Proposition du syndicat des enseignantes et enseignants du secondaire pour éviter la grève
Lors d'une réunion spéciale le 25 août, les présidents des unités de négociation de la Fédération des enseignantes et des enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) et les négociateurs en chef des districts locaux de l'Ontario ont voté en faveur de la recommandation d'un processus de négociation avec le gouvernement de l'Ontario qui éliminerait le droit du syndicat de faire la grève au niveau central ou local au cours de la présente ronde de négociations. Toutes les questions locales et centrales en suspens qui ne peuvent être résolues à la table de négociation d'ici le 27 octobre seront soumises à ce que l'on appelle l'arbitrage d'intérêt exécutoire. Les membres de la FEESO voteront sur le processus proposé en septembre pour dire s'ils acceptent cette orientation. Dans un communiqué de presse, le syndicat a précisé que « la proposition n'est pas un accord de principe, mais qu'elle établit clairement la voie à suivre pour ce cycle de négociations ».
Le syndicat affirme que la proposition « garantit également que les membres d'OSSTF/FEESO recevront une réparation pour les salaires perdus en vertu du projet de loi 124, la loi sur la suppression des salaires du gouvernement Ford » qui a injustement ciblé les personnes travaillant dans le secteur public dominé par les femmes. « Les membres recevront cette réparation sans avoir à attendre que les tribunaux se prononcent sur la constitutionnalité du projet de loi 124 », a déclaré le syndicat. Cela fait référence au fait que le gouvernement Ford a fait appel de la décision d'un tribunal inférieur qui avait conclu que le projet de loi 124 violait les droits des enseignants, des travailleurs de l'éducation et des travailleurs du secteur public en général, qui sont tous touchés par cette décision.
Si les membres de la FEESO votent en faveur du processus proposé, les négociations centrales se poursuivront jusqu'au 27 octobre, et toutes les questions qui n'auront pas été réglées à cette date seront soumises à l'arbitrage obligatoire. Cette forme d'arbitrage est décrite dans la Loi sur la négociation collective dans les conseils scolaires (LNCCS), qui régit les négociations centrales et locales en Ontario. Cette loi a également été imposée sans négociation par le gouvernement libéral de l'Ontario en 2014. Cela faisait suite à la violation du droit de grève des enseignants et des travailleurs de l'éducation en 2012 avec le projet de loi 115, dans le but de retirer aux éducateurs plus d'un milliard de dollars en jours de maladie accumulés. La LNCCS stipule :
« Pour régler des questions en litige concernant la négociation centrale, un arbitre désigné ou un conseil d'arbitrage constitué en vertu de l'article 40 de la Loi de 1995 sur les relations de travail prend en considération tous les facteurs qu'il juge pertinents, notamment les critères suivants :
« 1. La capacité de payer des conseils scolaires compte tenu de leur situation financière.
« 2. La mesure dans laquelle des services devront peut-être être réduits, compte tenu de la décision ou de la sentence arbitrale, si les niveaux de financement et d'imposition actuels ne sont pas relevés.
« 3. La situation économique prévalant en Ontario.
« 4. La comparaison, établie entre les employés et des employés comparables des secteurs public et privé, des conditions d'emploi et de la nature du travail exécuté.
« 5. La capacité des conseils scolaires d'attirer et de garder des employés qualifiés. »
Selon diverses rumeurs, le syndicat et le gouvernement se seraient mis d'accord sur un arbitre, William Caplan. Caplan a été nommé par la Commission des relations du travail de l'Ontario comme médiateur auprès des travailleurs de l'éducation de l'Ontario du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) lors de leur dernier cycle de négociations centrales avec le gouvernement. Malgré cette médiation, le gouvernement Ford a adopté le projet de loi 28. Cette loi aurait imposé une convention collective et invoqué la disposition autorisant la dérogation à la Charte des droits et libertés, ce qui aurait rendu illégale la possibilité pour les travailleurs de prendre des mesures d'ordre professionnel en réponse ou même pour le Conseil du travail ou les tribunaux d'examiner ou de remettre en question l'action du gouvernement. Cette mesure a été bloquée par les protestations massives des travailleurs de l'éducation du SCFP et du Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario, ainsi que par la menace d'une action similaire de la part des syndicats à travers le Canada.
