Le débat d'urgence montre que le parlement fait partie du problème et non de la solution
Un débat d'urgence a eu lieu à la Chambre des communes le 16 septembre, le premier jour de la session d'automne du parlement, sur la mort aux mains de la police de six personnes autochtones en moins de deux semaines.
Lori Idlout, la députée néodémocrate du Nunavut, a demandé le débat d'urgence. Selon les nouvelles nationales du réseau APTN, dans sa lettre au président de la Chambre demandant le débat d'urgence, elle a dit : « L'absence de couverture médiatique sur ces tragédies montre que la violence contre les peuples autochtones et les morts systémiques d'autochtones au Canada sont normales et qu'il faut s'y attendre ». Elle écrit : « Après des années de discours sur le besoin de réformes au sein de la police dans le sillage du mouvement Black Lives Matter, sur l'engagement du gouvernement envers les services policiers communautaires dans les régions nordiques, rurales et éloignées, et sur l'engagement à adopter une loi sur les services de police autochtones, le gouvernement doit répondre aux peuples autochtones et expliquer pourquoi ils continuent d'être les victimes de violence aux mains du gouvernement, écrit-elle. Il faut en toute urgence que le parlement discute de cette tendance troublante, pour que les parlementaires puissent discuter des mesures immédiates à prendre pour sauver des vies autochtones, aujourd'hui même. »
Le débat d'urgence a pris fin à minuit et il est clair pour tous ceux et celles qui l'ont suivi que le Parlement n'a ni la volonté ni la capacité de régler le problème de l'impunité policière dans la mort de personnes autochtones. Aucune des « idées intéressantes » soulevées au cours du débat n'aborde le problème de comment mettre fin à la violence policière contre les peuples autochtones, violence qui est partie intégrante de l'État canadien depuis sa création. Lori Idlout dit croire que violence cessera si le gouvernement met en oeuvre les recommandations du rapport de la Commission de vérité et réconciliation, mais il est évident qu'il faut aller plus loin. Sans compter qu'il y a très peu de chance que les recommandations de la Commission ou celles de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues soient mises en oeuvre, puisque l'État canadien ne reconnaît pas les droits ni la souveraineté des peuples autochtones. Si c'était le cas, les recommandations auraient été mises en oeuvre il y a longtemps déjà.
Au « débat d'urgence », une diversion n'attendait pas l'autre. Le ministre de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, le député libéral de Toronto Gary Anandasangaree, a réfléchi à voix haute : « Nous nous débattons avec la notion de racisme systémique dans les services de police depuis de nombreuses années et dans différentes provinces et territoires. Dans ce cas particulier, il s'agissait de différentes régions et de différents services de police. Dans les cas qui nous occupent, qu'en est-il des notions de responsabilité et de vérité ? Je sais qu'il ne peut y avoir de réponse unique, car elles sont toutes différentes, mais j'aimerais que la députée me donne une idée de ce que serait, selon elle, la justice. »
Dans sa réponse, Mme Idlout n'a pas abordé le point essentiel que c'est l'État colonial canadien et non le peuple canadien qui est responsable des lois et des politiques racistes coloniales, qui font en sorte que les personnes autochtones deviennent des « proies faciles ». Elle a dit : « Si le racisme systémique existe encore, c'est en partie parce qu'il y a encore trop d'ignorance. Il y a encore trop de négationnisme des pensionnats, par exemple. Nous devons ouvrir les yeux du Canada. »
Encourageant ceux qui blâment le peuple et non l'État, Elizabeth May du Parti vert a dit : La vérité et la réconciliation commencent en comprenant la vérité de 167 années de racisme et de génocide. Nous devons reconnaître que les gens, les Canadiens appartenant à la culture colonisatrice, sont très mal à l'aise devant le mot racisme. Ils disent 'non, non, je ne suis pas raciste'. La fragilité des Blancs est aussi un problème. »
Au cours du débat, il y a eu des propositions à l'effet
d'augmenter le financement des services policiers autochtones,
dont une proposition des conservateurs qui ont dit que s'ils
formaient le prochain gouvernement ils décentraliseraient les
services policiers et les confieraient aux
organisations et aux communautés autochtones. Les députés
libéraux se sont félicités d'avoir fait des progrès dans les
relations entre la Couronne et les autochtones. Dans l'ensemble,
les parlementaires ont vu le débat comme une occasion de
s'envoyer des pointes et de se féliciter de leurs
agissements, exposant ainsi le profond manque de respect de
l'institution pour les peuples autochtones et tous les Canadiens
et Québécois. Au Parlement, même dans le cadre d'un « débat
d'urgence » sur les six vies perdues à cause de la violence
policière, les questions urgentes sont transformées en
arguments pour faire avancer les intérêts partisans des partis
cartellisés. C'était une mascarade.
Vers la fin du débat, le député libéral Kevin Lamoureux, secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, a dit : « Monsieur le président, en écoutant le débat de ce soir, l'une des choses qui me viennent à l'esprit, c'est le fait que nous avons un Comité des affaires autochtones et du Nord. Comme c'est le cas de tous les comités permanents, il a un calendrier des travaux à respecter. Certaines personnes, comme la cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations, Cindy Woodhouse, ont toujours été de fervents défenseurs des services de police autochtones. Par ailleurs, je sais que le député de Sydney-Victoria a déposé une motion demandant la tenue d'une étude sur cette question au sein du comité permanent. Le député d'en face sait qu'il n'est pas courant de tenir un débat d'urgence à la Chambre des communes, surtout sur cette question. Étant donné que nous menons ce débat ce soir, ne serait-il pas d'accord pour que le comité permanent examine la proposition du député de Sydney-Victoria, afin qu'il soit saisi du sujet dont il est question ce soir ? »
Tel a été le « débat » qui a duré jusqu'à minuit sans qu'il en ressorte aucune mesure concrète.
Le parlement, avec tout son décor et son héritage colonialiste britannique, n'est pas plus en mesure de régler les problèmes auxquels sont confrontés les Canadiens que le sont les tribunaux et la police coloniales. En tant qu'institution de démocratie libérale, elle n'est ni représentative ni démocratique et est le vestige anachronique d'une ère révolue. Nous devons bâtir de nouvelles institutions fondées sur une constitution moderne écrite par le peuple et qui protège les droits ancestraux des peuples autochtones et les droits de tous et toutes.
(Avec des informations des débats de la Chambre des communes, APTN)
Cet article est paru dans
30 septembre 2024
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