Grève des travailleurs de la Voie maritime du Saint-Laurent

Appuyons les justes revendications des travailleurs de la voie maritime

– Normand Chouinard –


Piquetage des travailleurs de la Voie maritime à l'écluse de Saint-Lambert le 23 octobre 2023

Une grève générale illimitée a été déclenchée à minuit le dimanche 22 octobre par les travailleurs de la Voie maritime du Saint-Laurent, représentés par les sections locales 4319 et 4320 d'Unifor au Québec et les sections locales 4211, 4212 et 4323 en Ontario. Déterminés à obtenir justice pour leur cause, ils ont voté à 99 % en faveur de la grève.

Il s'agit de 361 travailleurs de l'entretien, de la supervision, du service de génie et des différentes opérations de navigation de la voie maritime, qui s'étend du pont Jacques-Cartier, à Montréal, à la ville de Niagara, en Ontario. Pour comprendre l'importance de leur travail, il faut savoir qu'en 2022 c'est par leur travail que plus de 200 millions de tonnes de marchandises d'une valeur d'environ 16,7 milliards de dollars — dont près de la moitié de céréales et de minerai de fer — a transité par la Voie maritime du Saint-Laurent. Les principales marchandises sont les céréales, le minerai de fer, les produits pétroliers, la pierre et le charbon.

Une étude réalisée en 2018 par Martin Associates montre que les marchandises transitant par le réseau ont soutenu plus de 78 000 emplois directs et ont généré 35 milliards de dollars de revenus, tant au Canada qu'aux États-Unis. C'est dire à quel point les travailleurs de ce secteur contribuent à l'économie du Canada. Au lieu de reconnaître cet immense apport et de voir comment répondre à leurs revendications, des intérêts privés étroits s'empressent de créer l'hystérie en blâmant les travailleurs.

Selon Daniel Cloutier, directeur québécois d'Unifor : « Ce sont des emplois qui exigent une formation intensive, un niveau élevé de compréhension des risques pour la santé et la sécurité, et qui comportent d'énormes responsabilités pour le bien-être des marins et de leur cargaison. Ils sont irremplaçables. » De plus, la précarité fait partie de leurs demandes d'augmentations salariales semblables à celles offertes aux travailleurs de l'automobile. Le directeur québécois d'Unifor ajoute : « Nous avons négocié de bonne foi jusqu'au dernier moment, mais nous ne pouvons pas permettre que les droits des travailleuses et travailleurs soient compromis. Nous restons ouverts à la discussion et espérons que l'employeur reconsidérera sa position pour le bien de tous. »

La Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent (CGVMSL), qui gère le port de Montréal, affirme qu'elle est déterminée à trouver une solution, mais que les syndiqués réclament des augmentations salariales « calquées » sur les négociations dans l'industrie automobile, où Unifor a réalisé des gains substantiels, rapporte la Presse canadienne. La CGVMSL affirme que, contrairement à l'industrie automobile, les gains salariaux des travailleurs de la Voie maritime au cours des vingt dernières années « sont bien supérieurs à l'inflation et se retrouvent aujourd'hui avec près de 10 % d'avance sur l'inflation ». L'employeur affirme vouloir parvenir à un accord qui concilie les revendications salariales et les réalités du marché, mais il utilise des informations incomplètes pour susciter des sentiments hostiles aux travailleurs. Lors du dernier cycle de négociations, le même scénario s'est présenté et les travailleurs ont une longue expérience à défendre leurs intérêts.

Un jour à peine après le début de la grève, la Chambre de commerce de Montréal et la Fédération de l'entreprise indépendante (FCEI) ont réclamé une loi de retour au travail le plus rapidement possible. Elles prétendent vouloir éviter un conflit prolongé qui pourrait avoir des répercussions sur l'ensemble de l'économie à l'approche de la période des fêtes. La Chambre de commerce du Canada affirme que la Voie maritime soutient plus de 66 000 emplois canadiens et est à l'origine d'une activité économique de 34 millions de dollars par jour.

D'autre part, Mathieu St-Pierre, PDG de la Société de développement économique du Saint-Laurent, a affirmé à TVA Nouvelles que « c'est une grève qui va coûter une fortune en termes de valeur des marchandises qui transitent et qui circulent, mais qui aura des conséquences mème après la grève parce que le secteur maritime est souvent en amont ou en aval de la chaîne logistique. C'est une grève où chaque heure peut avoir des conséquences sur l'économie canadienne. »

La CGVMSL indique également qu'elle attend une réponse du Conseil canadien des relations industrielles sur sa demande d'une décision en vertu du Code canadien du travail pour que le syndicat fournisse des employés pendant la grève afin que les navires participant au transport des céréales continuent de transiter par le réseau.