Si les membres votent contre le processus, les négociations se poursuivront sans qu'aucune date arbitraire ne soit fixée. Cela signifierait également que le syndicat conserverait le droit de grève pour défendre ses intérêts et ceux de l'éducation publique, le gouvernement conservant également le droit de mettre les travailleurs en lockout. Rien n'empêcherait le gouvernement et le syndicat de convenir d'un arbitrage obligatoire à une date ultérieure, avant, pendant ou après une grève ou un lockout. Le fait que la FEESO présente la proposition aux membres pour qu'ils décident de la marche à suivre indique qu'il appartient aux membres de délibérer et de décider de ce qui les favorisera et de ce qui favorisera l'éducation publique dans son ensemble.
La présidente d'OSSTF, Karen Littlewood, a déclaré : « L'accord d'aujourd'hui représente un point critique dans cette ronde de négociations. Depuis le début des négociations il y a 13 mois, OSSTF/FEESO se bat pour améliorer les conditions d'apprentissage et de travail dans les écoles de l'Ontario, mais le gouvernement Ford et les conseils scolaires ont refusé d'être des partenaires équitables dans ces négociations. Ce processus n'est pas un accord de principe, mais il promet de sortir de toute impasse en faisant appel à un arbitre tiers pour rechercher une résolution juste et équitable.
« En tant qu'organisation démocratique, a-t-elle ajouté, il est essentiel que nous permettions aux membres d'avoir le dernier mot en votant sur la question de savoir si OSSTF/FEESO doit accepter cette proposition. Les négociations se poursuivront au niveau central et local tout au long du processus de vote. »
Karen Littlewood a ajouté que la stabilité dans l'éducation viendrait du fait que les enseignants et les travailleurs de l'éducation ne feraient pas valoir leurs droits par des actions de grève. Elle a ajouté que si le processus est approuvé, « cela signifiera également que nous, en tant que professionnels de l'éducation dévoués, serons en mesure de continuer à assurer la stabilité pour les élèves de l'Ontario tout en recherchant la meilleure entente possible pour les membres d'OSSTF/FEESO. »
Qui a dit quoi ?
Gouvernement de l'Ontario
Malgré la clarté du message de la présidente de la FEESO, le ministre de l'Éducation du gouvernement Ford, Stephen Lecce, a publié, à la suite de l'annonce du syndicat, un communiqué de presse intitulé « L'Ontario conclut un accord provisoire avec la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l'Ontario afin d'offrir de la stabilité aux écoles secondaires publiques ».
Stephen Lecce a déclaré : « Je suis très heureux d'annoncer que nous avons conclu un accord provisoire de quatre ans avec la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) portant sur un processus qui, s'il est ratifié par les membres du syndicat, permettra aux élèves de rester en classe, comme il se doit.
« Si cet accord est ratifié, les élèves qui sont entrés en 9e année dans une école secondaire de langue anglaise financée par les fonds publics en septembre dernier auront vécu leur entière expérience scolaire sans la menace de grèves d'enseignants. C'est une chose dont nous pouvons tous nous réjouir. »
Utilisant l'accord avec la FEESO comme une arme contre les autres syndicats de l'éducation, Stephen Lecce a déclaré : « Afin de veiller à la stabilité de l'ensemble du système d'éducation, nous invitons tous les syndicats d'enseignants à rencontrer le gouvernement dès lundi afin de conclure des accords de principe avant la rentrée scolaire. Allons de l'avant et concluons ces accords pour que les enfants reprennent leur apprentissage en paix et en toute confiance. »
Les syndicats de l'enseignement
L'Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario (ETFO) et l'Ontario English Catholic Teachers' Association (OECTA) ont publié le 25 août la déclaration suivante en réponse à l'annonce que la Fédération des enseignantes et enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (OSSTF/FEESO) pourrait entamer une procédure d'arbitrage exécutoire avec le gouvernement de l'Ontario :
« L'annonce faite aujourd'hui par le ministre de l'Éducation Stephen Lecce et OSSTF/FEESO, selon laquelle les parties se soumettront à un arbitrage exécutoire, n'est pas une solution que l'AEFO, l'ETFO et l'OECTA peuvent envisager à nos tables de négociations respectives pour le moment.
