Élection présidentielle aux États-Unis le 5 novembre
Les agences de renseignement américaines interviennent dans les élections en faveur de Harris
Les agences de renseignement américaines interviennent à nouveau dans les élections présidentielles. Le 22 octobre, l'Office of the Director of National Intelligence (ODNI) a publié son rapport sur la sécurité des élections, qui traite de ce que l'ODNI appelle « l'influence étrangère malveillante » et « les acteurs étrangers de l'influence ». Le rapport cible la Russie, mais aussi la Chine, l'Iran et Cuba.
Selon un responsable de l'ODNI, « les acteurs étrangers, en particulier la Russie, l'Iran et la Chine, ont toujours l'intention d'attiser les dissensions pour diviser les Américains et saper leur confiance dans le système démocratique des États-Unis ». Les responsables ont également déclaré que les acteurs étrangers pourraient envisager des menaces physiques et des actes de violence et qu'ils sont très susceptibles de mener des opérations de désinformation pour créer de l'incertitude et saper le processus électoral. Un mémorandum du Conseil national du renseignement (NIC), qui dépend de l'ODNI, a averti que les agents étrangers amplifieront presque certainement les fausses allégations d'irrégularités électorales après le scrutin.
Il convient de noter que les déclarations sont nuancées : « pourrait
», « presque certainement », « très probablement ». Aucune preuve n'est
citée montrant que l'un de ces « acteurs » a agi de la sorte ou qu'il
est confirmé qu'il travaille pour les gouvernements en question.
Le système électoral américain n'a pas besoin d'aide extérieure pour se discréditer — il fait très bien le travail lui-même. Néanmoins, les déclarations concernant la « sape » et l'« incertitude » du processus électoral sont souvent suivies par des affirmations selon lesquelles, malgré toute cette influence, le processus de comptage des voix est sûr. Un expert du Conseil atlantique des États-Unis et de l'OTAN, Graham Brookie, s'est exprimé en ces termes : « L'infrastructure électorale est sûre et fiable. »
Il a confirmé que rien n'indiquait que la Russie, la Chine ou l'Iran envisageaient de la cibler. « Les opérations d'influence sont davantage destinées à influencer l'opinion publique, tandis que les opérations d'ingérence visent davantage à inciter les gens à agir », a-t-il ajouté, ce qui est plus significatif en ce qui concerne l'objectif de faire planer le spectre de l'ingérence étrangère. « Le spectre de l'influence étrangère est parfois beaucoup plus important que l'impact de l'influence étrangère », a-t-il déclaré[1].
De nombreux reportages et titres de journaux depuis lors soulignent cette affirmation concernant les « adversaires étrangers déterminés à saper la confiance dans les élections ». En écho à l'ODNI, la Russie est une cible principale et est utilisée pour promouvoir la peur à l'égard de Trump et favoriser Harris. Comme l'a souligné le responsable de l'ODNI, « la Russie préférerait que l'ancien président gagne et elle chercherait à saper plus agressivement la présidence de la présidente élue (Harris) ». « Certains acteurs étrangers ont également la capacité d'attiser les protestations et de mener des actions violentes au cours de cette période (postélectorale) », a ajouté le fonctionnaire.
Les responsables n'ont donné qu'un seul exemple de vidéo qui, selon eux, aurait été produite par des « acteurs d'influence russes », contre la campagne de Kamala Harris.
Plusieurs questions se posent. D'abord, les responsables du renseignement admettent qu'ils ne peuvent pas vérifier l'origine des différents contenus, tels que les vidéos ou les messages sur les médias sociaux. Ils se contentent de dire que cela « ressemble » à quelque chose que les Russes feraient, ou que cela « pourrait provenir » de la Russie. Pour l'exemple cité dans le rapport, le responsable de l'ODNI a déclaré qu'un examen effectué par les agences avait révélé « plusieurs indicateurs de manipulation » compatibles avec les actions des acteurs russes. Il y a des « indicateurs » qui sont « cohérents » avec ce que les Russes font habituellement, selon les États-Unis, mais il n'y a pas de preuve spécifique pour le vérifier. Étant donné toutes les façons qui existent de masquer et de faire en sorte qu'un message donné semble provenir d'un certain endroit alors que ce n'est pas le cas, il n'y a aucun moyen de procéder à une vérification complète, ce qui est bien connu de l'ODNI.
L'un des objectifs de toute cette promotion de l'ingérence étrangère, ce spectre, ce fantôme d'un danger possible, est d'instiller la peur au sujet des « adversaires » déterminés à saper les États-Unis pour justifier des actions contre eux, qu'il s'agisse de la Russie, de la Chine ou de l'Iran. Ce serait ces puissances étrangères qui sont responsables des « protestations », et non les Étasuniens en colère contre les conditions, le génocide américano-sioniste et l'ensemble du processus électoral qui bafoue leurs intérêts. Ces adversaires sont présentés comme les responsables de la violence, et non la classe dirigeante et ses agences de renseignement, opérant sur le territoire national et à l'étranger. Ce ne serait pas les conditions brutales d'anarchie, de violence et de guerre civile découlant des relations existantes, caractérisées par une lutte intense entre factions pour le pouvoir de la présidence, mais des acteurs étrangers.