La CGVMSL affirme avoir procédé à une fermeture complète et ordonnée du réseau pendant la période de préavis de 72 heures. Aucun navire n'attend de sortir du réseau, mais « il y a plus de 100 navires à l'extérieur du réseau qui sont touchés par la situation. »

Traumatisés par la grève militante de 13 jours menée cet été par les travailleurs portuaires de la Colombie-Britannique, qui a paralysé le trafic maritime sur la côte ouest du pays, l'employeur affirme qu'une deuxième grève dans un port canadien cette année « pourrait entraîner une perturbation majeure de la chaîne d'approvisionnement », selon la Presse canadienne. Là encore, pas un mot sur la justesse de la cause des travailleurs. Il espère qu'en imputant aux travailleurs portuaires la responsabilité des problèmes auxquels la chaîne d'approvisionnement est confrontée, il parvienne à détourner l'attention de son échec à négocier de bonne foi, sans quoi les travailleurs n'auraient pas été contraints de se mettre en grève.

Selon la CGVMSL, « en cette période de crise économique et géopolitique, il est important que la Voie Maritime demeure une voie de transport fiable pour le transport efficace de cargaisons essentielles entre l'Amérique du Nord et le reste du monde ».

Les travailleurs sont habitués de se faire accuser de faire obstruction à la bonne marche de l'économie à chaque fois qu'ils font valoir les réclamations qu'ils sont en droit de faire. Ils sont tout à fait conscients du rôle vital qu'ils jouent dans l'économie et rejettent la menace d'une loi de retour au travail, et leur criminalisation s'ils la défient, comme « outils de négociation ». C'est une structure de pouvoir inacceptable et c'est pourquoi leurs revendications défendent la dignité du travail en défendant le droit humain d'avoir leur mot à dire sur leurs conditions de travail et de salaire.

Cette grève est désormais présentée non seulement comme une menace pour l'économie et la sécurité du Canada, mais aussi comme un facteur d'aggravation de la « crise géopolitique », dont les travailleurs portuaires canadiens ne sont certainement pas responsables. Est-ce à dire que les futures lois spéciales vont considérer la crise géopolitique comme facteur pour criminaliser les travailleurs qui exercent leurs droits de grève ? C'est à prévoir. Les corridors de commerce et les voies de transports de l'économie américaine, à laquelle l'économie canadienne a été intégrée et qu'on appelle maintenant « économie de l'Amérique du Nord », se transforment rapidement pour servir les besoins de la machine de guerre de l'impérialisme américain. Les travailleurs du transport, quels qu'ils soient, réfléchissent attentivement à ces bouleversements. Leurs revendications sont justes et doivent être satisfaites par la négociation, et non par la criminalisation.

Étant donné que la voie maritime relève de la compétence fédérale, le gouvernement de François Legault, qui veut faire du Québec la plaque tournante des échanges commerciaux entre les États-Unis et l'Europe, va probablement mettre beaucoup de pression sur le gouvernement fédéral pour qu'une loi de retour au travail soit votée le plus rapidement possible. Unifor a annoncé le mardi 24 octobre que le gouvernement fédéral appelle à une rencontre de médiation entre le syndicat et l'employeur à Toronto, le vendredi 27 octobre.


Les grévistes de la Voie maritime à St. Catharines, 24 octobre 2023

À titre d'information

La Voie maritime du Saint-Laurent est une route maritime qui relie l'océan Atlantique aux Grands Lacs par un système de 15 écluses entre le lac Érié et Montréal.

La voie maritime est cogérée par la Corporation de gestion de la voie maritime du Saint-Laurent, un organisme à but non lucratif créé par le gouvernement canadien, et par la Great Lakes St. Lawrence Seaway Development Corporation. Si l'on y ajoute les écluses de Sault Ste. Marie en Ontario, gérées séparément par l'U.S. Army Corps of Engineers, il s'agit d'un réseau qui s'étend sur environ 3 700 kilomètres, du lac Supérieur à l'Atlantique.

Le réseau complet des Grands Lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent, également connu sous le nom d'« autoroute H2O », dessert plus de 100 ports et quais commerciaux et aide les provinces canadiennes des Prairies et le Midwest américain à exporter des marchandises. Les principales marchandises transportées sont des céréales, du minerai de fer, des produits pétroliers, de la pierre et du charbon.

(Unifor, Presse canadienne, Radio Canada, TVA Nouvelles)


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Numéro 58 - 26 octobre 2023

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