Des feux de forêt brûlent sur de larges étendues partout au Canada

– Peggy Askin –

Des feux de forêt continuent de brûler partout au Canada, tout particulièrement en Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest en ce moment, mais les incendies au Québec continuent aussi de brûler et de causer des dommages. Les incendies à l'intérieur de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord-Ouest sont les plus récents d'une saison de feux de forêt sans précédent pour la Colombie-Britannique, l'Alberta, les Territoires du Nord-Ouest, l'Ontario, le Québec et la Nouvelle-Écosse, pendant que la fumée a recouvert d'importantes régions du Canada et des États-Unis, y compris des endroits aussi éloignés que l'Europe. Les dommages causés aux communautés, à la vie des gens, à tout ce qui leur appartient et à leurs moyens de subsistance, aux économies locales, aux forêts et à l'environnement continuent à un rythme effréné. Près de 200 000 personnes ont été évacuées de leurs maisons et de leurs communautés, plusieurs plus d'une fois, et des centaines de personnes ont tout perdu.

Le feu est un phénomène naturel dans l'écosystème de la forêt boréale, mais les feux du XXIe siècle sont différents. Alimentés par le réchauffement climatique et l'action des gouvernements au service d'intérêts privés étroits, ils brûlent plus intensément, se répandant plus rapidement et se produisent plus fréquemment, dévorant de vastes étendues de terre.

Le 20 août, le Centre interservices des feux de forêt du Canada, qui produit une base de données en temps réel des feux de forêt partout au pays, rapporte qu'il y a eu 5 832 feux jusqu'à présent en 2023, dont 1 150 sont toujours actifs. De ces feux, 657 seraient « hors de contrôle », dont 382 en Colombie-Britannique, 160 sont « stables » et 225 sont « sous contrôle ». Les incendies ont brûlé 15 millions d'hectares de forêt, (150 000 kilomètres carrés), une superficie deux fois plus grande que le Nouveau-Brunswick, et la saison des incendies va continuer jusqu'à l'automne. C'est deux fois plus que le record de 75 596 kilomètres carrés brûlés en 1989.

Ressources naturelles Canada affirmait en 2020 : « Le feu joue un rôle important dans les écosystèmes forestiers. Chaque année au Canada, 9000 incendies en moyenne brûlent plus de 2 millions d'hectares. C'est deux fois la superficie moyenne qui était brûlée au début des années 1970, et divers scénarios de modélisation prévoient que la superficie sera encore multipliée par deux ou plus d'ici la fin du siècle, en raison du réchauffement attendu du climat. Cette amplification des feux aura de lourdes conséquences sur les écosystèmes forestiers, l'exploitation des forêts, la protection des collectivités et le bilan de carbone. »

Trois ans plus tard, la superficie incendiée est supérieure à ce qui avait été prédit d'ici la fin du XXIe siècle. Pendant ce temps, les gouvernements refusent d'agir, les conclusions et les recommandations tirées des incendies précédents comme à Fort McMurray et Slave Lake sont ignorées ou reléguées aux oubliettes, et les conditions des pompiers se détériorent. La technologie existe qui permettrait de protéger les communautés, mais les grandes entreprises s'en servent pour protéger leurs installations pendant qu'on laisse les communautés vulnérables et sans protection.

Les pompiers se font entendre et exigent que des mesures soient prises face aux conditions dangereuses et intolérables liées à leur travail. Les précieuses connaissances des peuples autochtones, qui vivent dans la forêt depuis des temps immémoriaux et qui savent comment vivre avec le feu, ont été ignorées et même criminalisées. Les communautés sont ignorées par les gouvernements qui poursuivent leur offensive antisociale, coupant même dans les services d'incendie. Ils continuent de servir les monopoles et les oligopoles et poursuivent leurs actions désastreuses qui alimentent la violence des feux de forêt. Tous se font entendre. Avant tout, cette saison des feux de forêt fait valoir que les communautés, les pompiers, les peuples autochtones et les Métis doivent immédiatement exercer leur pouvoir décisionnel et que c'est le problème majeur à résoudre.

Lutte contre les incendies à lac Nadina en Colombie-Britannique

Les communautés autochtones et métisses

Les communautés autochtones sont frappées de façon disproportionnée pendant qu'on les empêche d'exercer leur pouvoir décisionnel dans leurs territoires ancestraux. Elles ne constituent que 5 % de la population du Canada, mais représentent 42 % de toutes les évacuations et 50 % des évacuations en raison de la fumée sont dans les communautés autochtones, et sont habituellement d'une plus longue durée que pour les communautés non autochtones.

Les Territoires du Nord-Ouest

Plus de 200 feux de forêt brûlent dans les Territoires du Nord-Ouest et 70 % des 45 000 résidents du territoire ont été forcés d'évacuer, y compris dans la capitale de Yellowknife, les villes de Hay River et Fort Smith, les communautés dénées de Ndilo et de Dettah, les Premières Nations de K'atl'odeeche et de Jean Marie River, situées dans la Première Nation Ka'a'gee Tu.

