violence des dirigeants, mais les personnes qui s'obstinent à lutter pour leurs droits. Quant à analyser la cause du dysfonctionnement dans l'ensemble des rapports entre les humains et les humains et la nature et ce qu'ils révèlent, c'est totalement hors de question.
En ce qui concerne Kamala Harris, il faut souligner que lorsqu'elle parle de défendre la Constitution contre des « ennemis étrangers et nationaux », c'est ce que le serment militaire exige. Sa campagne consiste essentiellement à dépeindre Donald Trump et ses partisans comme des ennemis et elle s'organise également pour s'opposer à « l'ennemi intérieur ». C'est la position de l'État américain lui-même, pas seulement de tel ou tel candidat aux élections. Cela se fait au nom de la « sécurité nationale » et de la défense des États-Unis contre les ennemis intérieurs et extérieurs.
Par exemple, en réponse à Donald Trump au sujet de « l'ennemi intérieur » et de l'utilisation de l'armée contre les manifestants, le président de National Security Leaders for America (NSL4A), le contre-amiral à la retraite Mike Smith, a dit que « la déclaration de M. Trump est anti-américaine et anathème pour le système qui a servi notre nation pendant deux siècles et demi ».
« Toute suggestion que la force militaire devrait être utilisée contre des rivaux politiques sape les processus démocratiques qui protègent la vie, la liberté et la poursuite du bonheur », a ajouté le contre-amiral. Se référant à la Constitution, il a ajouté que Donald Trump « ne respecte pas les principes démocratiques sur lesquels cette nation a été fondée ». Il a conclu en disant : « L'armée est une institution non partisane qui se consacre à la défense de la Constitution et à la protection de la nation contre les menaces extérieures. Utiliser l'armée pour des vendettas personnelles ou politiques éroderait l'indépendance de cette institution vitale et créerait un dangereux précédent, faisant écho aux tactiques des régimes autoritaires. »
Depuis 2021, la NSL4A s'efforce d'unir la bureaucratie militaire et civile en se présentant et en présentant l'armée comme un organisme « bipartisan » et préoccupé par la « sécurité nationale ». Elle vient de soutenir Kamala Harris, qui répète, comme le fait la NSL4A, que Donald Trump est « inapte à être commandant en chef » et qu'elle représentera les intérêts bipartisans.
Parlant des préoccupations des dirigeants en tant que classe en ce moment, le NSL4A a déclaré que Kamala Harris a « préservé un front uni pour soutenir la lutte de l'Ukraine contre l'agression russe. Elle comprend la réalité de la dissuasion militaire américaine, promettant de préserver le statut de l'armée américaine en tant que force la plus 'létale' au monde ».
L'utilisation de termes tels qu'autoritaire, anti-américain et tyran, comme Kamala Harris appelle Donald Trump, sont autant de moyens de dire qu'il est un ennemi de la Constitution qui doit être traité comme tel, y compris par l'armée.
Dans des conditions où les institutions existantes et leurs moyens de résoudre les conflits à l'exception de la guerre civile ont échoué, il est important d'examiner où s'alignent les bureaucraties militaire et civile. Des forces comme la NSL4A font partie de l'effort actuel pour unir les militaires derrière Kamala Harris dans l'espoir de préserver l'Union tout en se préparant à traiter avec toute personne qu'ils considèrent comme ne défendant pas la constitution, en particulier au sein du peuple. De cette manière, tant Donald Trump que Kamala Harris fournissent un moyen de justifier la violence, la répression et les attaques racistes dans la période qui suivra les élections.
Il est également vrai que les agences de renseignement interviennent à nouveau dans les élections, cette fois en soutenant Kamala Harris. Elles agitent le spectre d'un danger possible résultant d'une ingérence étrangère. Même si la dernière fois qu'elles ont agi de la sorte, lors de l'élection de Hillary Clinton contre Donald Trump, aucune preuve d'ingérence russe n'a jamais été trouvée, cette accusation est utilisée pour créer la peur au sujet d'« adversaires » déterminés à saper les États-Unis, afin de justifier les actions contre eux, qu'il s'agisse de la Russie, de la Chine, de l'Iran ou de tout autre pays.
Selon cette image, ce sont ces puissances étrangères qui sont responsables des « manifestations », et non les Étasuniens qui contestent les conditions et les politiques des États-Unis eux-mêmes, y compris le génocide américano-sioniste et l'ensemble du processus électoral qui va à l'encontre des intérêts du peuple. Ce sont les peuples qui luttent pour leurs droits et les droits de tous qui sont toujours présentés comme ceux qui incitent à la violence, et non les agences d'État et les forces de renseignement de la classe dirigeante américaine, opérant sur le territoire national et à l'étranger.
En lien avec les affirmations selon lesquelles des acteurs étrangers, en particulier la Russie, sont capables de « provoquer des manifestations », il y a l'effort de discréditer les manifestations elles-mêmes. Par exemple, il est de plus en plus courant d'entendre dire que les actions de soutien à la Palestine sont organisées par le Hamas, que les États-Unis ont déclaré être une organisation terroriste. De même, ceux qui s'opposent à la guerre par procuration des États-Unis en Ukraine, conçue pour écraser la Russie, sont appelés agents russes[1].
Manifestation dans la région de la baie de San Francisco, 2 novembre 2024
Cette insistance sur l'ingérence étrangère vise également à détourner l'attention du fait que les institutions existantes ne permettent pas d'organiser des élections « libres et équitables ». Les candidats ne sont pas choisis par le peuple et ne le représentent pas, comme le montrent les positions pro-guerre, pro-génocide, anti-sociales des deux principaux candidats à la présidence.
Personne ne croit que les élections américaines, notoirement truffées de corruption et l'objet de sommes d'argent colossales provenant d'intérêts privés, sont démocratiques. Elles sont conçues pour écarter le peuple, la majorité, du pouvoir et pour maintenir les riches au pouvoir. C'est là la source de la colère et du mécontentement de la population. Pour détourner l'attention du fait que les forces de l'establishment ne fournissent pas d'informations et d'analyses sur ces problèmes ou ne permettent pas de discuter des solutions proposées par les peuples, ce spectre d'ingérence étrangère visant à saper les institutions démocratiques américaines est largement encouragé.
Les peuples sont parfaitement conscients que ces allégations d'ingérence étrangère sont dirigées contre eux et ne reculent pas. Ils n'acceptent pas les violations de leur conscience fondées sur le diktat selon lequel leur rôle est d'accepter les actions pro-guerre, racistes et anti-populaires de quiconque est élu.
L'unité est construite par le peuple dans l'action pour apporter des changements qui favorisent ses intérêts. Les actions de soutien à la Palestine persistent, tout comme les demandes d'embargo sur les armes à destination d'Israël pour mettre fin au génocide. Des webinaires, des tribunaux, des teach-ins et bien d'autres choses encore sont déjà prévus.
Note
1. Voir également LML Actualités, 4 novembre 2024
Cet article est paru dans
Mardi 5 novembre 2024
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