Journée du chandail orange

Les marcheurs exigent justice et responsabilité de l'État canadien

La 11e Journée du chandail orange et la 4e Journée nationale pour la vérité et la réconciliation ont été soulignées dans tout le Canada le 30 septembre 2024. Des cérémonies, des marches, des rassemblements et d'autres événements ont eu lieu dans des communautés, petites et grandes, d'un océan à l'autre, pour souligner cette journée. Partout au Canada, les peuples autochtones, les Canadiens et les Québécois se sont unis pour rendre hommage aux survivants de la brutalité et de l'indignité des pensionnats. Les actions ont partout exprimé l'unité des peuples autochtones, des Canadiens et des Québécois qui demandent que justice soit rendue aux survivants et à leurs familles et que cesse le génocide organisé par l'État à l'encontre des peuples autochtones, génocide qui se poursuit encore aujourd'hui malgré le discours de « réconciliation ».

Plus de 150 000 enfants des Premières Nations, métis et inuits ont été arrachés à leurs communautés entre 1867 et 1996 par des agents de l'État colonial et contraints de fréquenter des pensionnats gérés par des églises chrétiennes, où ils ont été dépouillés de leur langue, de leur identité et de leur dignité. L'objectif de l'État était de les détruire en les privant de leur mode de vie collectif en harmonie avec la nature. La suppression de leurs langues, de leur culture et de leur spiritualité dans le but d'éliminer leur mémoire et leur matériel de pensée a été cruciale pour l'État qui voulait s'approprier les territoires des peuples autochtones et leur imposer la domination anglo-canadienne. La citoyenneté et l'appartenance au corps politique du Canada leur étaient accordées s'ils renonçaient individuellement à leur identité.

Plus de 6 000 enfants ont péri dans les pensionnats, victimes de malnutrition, de maladies, de tortures et de suicides. L'échec de l'assimilation forcée et du génocide est le reflet de la résilience et de la résistance des peuples autochtones et des enfants eux-mêmes, dont beaucoup ont tenté de s'échapper et de rentrer chez eux.

Un millier de personnes ont défilé dans les rues de Montréal après les discours et la cérémonie organisée par une aînée du territoire mohawk de Kahnawake au pied du mont Royal. Nakuset, directrice exécutive du Foyer pour femmes autochtones de Montréal. a appelé les jeunes à se mobiliser et à lutter pour la mise en oeuvre des recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation, car le gouvernement ne le fera pas, seuls 11 des 94 appels à l'action ayant été mis en oeuvre en près de 10 ans.

Sur la colline du Parlement, à Ottawa, une foule a écouté des discours, des chants et des tambours. Stephanie Scott, directrice générale du Centre national pour la vérité et la réconciliation, s'est adressée à la foule : « Le système des pensionnats avait pour but de nous détruire, et il n'y est pas parvenu. [...] Nos enfants ont souffert dans ces institutions et, aujourd'hui encore, leur esprit nous appelle tous à nous souvenir d'eux et à les honorer. »

Des cérémonies ont eu lieu dans les provinces maritimes, notamment à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), à Fredericton (Nouveau-Brunswick) et dans d'autres communautés, ainsi que dans des villes du Québec et de l'Ontario.

Au Manitoba, des milliers de personnes ont participé à une marche de la guérison lors de la Journée du chandail orange à Winnipeg pour rendre hommage aux personnes décédées et à celles qui ont survécu aux pensionnats. Joseph Maud, membre de la Première Nation Skownan, a raconté qu'il a fréquenté le pensionnat de Pine Creek jusqu'à la troisième année, lorsque l'école a fermé ses portes en 1969. Quand il avait neuf ans, lui et son frère de onze ans ont été emmenés par une travailleuse sociale et placés dans un foyer d'accueil dans le sud du Manitoba, victimes de la « rafle des années soixante ». Après quatre ans et demi de traitements brutaux, Joseph raconte qu'en 1973, son frère et lui se sont échappés et ont entrepris un périlleux voyage de 150 kilomètres à travers des marécages, des rivières et des fondrières pour rejoindre la maison de sa grand-mère.

Des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses communautés de la Colombie-Britannique, petites et grandes. Le 27 septembre, plusieurs centaines de personnes se sont réunies au parc Holland de Surrey pour rendre hommage aux survivants des pensionnats et à leurs familles, et pour se souvenir de ceux qui ne sont pas revenus. De la bannique et des rafraîchissements ont été servis et des danseurs et des joueurs de tambour autochtones se sont produits. À Port Alberni, sur l'île de Vancouver, des centaines de personnes ont défilé dans les rues jusqu'au territoire de la Première Nation Tseshaht, où le pensionnat indien d'Alberni était situé jusqu'en 1973.

L'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique a publié une déclaration dans laquelle on peut lire notamment :

« En ce jour, nous exhortons tout le monde à voir l'histoire douloureuse des pensionnats indiens avec compassion et ouverture d'esprit. Il est impératif de connaître les origines racistes et génocidaires du Canada et de comprendre la signification profonde de cette journée pour les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Les survivants, les survivants intergénérationnels et leurs familles continuent de porter le poids des traumatismes infligés par les pensionnats, du système de protection de l'enfance et d'autres institutions oppressives, y compris le négationnisme récent et rampant des pensionnats exprimé par plusieurs dirigeants municipaux, institutions et autres organisations. »

Après l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral en 2015, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré en décembre de la même année : « Aucune relation n'est plus importante pour moi – et pour le Canada – que celle que nous entretenons avec les Premières Nations, la Nation métisse et les Inuits », et s'est engagé à agir rapidement pour mettre en oeuvre les 94 appels à l'action du rapport final de la Commission de vérité et de réconciliation après ses sept années d'enquête.

Malgré ses promesses, peu d'efforts ont été faits pour appliquer les recommandations. Il a fallu plus de cinq ans au gouvernement pour instaurer la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, 80e des appels à l'action de la Commission vérité et réconciliation. Pour détourner l'attention de la violence coloniale actuelle contre les peuples autochtones et justifier l'inaction du gouvernement, le premier ministre Trudeau a déclaré le 30 septembre : « Le véritable chemin vers la réconciliation prendra des décennies. »

C'est inacceptable. La réalité est que la Constitution du Canada place l'État canadien au-dessus des droits ancestraux des peuples autochtones et qu'elle court-circuite leur pouvoir de décision à chaque instant. Les peuples autochtones, les Canadiens et les Québécois veulent que l'on mette fin dès maintenant aux abus de l'État canadien. C'est leur unité d'action et leurs justes revendications, qui appellent le Canada à faire respecter les droits ancestraux des peuples autochtones, qui sont la clé du renouvellement des accords politiques au Canada, y compris la rédaction d'une constitution démocratique moderne qui respecte les droits ancestraux et les droits issus de traités des peuples autochtones.

Iqaluit


Montréal




Ottawa


Huntsville


Windsor


Kenora


Winnipeg


Saskatoon


Calgary



Vancouver


Victoria

Port Alberni

(Avec ces informations de la Commission vérité et réconciliation, Yellowhead Institute et Radio-Canada. Photos : LML, C. Blackstock, Grand Council Treaty 3, joyscm, I. Idlout, Tseshaht, Southern Chiefs)



Cet article est paru dans
Logo
3 octobre 2024

Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/LA2024/Articles/LA54241.HTM


    

www.pccml.ca • redaction@pccml.ca