La proposition d'arbitrage exécutoire en
éducation
de la maternelle à la 12e année en Ontario
Une avancée est possible en exigeant du gouvernement qu'il rende des comptes pour sa corruption
Les enseignants et les travailleurs de l'éducation en Ontario qui sont membres de la Fédération des enseignantes et des enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) discutent présentement de la proposition de leur syndicat et du gouvernement Ford d'avoir recours à l'arbitrage de différends exécutoire pour sortir de l'impasse aux tables de négociation. Le vote sur la proposition prend fin le 27 septembre.
Le principal argument présenté par le syndicat aux membres est qu'avec le scandale de la « ceinture de verdure », le gouvernement est sur la défensive et qu'il vient donc à la table sans ordre du jour caché. Il y aurait donc une voie vers l'avant vues ces circonstances particulières. En fait, depuis l'annonce de la proposition, le scandale de la ceinture de verdure a pris encore plus d'ampleur. À la suite de la démission du ministre des Affaires municipales et du Logement Steve Clark le 4 septembre, un deuxième ministre du cabinet Ford a démissionné le 20 septembre après qu'il fut divulgué qu'il avait mal informé le Commissaire à l'intégrité d'un voyage que lui et le directeur de la politique du logement de Doug Ford avait fait à Las Vegas, voyage qui a eu lieu en même temps que celui d'un promoteur immobilier dont les terrains ont été soustraits de la protection de la ceinture de verdure contre le développement immobiliers. Le directeur des politiques a aussi démissionné. Depuis ce temps, le 21 septembre, le premier ministre Ford a été forcé d'annoncer publiquement que c'était une erreur d'avoir rompu son engagement de ne pas ouvrir la ceinture de verdure au développement immobilier et qu'il revenait sur sa décision.
Le 22 septembre, Monte McNaughton, ministre du Travail, de l'Immigration, de la Formation et du Développement des compétences, a été le troisième membre du cabinet Ford à démissionner. Il a laissé entendre que sa décision était un choix de carrière n'ayant « aucun rapport » avec les « récents événements ». Le gouvernement Ford a jusqu'à maintenant perdu trois ministres de son cabinet et a dû remanier son cabinet deux fois dans l'espace de quelques semaines.
Quoi qu'on pense de ce scandale ou de la proposition de la FEESO aux membres pour qu'ils acceptent d'aller en arbitrage exécutoire, le gouvernement Ford a clairement montré qu'il est corrompu par son comportement et celui de ses ministres qui sont maintenant forcés de démissionner. D'autres révélations vont vraisemblablement à prévoir dans les semaines qui suivent. La prétention de Doug Ford que c'était une « erreur » de rompre son engagement de ne pas rendre accessibles des terrains de la ceinture de verdure aux promoteurs immobiliers vise à dissimuler toute la corruption de cette affaire et à présenter le tout comme une erreur de jugement.
Il n'y a rien de plus faux. Le scandale révèle le modus vivendi des gouvernements au service des riches. Les intérêts privés ont pris le contrôle des prises de décision à tous les niveaux. Avec ses répercussions néfastes sur l'éducation de la maternelle à la 12e année, le projet de loi 98 du gouvernement Ford, Loi de 2023 sur l'amélioration des écoles et du rendement des élèves, accorde au ministre de l'Éducation un contrôle sur les terrains appartenant aux conseils scolaires et stipule que l'autorisation du ministre est requise en cas d'achats ou de ventes de terrains. Ainsi, le ministre est doté d'un contrôle direct sur les biens immobiliers dans les villes et villages partout en Ontario. Il se voit aussi attribuer de nouveaux pouvoirs lui permettant de fixer les priorités provinciales en éducation que les conseils scolaires sont tenus de respecter, sans quoi elles sont menacées d'amendes ou de dissolution.
Le ministre de l'Éducation peut maintenant arbitrairement déterminer quand il faut réviser les programmes ou apporter des changements pour « répondre aux besoins du marché du travail » sans la participation des éducateurs. Le projet de loi apporte des changements en éducation permettant aux étudiants d'abandonner l'école après la 11e année et d'entrer sur le marché du travail pour répondre aux besoins du moment. Elle donne aussi au ministre le contrôle direct de l'acquisition d'infrastructures par les conseils scolaires qu'il peut utiliser pour dicter des contrats provinciaux en technologie et accorder des fonds publics aux géants de la technologie.
