Jours de grève en novembre dans le secteur public du Québec
Les travailleurs sont déterminés à obtenir des conditions de travail et de salaire acceptables
Le jeudi 26 octobre, le Front commun, qui représente 420 000 travailleuses et travailleurs du secteur public au Québec, a annoncé la tenue d'une première journée de grève le 6 novembre. Il y aura plus de 500 débrayages à travers le Québec avec des piquets de grève dans les lieux de travail de la santé, de l'éducation et des services sociaux. « Par son attitude aux tables, par son offre de 9 % sur cinq ans qui n'a pas bougé depuis le début, par ses opérations médiatiques douteuses, bref, par son mépris, il nous oblige à aller en grève », lit-on dans le communiqué du Front commun.
Le Front commun regroupe la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS).
La veille, le 25 octobre, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), qui ne fait pas partie du Front commun et qui représente 80 000 travailleuses et travailleurs de la santé, a annoncé que ses membres ont voté à 95 % en faveur de la grève. La FIQ représente des infirmières, des infirmières auxiliaires, des inhalothérapeutes et des perfusionnistes cliniques.
« C'est un mandat fort pour dire au gouvernement que les propositions qu'on reçoit à la table de négociation sont inacceptables. Déjà que nos conditions de travail sont très difficiles, ce que François Legault veut faire c'est les dégrader encore plus en nous traitant comme des pions interchangeables. Il n'a aucun respect pour notre jugement professionnel ou notre vie personnelle. Que les gestionnaires d'établissement se préparent : la grève s'en vient », affirme Julie Bouchard, présidente de la FIQ.
Cela veut dire qu'en date du 25 octobre, tous les travailleuses et travailleurs de la santé, des programmes sociaux et de l'éducation du Québec se sont prononcés en faveur de l'exercice de leur droit de grève. Le Front commun avait déjà annoncé le 17 octobre que ses membres ont voté en moyenne à 95 % en faveur d'un mandat de grève. Selon les dirigeants du Front commun, un tel appui ne s'est pas vu depuis 50 ans (voir communiqué ci-dessous).
La Fédération autonome des enseignants (FAE), qui compte 60 000 membres et qui ne fait pas partie du Front commun, s'est aussi prononcée pour une grève générale illimitée.
« Les membres nous l'ont clairement signifié : le statu quo n'est pas une option. Les conditions de travail et d'exercice des profs, doit-on le rappeler, sont aussi les conditions d'apprentissage des élèves. Les manchettes rapportent depuis des mois la situation critique du système scolaire québécois. Il est grand temps que le gouvernement Legault prenne les moyens nécessaires pour que la rentrée 2023 soit la dernière à se passer dans des circonstances pareilles », déclare Mélanie Hubert, présidente de la FAE.
Plus tôt en octobre, la FIQ a lancé sa campagne : « Y'a des limites – en marche vers la grève ». En plus de s'opposer aux mesures du gouvernement qui viennent augmenter leur charge de travail et donc nuisent à la qualité des soins apportés aux patients, la FIQ refuse l'ajout d'un critère d'admissibilité à la retraite (soit 57 ans) peu importe le nombre d'années travaillées. « Ainsi, une professionnelle en soins qui aurait commencé sa carrière très jeune se verrait contrainte de travailler deux ans de plus, même si elle a déjà cumulé 35 ans de service », dit la FIQ.
C'est donc près de 600 000 travailleuses et travailleurs du secteur public qui disent Non ! ensemble au refus du gouvernement de prendre leurs revendications comme point pour négocier et à sa volonté d'imposer des mesures qui augmenteront leur charge de travail déjà insoutenable.
Avant l'annonce par le Front commun d'une journée de grève le 6
novembre, la présidente du Conseil du trésor du Québec Sonia
LeBel a annoncé qu'elle présentera une nouvelle offre dimanche
le 29 octobre. Elle a fait cette annonce sur les médias sociaux,
pas en passant par les voies de communication avec les
syndicats. Et elle fait cette annonce exactement dans les dix
jours ouvrables de préavis que les syndicats doivent donner au
gouvernement pour une grève le 6 novembre. En conférence de
presse le 26 octobre, la présidente de la FTQ Magali Picard a
fait remarquer que cela ressemble à une stratégie du
gouvernement pour dire que les syndicats annoncent des moyens de
pression alors qu'ils savent qu'une nouvelle offre va être
déposée.
Les représentants du Front commun ont dit qu'ils ne commenteraient pas avant d'avoir vu l'offre en question, avertissant cependant qu'ils se méfient des manoeuvres de relations publiques. Dans sa troisième « nouvelle offre » du 27 mars dernier, la ministre avait maintenu l'offre complètement inacceptable d'une augmentation de salaire de 3 % sur cinq ans, mais y ajoutant une hausse de 2,5 % pour les secteurs considérés comme des « priorités gouvernementales ».
Par ailleurs, le premier ministre François Legault tente de sonder l'opinion publique en s'adressant directement aux travailleurs. Mercredi, il s'est arrêté pour parler aux travailleurs du secteur public qui manifestaient devant l'Assemblée nationale pour leur expliquer « les priorités du gouvernement ». Il leur a dit qu'il ne sait pas ce que la ministre LeBel proposera dimanche, mais qu'à son avis, il faut donner des augmentations de salaire « plus grosses » au personnel à temps plein, de nuit, de fins de semaine et en régions ». Il a ajouté que des augmentations salariales différenciées « ça s'est rarement vu dans l'histoire du Québec », mais que les capacités financières du gouvernement l'obligent à faire des choix en fonction des besoins ».
Les représentants du Front commun n'ont pas répondu directement à la nouvelle tentative du premier ministre de créer des divisions parmi leurs membres et d'invoquer encore une fois la nébuleuse « capacité de payer » du gouvernement. L'expérience montre que la « capacité de payer » est limitée lorsqu'il s'agit de répondre aux revendications en matière de salaires et de conditions de travail dans le secteur public, mais qu'elle est apparemment illimitée lorsqu'il s'agit de stratagèmes pour payer les riches qui disloquent encore plus l'économie nationale du Québec pour l'intégrer encore plus à l'économie de guerre des États-Unis. Le Front commun écrit néanmoins dans son communiqué : « Dans ce contexte, le Front commun se permet d'être on ne peut plus clair et de lui déclarer ceci : cessez de négocier à coups d'opérations de relations publiques, intéressez-vous à ce qui se passe sur le plancher et revenez-nous avec une offre sérieuse. »
Les tentatives de blâmer les syndicats et les travailleurs pour la lenteur des négociations ne passent pas non plus. La population du Québec qui reçoit ces soins de santé et bénéficient des programmes sociaux, ainsi que de tous les services dispensés dans les écoles, a pleinement conscience que ce sont les travailleuses et les travailleurs qui les dispensent et que ce sont eux qui défendent un système de soins public et un système d'éducation public à la hauteur des besoins de la population. C'est le gouvernement qui doit rendre des comptes s'il ne fournit pas les conditions de travail et de salaires qu'il faut.
Cet article a été publié dans
Numéro 58 - 26 octobre 2023
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