Centralisation des pouvoirs entre les mains du ministre sous prétexte d'efficacité
Les enseignants manifestent à Montréal pour défendre leurs
conditions de travail et l'éducation publique, le 19 septembre
2023.
Le 4 mai, le ministre de l'Éducation du Québec, Bernard Drainville, a déposé le projet de loi n• 23, Loi modifiant principalement la Loi sur l'instruction publique et édictant la Loi sur l'Institut national d'excellence en éducation.
En point de presse, Bernard Drainville l'a présenté en disant que c'est « un projet de loi qui vise l'efficacité mais pour la réussite des élèves, donc c'est l'efficacité pour améliorer les résultats scolaires dans nos écoles ».
Le Larousse définit le mot efficacité ainsi : « Caractère d'une personne, d'un organisme efficace, qui produit le maximum de résultats avec le minimum d'efforts, de moyens. » En synonyme il indique : « rendement et productivité ».
Pour arriver à cette efficacité, le ministre nomme trois orientations. La première est l'amélioration de la prise de décision et avec la nouvelle loi « les directeurs généraux des centres de services vont être nommés par le gouvernement sur recommandation du ministre », dit-il. « Ça va être des mandats de cinq ans, renouvelables. Pour chaque organisation scolaire, on va également conclure une entente annuelle de gestion et d'imputabilité. »
La deuxième est l'accessibilité des données. Le projet de loi prévoit la création de bases de données où les centres de services scolaires déposeront leurs données, ce qui permettra au ministre, par exemple, « de voir quelles sont les écoles ou les classes, même, où il y a des résultats scolaires qui sont en bas de la moyenne et intervenir par l'entremise du centre de services scolaire [...] »
La troisième orientation est d'identifier quelles sont les meilleures pratiques et à cette fin le projet de loi crée l'Institut national de l'excellence en éducation (INEÉ) qui, pour accomplir son mandat, s'appuiera sur les données probantes pour « faire en sorte qu'elles soient utilisées dans les salles de classe par nos enseignantes et nos enseignants ».
Alors que dans l'actuelle Loi sur l'instruction publique, ce sont les conseils d'administration qui peuvent nommer et révoquer les directeurs généraux des centres de services scolaires (CSS), soit les principaux gestionnaires, le projet de loi donne au ministre le pouvoir d'annuler une décision des CSS et ou pourvoir un poste vacant au sein du conseil d'administration d'un CSS, le projet de loi remet désormais ces décisions entre les mains du ministre. De plus, les CSS devront conclure avec le ministre une entente annuelle de « gestion et d'imputabilité » indiquant s'ils ont atteint ou non les objectifs imposés par le ministre, y compris ceux liés aux indicateurs, objectifs et orientations nationaux.
Le projet de loi de 36 pages modifie dix lois et édicte la Loi sur l'Institut national d'excellence en éducation. Il se caractérise par la concentration des pouvoirs aux mains du ministre de l'Éducation. En vertu du projet de loi 23, la gouvernance scolaire serait revue, pour donner au ministre le pouvoir de nommer ou de limoger les directeurs généraux des CSS. Le ministre pourrait aussi annuler une décision d'un CSS lorsque cette décision n'est pas conforme aux cibles, aux orientations et directives établies par le ministre ou, comme l'a précisé le ministre, de « prendre celle qui, à son avis, aurait dû être prise ».
Le projet de loi procède à la création de l'Institut national de l'excellence en éducation comme une personne morale, mandataire de l'État. Son conseil d'administration est composé de neuf personnes, dont un seul enseignant, nommées par le gouvernement, sur la recommandation du ministre, pour accomplir sa mission de « promouvoir l'excellence des services éducatifs de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire et secondaire ». Cela signifie, entre autres, que cet institut devra identifier les meilleures pratiques selon les « connaissances scientifiques disponibles, au Québec et ailleurs [...] contribuer à la formation du personnel scolaire et à l'accompagnement de celui-ci, formuler, lorsque le ministre lui en fait la demande, un avis sur la définition des compétences attendues des enseignants à l'éducation préscolaire ou à l'enseignement primaire ou secondaire aux fins de l'obtention d'une autorisation d'enseigner, et formuler [...] un avis sur les programmes de formation à l'enseignement touchant l'éducation préscolaire et l'enseignement primaire et secondaire. »
De plus, « l'Institut peut conclure des ententes avec tout groupe ou organisme en mesure de lui fournir les renseignements nécessaires à l'élaboration de ses recommandations. Il peut aussi conclure une entente avec un gouvernement autre que celui du Québec, l'un de ses ministères, une organisation internationale ou un organisme de ce gouvernement ou de cette organisation. » En d'autres mots, les décisions sont prises par des intérêts privés étroits par l'entremise de ces administrateurs et grâce à ces dispositions.
Le projet de loi permet au ministre d'élaborer des règlements qui lui permettront d'imposer l'enseignement à distance (art. 449) et des formations aux enseignants et les conditions « portant sur la reconnaissance du contenu des activités de formation, les modes de contrôle, de supervision ou d'évaluation des obligations de formation continue et, le cas échéant, les cas de dispense » (art 457).
Le projet de loi modifie la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation, dont le titre de cette loi, pour remplacer le nom « Conseil supérieur de l'éducation » par « Conseil de l'enseignement supérieur », pour circonscrire la fonction du conseil aux questions relatives à l'enseignement supérieur (universitaire) et pour revoir sa composition.
Le projet de loi introduit la création d'un système de dépôt et de communication de renseignements en éducation centralisée pour « soutenir la gestion du réseau de l'éducation en simplifiant les communications ». Il permet au ministre de prévoir l'obligation pour certains organismes de recourir à ce système pour l'hébergement et la communication de renseignements. Il prévoit aussi que le ministre peut obliger certains organismes à utiliser tout service en ressources informationnelles qu'il désigne, notamment un outil d'aide à la prise de décision.
(Photo : FAE)
Cet article a été publié dans
Numéro 52 - 22 septembre 2023
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