« Le recours à l'arbitrage exécutoire à ce stade n'aiderait pas les élèves – en particulier celles et ceux qui fréquentent des écoles élémentaires et secondaires – car l'arbitrage exécutoire garantirait pratiquement que les questions clés que nous avons soulevées à nos tables de négociations respectives, et qui sont essentielles à l'apprentissage et aux conditions de travail dans nos écoles, ne seraient pas abordées.
« La décision de recourir à un arbitrage exécutoire pourrait avoir un impact sur la négociation de questions clés pour nos communautés scolaires lors des négociations locales.
« Le gouvernement conservateur de Ford a toujours refusé d'engager des discussions de fond avec nos syndicats, malgré nos nombreuses tentatives pour progresser à nos tables de négociations respectives. Nous demandons une fois de plus au gouvernement de respecter notre droit à une négociation collective libre et équitable, et de se présenter à nos tables de négociations respectives prêts à engager des discussions sérieuses sur les questions critiques auxquelles est confrontée l'éducation financée par les fonds publics en Ontario – des questions telles que l'augmentation de la violence dans les écoles, les ressources et les soutiens pour la santé mentale des élèves, l'utilisation par les enseignantes et les enseignants de leur jugement professionnel, et la lutte contre la pénurie du personnel en éducation.
« Les travailleuses et les travailleurs en éducation représentés par l'AEFO, l'ETFO et l'OECTA continueront leurs efforts pour obtenir des accords négociés et équitables qui défendent et protègent l'éducation financée par les fonds publics et qui soutiendront tous les élèves, le personnel et les familles de cette province. »
Le 29 août, l'ETFO a déposé une demande de conciliation, ce qui signifie qu'un conciliateur nommé par la Commission des relations du travail tentera de faire avancer les négociations avec le gouvernement. Le syndicat a déclaré dans un communiqué de presse : « À ce stade, l'ETFO ne pense pas que [l'arbitrage obligatoire] soit viable, compte tenu de certaines des questions que la Fédération souhaiterait voir abordées pendant les négociations, notamment : la violence dans les écoles, la crise du recrutement et de la rétention des éducateurs, le modèle d'apprentissage hybride, l'indicateur de lecture précoce et les mesures de soutien à l'éducation spéciale pour nos élèves du primaire les plus vulnérables. »
Elle a ajouté que « si l'ETFO a été en mesure de faire des progrès significatifs à la table centrale des travailleurs de l'éducation, les négociations à cette table sont au point mort depuis des mois. L'expérience de l'ETFO à la table centrale des enseignants/occasionnels a été moins constructive. Aucun progrès n'a été réalisé à cette table sur des questions clés telles que les salaires, le soutien à l'éducation spéciale, la violence dans les écoles, l'apprentissage hybride, les avantages sociaux ou la résolution de la crise de la rétention et du recrutement dans le système d'éducation. En outre, l'équipe de négociation gouvernementale de l'Ontario Public School Boards' Association a refusé de retirer les modifications qu'elle avait déposées sur des questions telles que les droits aux congés de maladie, les avantages sociaux et le jugement professionnel.
« Le gouvernement Ford exige actuellement des coupures importantes dans les congés de maladie, les avantages sociaux et le jugement professionnel. L'arbitrage obligatoire signifierait que l'arbitre contrôlerait à 100 % ce qu'il adviendrait de ces éléments. »
La Fédération organise des réunions centrales de vote de grève dans toute la province de la mi-septembre à la mi-octobre.
