L'éducation en Grande-Bretagne

Un moment important dans la lutte des enseignants à la défense de leurs droits et pour l'avenir de l'éducation

– Workers' Weekly –

En février, plus de 100 000 enseignants en Angleterre et au Pays-de-Galles ont entamé leurs actions les plus significatives en 30 ans, avec la tenue de 8 jours de grève entre février et en juillet. Les syndicats revendiquaient une pleine augmentation de salaire pour pallier l'inflation à la hausse et dix ans de compressions salariales. En plus d'un niveau salarial qui a chuté de 23 % en termes réels depuis 2010, abandonnant les enseignants à des conditions brutales, ceux-ci ont dénoncé les charges de travail excessives, le nombre trop élevé d'élèves par classe, le manque d'appui pour les besoins en classes spéciales, la crise de recrutement et de rétention du personnel, des écoles qui sont en état de décrépitude et représentant un danger réel, etc. Une autre revendication concerne le système des inspections du Bureau des normes en éducation (Ofsted).

Le plus grand syndicat des enseignants présents était le Syndicat national de l'éducation (NEU). Le Syndicat des enseignants (NASUWT) et les directions d'école de l'Association nationale des directions d'école (NAHT) ont aussi participé aux grèves pour la première fois dans ce conflit. C'est la première fois en 125 ans que les membres du NAHT ont fait la grève pour des questions salariales.

Comme l'explique le NEU, le 13 juillet, le gouvernement a publié le rapport de l'Organe d'examen des enseignants (STRB) sur le salaire des enseignants, qui recommande une augmentation de 6,5 % dès septembre[1]. Le gouvernement a finalement décidé de mettre en oeuvre les recommandations du STRB. Les membres du NEU, de l'ASCL, du NAHT et du NASUWT ont maintenant voté en faveur des gains obtenus et pour mettre fin aux moyens de pression, dit le NEU.

L'entente est d'une durée d'un an. Elle sera financée par des sources externes, telles qu'exigé par les enseignants. C'est la grève résolue qui a forcé le gouvernement à augmenter son offre – ayant d'abord rejeté les recommandations du STRB – et à dépenser 900 millions de livres supplémentaires pour financer l'éducation et protéger les emplois du personnel de soutien. Cependant, il faut noter que les salaires n'ont pas atteint le niveau demandé, de sorte que la question reste en suspens. [...]

Tout au long des actions, les enseignants ont fait face à un refus de négocier, à des décrets et aux tentatives du gouvernement de les empêcher d'avoir leur mot à dire. Ils n'ont pas défailli devant cette offensive, restant unis et se défendant pour affirmer leur Non ! au diktat, faisant connaître leurs conditions de travail et refusant qu'on les réduise au silence. Un des défis auxquels est confronté le mouvement ouvrier dans son ensemble est comment s'organiser pour mieux mettre la justice de sa cause au service de ses propres intérêts. Il y a une prise de conscience à l'effet que les conditions ont changé et que la classe ouvrière doit adopter de nouvelles façons d'agir.

Les grèves ont mis en relief l'importance que les travailleurs exercent leur rôle sur la question de qui décide, au niveau du contrôle et des prises de décision. Les enseignants ont dû mettre le plein poids de leurs organisations derrière leurs revendications pour en arriver à des pourparlers et des négociations. La lutte pour le contrôle de l'éducation a soulevé un tas d'autres questions vitales, mais les prises de décision sont toujours fermement entre les mains d'élites et de leur gouvernement. La lutte des enseignants pour leur mot à dire sur l'éducation et sur leurs conditions de travail n'est pas terminée. La solution à la crise réside dans les enseignants eux-mêmes, et les formes peuvent et doivent être trouvées pour se donner les moyens de discuter de ces problèmes et de leur apporter des solutions.

La lutte pour un système d'éducation moderne et adéquatement financé dure depuis des années et les enseignants s'interrogent sur l'avenir d'une éducation qui est sous-financée et diminuée. Les gens veulent de meilleures écoles et de meilleurs salaires pour les enseignants et il faut mettre fin à la crise du recrutement du personnel. Il est crucial d'arrêter de payer les riches et d'être à leur service, afin de permettre de trouver les fonds nécessaires pour pleinement financer les services essentiels et les programmes sociaux comme l'éducation.

