Les négociations en éducation en Ontario

Tentatives répétées d'éliminer le droit de grève en éducation de la maternelle au secondaire

– Enver Villamizar –

En ce début d'année scolaire, les travailleurs de tout le pays sont grandement préoccupés par les tentatives du gouvernement Ford de faire pression sur les syndicats de l'éducation pour qu'ils abandonnent leur droit de grève. Ceux-ci sont plutôt encouragés à se tourner vers un processus d'arbitrage de différends exécutoire qui fait en sorte que c'est un arbitre qui décide de toutes questions n'ayant pu être réglées par des négociations de bonne foi, lesquelles n'existent plus.

Les enseignants et les travailleurs de l'éducation sont sans contrat depuis le 31 août 2022. Seulement les travailleurs de l'éducation représentés par le Comité de coordination des conseils scolaires de l'Ontario (CCCSO) du SCFP ont réussi à en arriver à une entente qui leur est acceptable à l'issue d'une lutte résolue contre le gouvernement Ford sur la question de leur droit de grève.

Au moins un syndicat, la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO), soumet actuellement le processus d'arbitrage de différends exécutoire à l'approbation de ses membres. Antérieurement, le CCCSO a annoncé qu'il y aurait des votes de grève en septembre si le gouvernement refusait de négocier. Les réunions où les membres discuteront de la proposition du CCCSO face à l'arbitrage exécutoire auront lieu en septembre. Pendant ce temps, les autres syndicats de l'éducation poursuivent leurs négociations, et l'un d'entre eux, la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario (FEEEO), a demandé la conciliation.

L'arbitrage exécutoire en tant que processus pour résoudre les conflits avec le gouvernement a plusieurs contrecoups. Il est présenté comme étant un processus légitime permettant d'en arriver à des ententes avant l'ultime recours à la grève, et même comme une alternative au droit de grève des travailleurs. L'arbitrage a déjà été promu par certains syndicats comme étant une façon de résoudre les conflits avec le gouvernement. Les enseignants de la Colombie-Britannique, par exemple, y ont eu recours en 2014 suite à une grève pendant laquelle les travailleurs avaient réussi à mobiliser l'opinion publique en faveur de leurs revendications.

Certains prétendent maintenant que le fait d'avoir à faire à un bon arbitre qui n'est pas trop antisyndical serait favorable aux travailleurs lorsque le gouvernement refuse de négocier. Ainsi, les travailleurs sont incités à compter sur le régime de relations de travail existant et sur un arbitre prétendument neutre pour déterminer leurs salaires et leurs conditions de travail. C'est ce qui se passe présentement alors que jusqu'ici le gouvernement a refusé de négocier et apporte d'importants changements aux conditions de travail des éducateurs par le biais de changements législatifs.

Ces efforts du gouvernement Ford pour bloquer tout recours à la grève plutôt que de négocier arrivent suite à ses vaines tentatives d'imposer une convention aux 55 000 travailleurs de l'éducation du SCFP CCCSO en novembre 2022, en utilisant la disposition de dérogation à la Charte des droits et des libertés pour essayer de criminaliser la grève prévue par les travailleurs. Mais lorsque les travailleurs de l'éducation ont refusé de se soumettre et ont débrayé à l'échelle de la province, avec l'appui de la presque totalité du mouvement syndical, le gouvernement Ford a dû faire marche arrière.

Les travailleurs du SCFP CCCSO dressent une ligne de piquetage à Queens Park au cours de la journée d'action politique, le 4 novembre 2022, défiant les tentatives du gouvernement Ford d'imposer un contrat.

Par contre, il refuse toujours de revenir sur son diktat visant à empêcher la grève des enseignants et des travailleurs de l'éducation et insiste présentement sur le recours à l'arbitrage exécutoire comme façon d'y arriver.