Milieu universitaire
Dans un article paru dans The Conversation, Larry Savage, professeur d'études sociales à l'Université Brock, et Stephanie Ross, professeur associé d'études sociales à l'Université McMaster, écrivent :
« L'arbitrage des intérêts est un mécanisme qui permet de résoudre les questions de négociation en suspens. Il est le plus souvent utilisé dans les cas où des travailleurs essentiels comme les pompiers ou les infirmières se voient refuser légalement le droit de grève. Plus rarement, les syndicats et les employeurs recourent à l'arbitrage de différends exécutoire pour conclure une première convention collective ou résoudre une grève litigieuse.
« Lorsque les parties négocient dans une impasse, une tierce partie neutre – l'arbitre – est appelée à régler les questions en suspens. Le résultat est contraignant pour les deux parties.
« Dans le cas de l'accord récent entre la FEESO et la province, la FEESO n'avait pas négocié jusqu'à l'impasse, et encore moins organisé un vote de grève pour tester la détermination des membres et tenter de modifier la position de l'employeur.
Les auteurs ajoutent :
« L'arbitrage des intérêts est séduisant pour les syndicats, compte tenu des décisions récentes qui ont accordé d'importantes augmentations salariales aux infirmières et autres travailleurs de la santé de l'Ontario pour compenser les effets de la loi 124, qui plafonnait les augmentations salariales dans le secteur public à 1 % par an et qui a été jugée inconstitutionnelle.
« Pour les travailleurs dont les salaires sont en retard depuis de nombreuses années, la perspective de rattraper leur retard sans avoir à préparer une grève potentielle est alléchante. »
Cependant, il y a au moins quatre raisons pour lesquelles l'acceptation prématurée de l'arbitrage obligatoire des intérêts est très problématique pour les syndicats : « Tout d'abord, elle normalise l'idée que l'arbitrage de différends exécutoire est une pratique courante dans le monde du travail.
« Premièrement, cela normalise l'idée que le droit de grève n'est pas nécessaire. Ce type de raisonnement démobilise les syndicats et rend les membres passifs. La décision de l'arbitre étant exécutoire, les membres n'ont pas la possibilité de voter sur le règlement final et deviennent donc de simples spectateurs. En bref, l'arbitrage exécutoire ignore la clé du pouvoir des syndicats : des membres organisés et mobilisés.
« Deuxièmement, le recours à l'arbitrage exécutoire peut en fait accroître les impasses de négociation en réduisant l'incitation à négocier des conditions acceptables pour les deux parties. Si une tierce partie doit décider de ce que dit la convention collective pourquoi revenir sur sa position de négociation initiale ? »
Les chercheurs appellent cela « l'effet narcotique », car les syndicats et la direction deviennent dépendants de l'de différends contraignant pour décider des termes de la convention collective. Le problème est que les règlements imposés résolvent rarement les conflits sous-jacents.
« L'arbitrage exécutoire est un processus intrinsèquement conservateur. Il n'y a aucune garantie que les augmentations de salaires dans un secteur seront reproduites dans d'autres. En outre, l'arbitrage est un mauvais mécanisme pour aborder des questions plus profondes telles que le manque d'investissement dans les services publics, qui sous-tend les véritables problèmes auxquels sont confrontés tant de travailleurs du secteur public. »
L'article conclut :
« Ces dernières années, les syndicats ont remporté des batailles acharnées contre les tentatives des gouvernements de priver les travailleurs de leurs droits de négociation et de grève.
« Après tous ces efforts, il semble impensable de renoncer volontairement à ces droits et de confier tous les pouvoirs à un arbitre. Les gouvernements antisyndicaux n'ont pas à se soucier de restreindre le droit de grève si les syndicats sont simplement prêts à renoncer à ce droit en échange de la béquille de l'arbitrage de différends exécutoire. »
Cet article a été publié dans
Numéro 49 - 11 septembre 2023
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