La crise a révélé l'importance de l'avenir de l'éducation et le besoin d'une solution dont la clé réside dans la participation des enseignants eux-mêmes. Ces grèves ont démontré que ni les enseignants, ni le public n'appuient les réductions du financement en éducation, et que ce n'est pas ainsi que les problèmes seront résolus et qu'une éducation à la hauteur sera garantie en tant que droit. Les enseignants et les parents exigent une éducation en tant que droit et qu'elle joue son rôle essentiel dans le développement de l'être humain moderne.

Tout le monde a le droit aux normes d'éducation les plus élevées et la grande question qui se pose est comment la société devrait être organisée pour que ce droit soit réalisé. L'éducation elle-même joue un rôle dans la formation de la conception que tous ont des droits du fait qu'ils sont humains. S'il est vrai que la récente grève a permis d'obtenir certains gains, le besoin plus large de pouvoir répondre aux exigences matérielles et culturelles de toute la population est toujours à l'ordre du jour.

Les enseignants doivent être recrutés en nombre suffisant et avoir l'appui nécessaire du personnel de soutien et des assistants. Ils doivent être une voix déterminante dans la gestion des écoles pour le bien de la population dans son ensemble. Les écoles ne doivent pas être mêlées à des intérêts privés qui se sont immiscés dans le système par différentes manoeuvres, comme les accommodements avec les académies. Une autorité moderne en éducation doit avoir comme objectif de financer et de faciliter le développement de l'éducation à partir de l'expérience des éducateurs eux-mêmes. Le curriculum doit être décidé en fonction de qui il sert et en fonction des besoins et de l'avenir de la société.

Il faut un changement complet de direction, s'éloigner de la notion d'une éducation centrée sur le capital vers une éducation centrée sur l'humain. L'éducation est au coeur d'une nouvelle société, organisée pour garantir les droits de tous et leurs besoins matériels et culturels, et également pour permettre aux travailleurs d'avoir un contrôle sur leur vie et sur leur gagne-pain. Voilà comment la question se pose en termes du rôle unique de l'éducation pour l'avenir de la société, une éducation ayant comme raison d'être de développer et d'épanouir le facteur humain et la conscience sociale. C'est un monde aux antipodes de l'Ancien, tel que représenté par le département de l'Éducation, Ofsted, et leurs notions de « résultologie ».

La société est dans une situation critique où la demande en éducation augmente, ce qui veut dire une pression accrue sur les enseignants, une baisse du personnel, des attaques contre les régimes de retraite, des salaires peut attirants et une augmentation du coût de la vie. Le dépérissement des écoles et des collèges, le manque de ressources et de financement, et la diffamation provenant des médias et des politiciens de Westminster contribuent à cette catastrophe en devenir. Les enseignants préparent la stratégie et les tactiques de leur lutte imminente alors que le gouvernement et l'élite continuent leur offensive aux conséquences dévastatrices. Le défi des enseignants en ce moment est celui de l'avenir de l'éducation. En déclarant qu'assez, c'est assez, ils posent la question de quelle direction pour la société.

Cette année a été une année de grandes réalisations pour les enseignants et Workers' Weekly les félicite pour ces réalisations et pour leur persistance à trouver une solution qui leur est favorable. Les choses ne s'arrêtent pas ici. C'est une année qui peut servir de base pour l'avenir, leurs récentes luttes ayant mis en relief l'importance que les travailleurs jouent leur rôle à s'investir du pouvoir, au niveau du contrôle et des prises de décision. Les enseignants seront au rendez-vous pour entreprendre la lutte pour l'avenir de l'éducation, de l'éducation en tant que droit, et pour la mener à une nouvelle étape.

Note

1. « Pay offer consultation results », NEU, le 31 juillet 2023

(rcpbml.org.uk, le 5 août 2023. Traduit de l'anglais par LML.)


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Numéro 44 - 21 août 2023

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