Le gouvernement se sert aussi de l'éducation de la maternelle à la 12e année pour siphonner les fonds publics vers les coffres privés en exigeant que les étudiants s'inscrivent à des cours en ligne pour obtenir leur diplôme. La détérioration globale des conditions dans les écoles publiques est un autre facteur qui encourage les parents à choisir d'envoyer leurs enfants dans des établissements d'éducation et de tutorat privés – parfois financés par le gouvernement. Les médias ne parlent pas de ces questions parce qu'ils ne discutent pas des conditions de travail des enseignants et du personnel de l'éducation et de l'état de l'éducation publique ou de la nécessité d'une société moderne.
Les conditions de travail des enseignants et des travailleurs en éducation sont les conditions d'apprentissage des étudiants. Il est clair qu'une société en transition en raison des avancées de la révolution scientifique et technique requiert un système d'éducation qui répond à ses besoins. Ce n'est pas pour cela que les enseignants s'opposent aux changements qu'on leur impose. La nécessité de changements est une réalité MAIS cela ne veut pas dire pour autant que les intérêts privés étroits doivent être responsables des prises de décision. Cela ne veut pas dire que la direction de l'économie doit servir des intérêts privés étroits pour faire de plus en plus de profits, plutôt que de servir l'édification nationale. Cela ne veut pas dire que la dignité du travail doit être bafouée et que la classe ouvrière au pays et à l'étranger est jetable. Enfin, cela ne veut pas dire que les jeunes dont l'éducation est inadéquate doivent être lancés sur le marché du travail, pour être remplacés chaque fois qu'ils se blessent ou ne conviennent pas à ceux qui considèrent que le travail est un coût de production et non un atout important de la force productive humaine qui crée toute la richesse dont les sociétés dépendent pour vivre.
Le enseignants et les travailleurs de l'éducation exigent des changements qui servent le peuple au pays et à l'étranger. Les enseignants et les travailleurs de l'éducation sont parmi les plus précieux atouts d'une société et ils doivent être traités avec dignité et doivent bénéficier du plein appui de l'État pour épauler le travail important qu'ils font.
Pour ce qui est de la corruption, le gouvernement Ford ne doit pas s'en sortir aussi facilement lorsqu'il prétend que la corruption émanant du scandale de la ceinture de verdure – le don de terrains protégés aux promoteurs immobiliers – est une exception. Loin de là, c'est la règle générale. Ni ne doit-il pouvoir bafouer les droits de traité des peuples autochtones.
Lorsqu'il s'agit de considérer ce que le gouvernement fait pour le domaine de l'éducation, le premier ministre ne doit pas avoir le feu vert seulement parce qu'il avoue que ce n'est pas bien d'avoir rompu son engagement à ne pas éliminer la ceinture de verdure. Le seul regret du premier ministre est qu'il s'est fait prendre. Il ne peut pas être exonéré pour les années de destruction qu'il a déchaînées sur le système d'éducation publique, prenant la relève des gouvernements qui l'ont précédé.
Pourquoi les syndicats en éducation devraient-ils avoir recours à l'arbitrage exécutoire ? Ils devraient s'en tenir à leurs revendications que le gouvernement doit négocier de bonne foi et assurer les salaires et les conditions de travail que les enseignants et les travailleurs en éducation demandent. C'est seulement ainsi qu'ils vont s'investir du pouvoir et avoir l'initiative bien en mains dans des conditions où le gouvernement est fourbe dans tout ce qu'il entreprend. La ceinture de verdure n'est qu'un exemple de comment les gouvernements, pris en mains par des intérêts privés étroits, sont corrompus et pas dignes de confiance. Le gouvernement a tout à cacher, tandis que les enseignants et les travailleurs de l'éducation ont tout à gagner à parler d'une seule voix pour leurs revendications d'augmenter les investissements en éducation publique. Il s'agit d'investissements dans la jeunesse et dans le présent et l'avenir de la société.
En votant en ce moment contre la proposition d'avoir recours à l'arbitrage exécutoire pour en arriver à des conventions collectives, les membres de la FEESO envoient un message haut et fort que le gouvernement doit négocier comme il faut, et non par diktat. Il doit respecter les enseignants et les travailleurs de l'éducation ou subir leur foudre quand ils retireront leur force de travail. Les enseignants et les travailleurs de l'éducation ont besoin de meilleurs salaires et de mesures correctives pour améliorer leurs conditions de travail. Un vote fort pour le « Non » à l'arbitrage de différends exécutoire est une façon pour les enseignants et les travailleurs de l'éducation de faire savoir au gouvernement qu'il doit s'asseoir et négocier de bonne foi pour répondre à toutes les préoccupations des enseignants et des travailleurs de l'éducation. Et le faire de manière à ce que cela bénéficie à l'éducation publique et à ceux et celles qui la dispensent, et non à des intérêts privés étroits.
Cet article a été publié dans
Numéro 54 - 27 septembre 2023
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