Les personnes évacuées par voie aérienne se rendent à Calgary, tandis que d'autres prennent la longue route vers le sud en auto pour se rendre à Edmonton ou dans d'autres villes de l'Alberta où des centres d'accueil ont été mis en place. Les centres les plus proches à Fort Murray et Grande Prairie sont déjà remplis et beaucoup entreprennent le voyage de 14 heures en auto jusqu'à Edmonton. D'autres campent dans les terrains de camping provinciaux.

D'immenses efforts ont été déployés pour sauver la ville de Yellowknife, un réseau de pare-feu ayant été mis en place dans l'ouest de la ville, ainsi que près de 20 kilomètres de boyaux et de tuyaux alimentant un système de gicleurs et de canons à eau. Une ligne d'extinction de 10 kilomètres non propagatrice d'incendie a été construite dans la forêt.

Mike Westwick, l'agent d'information pour les incendies des Territoires du Nord-Ouest, a dit à la conférence de presse quotidienne du 21 août que des facteurs météorologiques pourraient pousser le feu plus près de Fort Smith ainsi que Hay River et que les prochains jours s'annonçaient difficiles. Les mesures de suppression des incendies ont tenu le coup à Yellowknife, mais la situation demeure grave dû aux conditions de sécheresse et de vent.

Précédemment, des feux de forêt ont aussi frappé les communautés des Premières Nations de K'atl'odeeche et de Sambaa K'e ainsi que la communauté de Hay River qui ont maintenant été évacuées une deuxième fois. Plusieurs maisons et structures de la Première Nation de K'atl'odeeche ont été détruites et elle est à nouveau sous ordre d'évacuation.

La Colombie-Britannique


Incendie de forêt à Kookipi Creek près de Boston Bar, Colombie-Britannique

En Colombie-Britannique, près de 35 000 personnes ont reçu l'ordre d'évacuer et un autre 30 000 ont reçu des alertes d'évacuation dès le 19 août. Le gouvernement provincial a déclaré l'état d'urgence le 18 août et a restreint les voyages non essentiels à l'intérieur du sud de la Colombie-Britannique afin que plus d'hébergements temporaires soient disponibles pour les personnes évacuées et les pompiers et pour faciliter la circulation sur les routes. Les deux principales régions frappées sont la ville de Kelowna et la région de Shuswap. Cinq cents pompiers combattent les incendies, avec des quarts de travail pouvant aller jusqu'à 48 heures.

Le feu de forêt de McDougall Creek, à près de 10 kilomètres de Kelowna ouest, brûle toujours hors de contrôle. En outre, Shuswap est aux prises avec une crise sans précédent, la visibilité étant si faible que le feu n'a pu être combattu que sur le terrain seulement. Trois feux ont convergé vers le Complexe Adams. Des maisons et des structures ont été détruites dans les deux zones et le niveau de destruction n'est pas encore connu.

La Colombie-Britannique a eu à combattre d'importants feux de forêt tout l'été. Plus dans la saison, ces feux étaient principalement dans la zone du service d'incendie de Prince George, le plus important étant le feu de forêt de Donnie Creek. En ce moment, la Première Nation de lac Takla a publié un ordre d'évacuation à l'intention de plusieurs communautés. Certaines communautés comme celle de Tumbler Creek ont pu retourner chez elles mais d'autres sont toujours en état d'alerte.

L'incendie de Donnie Creek continue de brûler dans une zone entre le Fort Nelson et Fort St-John. C'est le feu de forêt le plus intense des 102 années du service des incendies de la Colombie-Britannique et, avant la fin de juillet, il avait brûlé plus de 15 000 kilomètres carrés de forêt boréale. Le risque d'incendie dans de vastes régions de la Colombie-Britannique est coté d'élevé à extrême.

Voir la Carte des risques d'incendie.

L'Alberta

L'Alberta a été gravement touchée, avec environ 1 000 incendies depuis le début de la saison des feux et 81 feux actifs au 21 août. L'état d'urgence en vigueur pour la province du 6 mai au 3 juin a maintenant été levé après que de fortes pluies aient amélioré la situation. Cette année, 1 754 656 hectares de forêt ont brûlé, soit le double du record précédent établi en 2019.

L'incendie du complexe de Wood Buffalo, qui chevauche la frontière avec les Territoires du Nord-Ouest, est combattu conjointement par des équipes de l'Alberta et des Territoires. À l'heure actuelle, l'incendie ne se trouve qu'à 4 kilomètres au sud de Fort Smith et s'étend sur 415 420 hectares. Un autre incendie important, au complexe Basset, est hors de contrôle au nord-ouest de l'établissement métis de Paddle Prairie.

Des milliers de personnes sont rentrées chez elles après avoir dû évacuer à cause d'incendies plus tôt dans la saison. Dans la plupart des communautés, les incendies ont été circonscrits grâce aux efforts considérables des pompiers qui ont réussi à éviter que la plupart des maisons soient endommagées.