La situation à laquelle on assiste présentement est que le gouvernement tente de forcer les syndicats à compter sur l'État pour régler leurs différends avec lui plutôt que sur leurs propres membres et les autres travailleurs qui appuient leur juste cause. La question n'est pas d'être pour ou contre l'arbitrage exécutoire, mais plutôt qui doit décider de leurs conditions de travail : l'État, ou les travailleurs par le biais de leurs syndicats et de leurs propres actions. Si les gouvernements refusent de négocier, peut-on se fier à l'État pour affirmer les droits des travailleurs ?

L'expérience de la classe ouvrière en ce moment est que de telles mesures sont prises de façon systématique par les gouvernements néolibéraux pour éliminer le droit des travailleurs d'avoir un mot à dire sur leurs salaires et leurs conditions de travail. C'est ce qui se produit en particulier lorsqu'il s'agit de la prestation de programmes sociaux provinciaux et nationaux tels que l'éducation et la santé. Au même moment, des milliards de dollars sont siphonnés de ces programmes et détournés vers divers stratagèmes intéressés.

Depuis que le gouvernement libéral de McGuinty a adopté le projet de loi 115 en 2012 pour tenter d'imposer des conventions collectives à l'éducation de la maternelle au secondaire, les gouvernements successifs en Ontario ont adopté des mesures pour tenter de limiter – et, maintenant, d'éliminer – le droit des enseignants et des travailleurs de l'éducation d'aller en grève à l'échelle locale et provinciale.

D'abord, les négociations provinciales ont été imposées par un processus formel sans négociations avec les syndicats et les commissions scolaires, avec l'engagement de préserver les négociations locales et de laisser les questions plus importantes comme les salaires et les avantages sociaux aux instances centrales.

Ensuite, la Commission des relations de travail de l'Ontario a décrété que toute question négociable reliée à des sommes d'argent était à toute fin pratique retirée des négociations locales et reviendrait aux instances centrales advenant que le gouvernement et le syndicat provincial ne peuvent s'entendre sur l'instance où cette question doit être réglée. Cela voulait dire que le gouvernement pouvait opposer son veto à tout ce qu'il voulait au niveau local.

Rassemblement du 26 janvier 2013 contre les tentatives du gouvernement McGuinty d'imposer des conventions collectives aux enseignants en vertu du projet de loi 115

Ultérieurement, une grève locale d'enseignants du secondaire a été déclarée illégale par la Commission des relations de travail sous prétexte qu'elle était « teintée » de revendications centrales et qu'elle ne pouvait être qualifiée de locale.

Maintenant, le gouvernement Ford espère établir un précédent qui éliminera encore la possibilité pour les enseignants et les travailleurs de l'éducation d'avoir leur mot à dire sur leurs conditions de travail, qui sont en fait les conditions d'apprentissage des étudiants, en préconisant le recours à l'arbitrage exécutoire. Il laisse planer la possibilité qu'un arbitre accordera des augmentations salariales intéressantes pour soutenir le recrutement et la rétention du personnel, ainsi qu'un montant forfaitaire pour remédier au projet de loi 124, celui-ci ayant plafonné les salaires du secteur public à 1 % pendant 4 ans et ayant été déclaré non constitutionnel.

Les gouvernements partout au Canada surveillent la situation de près au cas où ils pourraient utiliser de tels mécanismes pour eux-mêmes éliminer le droit de grève. En cette fête du Travail, le défi posé aux enseignants et aux travailleurs de l'éducation et à tous les travailleurs qui font face à la même situation en Ontario est de mener la discussion sur ce qui leur est favorable dans ces conditions et sur comment empêcher les tentatives de diviser leurs rangs et en étouffant ainsi la discussion. En discutant ouvertement sur quoi faire et ce qui leur sera favorable, pour eux et pour l'éducation dans son ensemble, les enseignants et les travailleurs de l'éducation trouveront les moyens d'aller de l'avant.


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Numéro 49 - 11 septembre 2023

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