Les affirmations selon lesquelles des acteurs étrangers, en particulier la Russie, sont en mesure d'« attiser les protestations » sont liées aux efforts visant à discréditer les protestations elles-mêmes. C'est ce qui a été fait pour les actions de soutien à la Palestine, c'est-à-dire qu'on a prétendu qu'elles étaient organisées par le Hamas, et pour celles appelées contre la guerre par procuration des États-Unis en Ukraine, destinée à écraser la Russie, qu'on dit qu'elles sont organisées par la Russie, pas par des citoyens et des résidents américains.
Les États-Unis et leurs agences de renseignement prétendent depuis longtemps que les communistes, les organisateurs anti-guerre, les syndicalistes militants, et maintenant les musulmans, sont tous des agents d'une puissance étrangère. Comme dans le cas des rapports de l'ODNI, cela sert à discréditer ces organisateurs et ces manifestations locales, tout en servant de base à la répression policière. Cette répression est déjà évidente dans le cas des Trois de Uhuru, des activistes accusés d'être des agents de la Russie.
San Diego, Californie, juillet 2024
Deuxièmement, l'accent mis sur le fait que la Russie favorise Trump est conçu pour promouvoir Harris comme n'étant pas influencée par ces « acteurs étrangers ». C'est Trump qui serait lié à la Russie, qui fera ce qu'ils disent, qui présidera en faveur de la Russie, etc. La même chose a été faite par ces agences en 2016, en faveur d'Hillary Clinton contre Trump. Clinton a dit pendant les débats que la « communauté du renseignement » pensait que Trump était inapte, ce que Harris répète maintenant. Ensuite, il y a eu tous les rapports et les enquêtes du Congrès sur le piratage russe en faveur de Trump, juste avant l'élection de 2016, et encore après son élection. L'objectif était de discréditer Trump et de le lier à la Russie, ce qui a servi à soutenir Clinton, tout comme les rapports d'aujourd'hui servent Harris. Il n'existe cependant aucun rapport indiquant que c'est l'ODNI qui s'ingère dans les élections.
En y regardant de plus près, on peut supposer que les agences de renseignement ainsi que les forces militaires favorisent Kamala Harris, en partie parce qu'elles pensent qu'elle peut assurer une situation plus stable et prévisible dans le pays et éventuellement prévenir une guerre civile. Des institutions fonctionnelles et des informations fiables, pour lesquelles des normes sont nécessaires, sont indispensables pour faire des prévisions. Le dysfonctionnement des institutions existantes et la désinformation sanctionnée par l'État pour miner l'opinion publique posent un réel problème aux dirigeants américains. Si l'on ajoute à cela la pléthore d'agences de renseignement au service d'intérêts privés étroits, même les instituts de sondage ont été incapables de prédire les résultats des élections des années précédentes. Cela est vrai non seulement pour les élections, mais aussi lorsqu'il s'agit de définir la politique étrangère des États-Unis, l'un des principaux domaines d'action des agences de renseignement. Leur bilan, comme celui de Biden et de son administration, est celui d'un échec à prédire : elles n'ont pas réussi à prédire les résultats de l'élection Clinton/Trump.
En faisant la promotion de l'ingérence étrangère, les agences de renseignement espèrent avoir une meilleure idée de la façon dont le public ainsi que la Russie, l'Iran et la Chine réagiront aux actions des États-Unis.
Troisièmement, toute cette insistance sur l'ingérence étrangère détourne l'attention du fait que les institutions existantes n'assurent pas des élections « libres et équitables ». Les candidats ne sont pas choisis par le peuple et ne le représentent pas, comme l'indiquent les positions pro-guerre et pro-génocide des deux partis. Les élections américaines sont notoirement entachées de corruption et de l'influence d'énormes quantités d'argent provenant d'intérêts privés et ne sont pas démocratiques. Elles sont conçues pour maintenir le peuple, la majorité, hors du pouvoir et les riches au pouvoir. C'est la source de la colère et du mécontentement de la population. Au lieu de fournir des informations et des analyses sur ces problèmes et de discuter des solutions proposées par les électeurs, on fait planer le spectre de l'influence étrangère.
Les Étatsuniens n'en veulent pas et renforcent au contraire leur unité et leurs positions contre le génocide américano-sioniste. Lors d'une réunion de Jewish Voice for Peace à New York intitulée Beyond Elections (Au-delà des élections), 1 200 participants ont discuté et planifié d'autres actions, y compris la mise en place d'un embargo sur les armes et bien d'autres choses encore. Des manifestations à l'appel « Pas de votes pour le génocide » ont eu lieu le 2 novembre et des séminaires et des zooms avec un contenu similaire et des discussions sur l'avancement des mouvements des peuples pour les droits auront lieu immédiatement après l'élection. La position est que ce sont les peuples qui peuvent apporter le changement qu'ils souhaitent, et ils se mobilisent pour le faire.
Note
1. « Intelligence officials warn foreign adversaries determined to undermine election trust », PBS News Hour, 23 octobre 2024
Cet article est paru dans
4 novembre 2024
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