L'expérience de la Première Nation Athabasca Chipewyan, sur les rives du lac Athabasca, reflète celle de nombreuses nations autochtones et communautés métisses, qui font preuve d'une grande solidarité sociale en veillant les unes sur les autres. Fort Chipewyan n'est accessible que par bateau ou par avion, une fois que la route de glace hivernale a fondu.

Lorsque la communauté de Fort Chip a dû être évacuée, des membres des nations cries et métisses de Fort McKay ont piloté des convois de bateaux pour les mettre en sécurité sur les 300 kilomètres qui séparent Fort Chip de Fort McKay, à contre-courant, avec une fumée si épaisse qu'ils ne pouvaient souvent pas voir. « Nous les tenons, nous les rattraperons et nous veillerons à ce qu'ils soient pris en charge », a déclaré Ron Quintal, président de la nation métisse de Fort McKay.

Au début de l'été, les 1 600 membres de la Première Nation crie de Sturgeon Lake, la colonie métisse d'East Prairie, qui compte 300 personnes, et la nation crie de Little Red River, qui compte 3 700 membres, ont été contraints d'évacuer, ce qui a entraîné la perte de maisons, d'un pont, d'une usine de traitement de l'eau et d'autres infrastructures essentielles. Frankie Payou, un pompier de forêt ayant 14 ans d'expérience, a été gravement blessé le 14 mai après qu'un arbre lui soit tombé dessus. Il a été admis aux soins intensifs dans le coma.

Dans la plupart des cas, les gens ont dû s'arranger entre eux pour trouver un logement temporaire. Le même esprit généreux pour offrir de l'aide aux personnes dans le besoin qui existait lors de l'incendie de Fort McMurray en 2016 a été observé dès le premier jour, comme c'est le cas partout au Canada.

Pendant ce temps, les gouvernements refusent d'assumer leurs responsabilités sociales en s'occupant des personnes touchées par les incendies de forêt et continuent de renvoyer la balle au niveau municipal et communautaire. Par exemple, la ville de High Level demande depuis des années aux gouvernements provinciaux successifs de créer un centre d'évacuation polyvalent, a déclaré la mairesse Crystal McAteer, mais rien n'a été approuvé. High Level a servi de centre d'évacuation à douze reprises depuis 2003, mais entre les hôtels et les lits d'appoint à l'aréna municipale, la ville ne peut accueillir qu'un maximum de 1 600 personnes.

L'Ontario

Il y a actuellement 67 feux de forêt actifs dans les régions du nord-est et du nord-ouest de l'Ontario. Parmi eux, 12 sont sous contrôle, 2 sont en cours d'exécution et 53 sont en cours d'observation. L'Ontario a connu une année moyenne en ce qui concerne les incendies de forêt, avec 660 à ce jour, ce qui est proche de la moyenne décennale de 620 incendies par an.

« À la fin du printemps et au début de l'été, l'Ontario a connu une escalade de l'activité des incendies après un début de saison plus lent que la moyenne, a déclaré Alison Bezubiak, des services d'aviation, de lutte contre les incendies de forêt et d'urgence de l'Ontario, à CBC News le 18 août. Mais à cette époque, les conditions étaient plus chaudes et plus sèches. Combinées à des éclairs importants et généralisés, ces conditions ont contribué à augmenter la charge d'incendie. »

Les risques d'incendie de forêt sont maintenant considérés comme étant de faibles à modérés dans toute la région du nord-est aujourd'hui, à l'exception d'une poche présentant un risque d'incendie élevé, située au nord de Kapuskasing. Les incendies les plus graves survenus plus tôt dans la saison se sont produits dans les régions autour de Cochrane, Chapleau et Sudbury, et à proximité des communautés des Premières Nations d'Attawapiskat, du lac Seul, de Cat Lake et de Poplar Hill.

Plus tôt cet été, près de 500 habitants de Fort Albany ont été évacués par avion, tandis que d'autres ont été secourus par les habitants de Kashechewan, venus en bateau pour les mettre en sécurité. La Première Nation Apitipi Anicinapek, près du lac Abitibi, et Attawapiskat, à l'ouest de Moose Factory, ont également été touchées.

Nouvelle-Écosse

La Nouvelle-Écosse a été durement touchée au début de la saison des incendies : 20 000 personnes ont été évacuées et plus de 200 maisons ont été détruites. Un incendie près de la ville de Shelburne est devenu le plus grand feu de forêt de l'histoire de la Nouvelle-Écosse. Un autre incendie, plus petit, près de Halifax, a entraîné l'évacuation d'environ 16 000 personnes.

En juillet, la province signalait que tous les incendies de Barrington Lake, dans le comté de Shelburne, et de Tantallon et Hammonds Plains, dans la municipalité régionale de Halifax, ont été éteints. Cependant, des précipitations allant jusqu'à 100 millimètres ont provoqué de graves inondations dans toute la Nouvelle-Écosse, qui a déclaré l'état d'urgence à l'échelle de la province du 22 au 26 juillet.


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Numéro 45 - 23 août 2023

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