Les feux de forêt et qui contrôle la prise de décisions au Canada
La « saison des feux de forêt » de 2024
En date du 21 septembre, 5236 feux de forêt ont été signalés au Canada en 2024, avec une superficie brûlée de 5,4 millions d'hectares (54 000 km²) au total. C'est plus d'une fois et demie la superficie de l'île de Vancouver. Alors que la « saison » n'est pas encore terminée, la superficie brûlée à ce jour est presque le double de la moyenne historique de 2,5 millions d'hectares, soit 25 000 kilomètres carrés. Les Territoires du Nord-Ouest avaient la plus grande superficie brûlée avec 1,67 million d'hectares (mha), suivis de la Colombie-Britannique avec 1,06 mha, de la Saskatchewan avec 0,976 mha et de l'Alberta avec 0,708 mha. Cent hectares font un kilomètre carré[1].
Les peuples autochtones, qui représentent cinq pour cent de la population, sont touchés de manière disproportionnée par les feux de forêt, car les communautés des Premières Nations représentent 42 % des personnes évacuées. Des milliers d'autochtones ont dû être évacués cet été en Colombie-Britannique, dans les Territoires du Nord-Ouest et dans les Prairies, dont un grand nombre de communautés éloignées du nord.
Avant cela, la « saison des feux de forêt » de 2023 au Canada a été la plus destructrice jamais enregistrée, avec plus de 6 000 feux au total qui ont brûlé une superficie stupéfiante de 15 millions d'hectares. Ce chiffre est plus de six fois supérieur à la moyenne historique[2]. Selon les scientifiques de la NASA, ces incendies ont libéré environ 640 millions de tonnes de carbone. Ce chiffre est comparable aux émissions annuelles de combustibles fossiles d'un grand pays industrialisé[3].
Les forêts boréales se régénèrent par le feu, mais la science nous apprend que les feux de forêt d'aujourd'hui ne correspondent pas au modèle de régénération qu'elles requièrent. Alors que le cycle traditionnel de combustion et de régénération est d'environ 100 ans, les feux de forêt de 2023 ont brûlé à eux seuls plus de 10 000 kilomètres carrés de forêts qui avaient déjà brûlé au cours des trois dernières décennies. Des forêts de feuillus, qui sont généralement plus résistantes aux feux de forêt, ont également brûlé.
Un rapport de Ressources naturelles Canada indique que « cette perturbation peut entraîner des échecs importants de la régénération des arbres après un incendie, car les arbres immatures ne peuvent pas fournir suffisamment de graines après un incendie ». Le rapport indique également qu'au Québec, plus de 3 000 kilomètres carrés de forêts exploitées commercialement sont maintenant vulnérables aux « échecs de régénération ». Cela représente entre 300 000 et 400 000 hectares (3 000 à 4 000 kilomètres carrés) de forêts[4].
Un autre problème est la combustion longue et lente de la tourbe, où le feu peut s'enfoncer profondément dans la terre et brûler pendant des mois, ou même plus longtemps. Les tourbières entreposent près d'un tiers du carbone total présent dans les sols du monde entier, et le Canada possède 25 % des tourbières du monde. Ces incendies sont très difficiles à éteindre, ce qui met en péril leur énorme contribution au piégeage du carbone et fait craindre un échec de la régénération de ces forêts.
La faute en revient aux monopoles forestiers qui ont recours à de nombreuses pratiques extrêmement néfastes, notamment la coupe à blanc, la destruction des forêts anciennes, le « reboisement » basé sur la monoculture, l'utilisation de pesticides pour se débarrasser des espèces « indésirables » moins rentables telles que le bouleau et le sureau, et l'abattage des arbres les plus anciens dont les scientifiques ont montré qu'ils jouaient un rôle clé dans le succès de la régénération forestière. Il en résulte des forêts en mauvaise santé, un échec de la reforestation et une augmentation de la taille et de la férocité des feux de forêt, ce qui met en danger les communautés et jette littéralement de l'huile sur le feu de la crise climatique.
Les secteurs de l'exploitation forestière, de la pâte à papier et de la fabrication de produits du bois emploient environ 202 000 personnes dans tout le pays, dont la majorité en Colombie-Britannique et au Québec. L'avenir des forêts, des travailleurs et de leurs communautés, ainsi que celui des peuples autochtones et des Métis qui vivent dans les forêts, ne peut être laissé aux caprices des monopoles forestiers, principalement américains. Les gouvernements leur obéissent et leur permettent de poursuivre leurs pratiques irresponsables. Les dommages causés et la grave menace qu'ils représentent ne sont pas discutés.
À propos des menaces qui pèsent sur la régénération, une étude sur la saison des feux de forêt de 2023 au Canada, publiée dans Nature Communications , indique que « ces échecs, aggravés par les héritages de l'exploitation forestière, la sécheresse et les épidémies d'insectes, pourraient réduire la productivité des forêts et les stocks de carbone, et accélérer la transition des forêts boréales vers une taïga ouverte, des prairies ou des prairies-parcs. Les modifications du paysage forestier résultant de la saison des feux de forêt de 2023 auront des effets profonds sur les processus des écosystèmes forestiers et sur la biodiversité, les espèces adaptées aux forêts précoces ou à canopée ouverte en bénéficiant, tandis que celles qui dépendent des forêts matures ou anciennes seront les plus négativement affectées à court terme. Les impacts cumulés de la zone incendiée en 2023, associés aux vastes perturbations anthropiques héritées du paysage, mettront à l'épreuve la résilience des écosystèmes forestiers, en particulier si l'activité des incendies continue d'augmenter, comme prévu »[5].
L'humanisation de l'environnement social et naturel exige l'élimination du contrôle de l'industrie forestière et d'autres secteurs de l'économie par des intérêts privés étroits dont le seul but est de s'enrichir. Ces intérêts privés continuent de faire tout ce qu'ils peuvent en toute impunité. Ils nient l'expérience des pompiers autochtones, des scientifiques et des travailleurs forestiers ainsi que des pompiers. C'est un combat qui concerne tout le monde et que les jeunes en particulier continuent de mener avec les membres des communautés à travers le pays. La classe ouvrière et le peuple doivent immédiatement exercer leur pouvoir de décision et de contrôle.
Notes
1. Système canadien d'information sur les feux de végétation
2. Centre interservices des feux de forêt du Canada 2024
3. Étude publiée le 28 août dans la revue Nature, menée par des scientifiques du Jet Propulsion Laboratory de la NASA en Californie du Sud
4. « Incendies de forêt d'une ampleur record au Canada en 2023 : Un réveil brûlant »
5. « Drivers and Impacts of the Record-Breaking 2023 Wildfire Season in Canada », publié dans la revue Nature Communications
Cet article est paru dans
27 septembre 2024
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