Les négociations dans le secteur de l'éducation de la maternelle à la 12e année en Ontario
Les syndicats des enseignants et des travailleurs de l'éducation de l'Ontario tiendront des votes de grève
Tous les enseignants du système d'éducation financé par l'État de la maternelle à la 12e année en Ontario et de nombreux travailleurs de l'éducation sont sans nouvelle convention collective depuis le 31 août 2022, date à laquelle leur convention précédente a expiré. La convention précédente a été négociée dans les conditions de la loi anticonstitutionnelle de plafonnement des salaires du gouvernement Ford, la Loi 124, et du début de la pandémie de la COVID-19 au cours de laquelle les syndicats d'enseignants et de travailleurs de l'éducation ont interrompu les actions de grève en cours dans toute la province pour répondre aux conditions de la pandémie.
À ce jour, seuls les travailleurs de l'éducation représentés par le Conseil des syndicats des conseils scolaires de l'Ontario du SCFP (CSCSO) ont pu obtenir des conventions collectives acceptables à la suite de leur refus de se soumettre à l'utilisation par le gouvernement Ford de la disposition de dérogation pour imposer une convention collective par la force. Ce refus a montré qu'il est possible de dépasser les limites que le gouvernement et les tribunaux tentent d'imposer aux actions des travailleurs et à la réflexion sur ce qui est possible ou non et sur ce qui est légal ou non.
Depuis, le gouvernement Ford a refusé de négocier les questions de fond avec les autres syndicats qui représentent les enseignants et les travailleurs de l'éducation. En même temps, il a modifié les pouvoirs des conseils scolaires élus au niveau local, les plaçant plus directement sous le contrôle du ministre de l'Éducation. Il a également modifié les conditions d'obtention du diplôme pour les élèves de l'enseignement secondaire, a lancé de nouveaux programmes scolaires et imposé récemment aux élèves de l'enseignement élémentaire, de la maternelle à la deuxième année, un nouveau système d'évaluation de la lecture à l'échelle de la province. Tout cela s'est fait sans consultation, sans parler de négociations, avec les conseils scolaires ou les syndicats d'enseignants et de travailleurs de l'éducation.
En outre, le gouvernement a refusé d'accepter la décision de la Cour supérieure de justice de l'Ontario du 29 novembre 2022 sur la loi anti-travailleurs 124, Loi de 2019 visant à préserver la viabilité du secteur public pour les générations futures, qui a plafonné les salaires dans le secteur public en imposant une limite de 1% à toute hausse annuelle en dehors d'un processus de négociation. Le juge Markus Koehnen a conclu que la loi 124 était inconstitutionnelle et l'a déclaré « nulle et sans effet ». Il a soutenu avec force que le gouvernement n'avait pas négocié de bonne foi et que sa loi avait causé de graves dommages aux services publics de l'Ontario et, par extension, à ceux qui en dépendent. À la demande des parties, le tribunal a reporté l'examen de toute mesure corrective à une prochaine audience.
Peu après, le gouvernement de l'Ontario a fait appel de la décision, qui a été entendue du 20 au 23 juin. Aucune date n'a été fixée pour le prononcé de la décision.
Dans son mémoire d'appel, le gouvernement a avancé, entre autres, l'argument fallacieux que la loi 124 ne violait pas l'article 2(d) de la Charte des droits et libertés en partie parce que les limites imposées à la négociation étaient « limitées dans le temps », comme si cela justifiait la violation généralisée des droits. Le gouvernement a également soutenu que si la loi 124 limitait effectivement la négociation, la Cour aurait quand même dû s'en remettre au gouvernement sur une question d'ordre public importante. Le juge Koehnen a estimé que le gouvernement n'avait pas présenté d'arguments légitimes pour justifier la loi par une crise financière, étant donné qu'il cherche à accorder des réductions d'impôts aux grandes entreprises tout en affirmant qu'il doit limiter les dépenses publiques.
Avec son appel, le gouvernement tente de démontrer qu'il peut faire ce qu'il veut et agir en dehors des arrangements constitutionnels existants parce que : a) ces limites ne sont que temporaires et b) il est le gouvernement et quelle que soit la légitimité de son raisonnement, il devrait pouvoir faire ce qu'il veut sans que personne n'ait de recours devant les tribunaux. Aucun de ses arguments ne convainc personne, mais le gouvernement utilise son pouvoir pour tenter d'éviter de rendre des comptes, tout en refusant une fois de plus de négocier de bonne foi avec les enseignants et les travailleurs du secteur de l'éducation.
Alors que l'année scolaire doit commencer le 5 septembre en Ontario et que le gouvernement se livre à des manoeuvres aussi honteuses, deux syndicats qui représentent les enseignants et les travailleurs de l'éducation, la Fédération des enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) et la Fédération des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario (FEEO), ont annoncé qu'ils tiendraient des votes de grève au début de l'automne si le gouvernement continuait de refuser de négocier. Les votes de grève auront lieu après des réunions de masse des syndicats pour informer leurs membres de l'état des négociations et des raisons pour lesquelles ils estiment qu'un mandat fort pour une action de grève est nécessaire. La FEEO a annoncé que ces réunions pour ses membres commenceront à la mi-septembre, après la rentrée scolaire, ce qui les mettra en position d'entreprendre une action de grève si un accord ne peut être obtenu par la négociation. Depuis l'annonce des votes de grève, le gouvernement a convenu de nouvelles dates de négociation avec certains syndicats au cours du mois de septembre.
Lors de l'assemblée annuelle de la FEEO, qui s'est tenue du 14 au 17 août, la présidente du syndicat, Karen Brown, a expliqué que les changements apportés à l'éducation par le gouvernement Ford rappellent ceux apportés par le gouvernement de Mike Harris dans les années 1990. Ces changements ont amené les enseignants et les travailleurs de l'éducation à organiser la plus grande protestation politique et la plus grande grève en Amérique du Nord, ce qui a forcé le gouvernement à faire marche arrière dans son attaque vicieuse contre les conseils scolaires et l'éducation. Elle a souligné qu'à l'époque, le gouvernement Harris avait coupé 1 milliard de dollars dans l'éducation dans le cadre de sa restructuration, et qu'aujourd'hui, le gouvernement Ford « a coupé 2,5 milliards de dollars dans l'éducation publique en dollars réels depuis l'année scolaire 2018-2019, tout en s'asseyant sur 22 milliards de dollars de fonds non dépensés »
Cela montre que l'objectif global de la restructuration est de retirer les fonds publics de l'éducation, que le gouvernement au pouvoir utilise ensuite pour payer les riches de diverses manières. La résistance des enseignants et des travailleurs de l'éducation à ces attaques consiste en fait à empêcher le vol des fonds publics à des fins privées. Karen Brown a souligné qu'au cours de l'année écoulée, l'ensemble du mouvement syndical s'est rangé du côté des travailleurs de l'éducation pour dire NON ! à l'utilisation du projet de loi 28 pour imposer des conventions collectives et invoquer la disposition de dérogation, et que c'est ce qui a forcé le gouvernement à faire marche arrière.
Dans un bulletin de négociation adressé à ses membres, la FEESO note que les subventions annuelles pour les besoins des élèves, le mécanisme de financement des conseils scolaires basé sur les inscriptions et les établissements, ont diminué de 1 200 $ par élève après ajustement à l'inflation depuis que le gouvernement Ford a pris le pouvoir en 2018.
On lit également dans le bulletin : « On pourrait dire beaucoup de choses sur le besoin de stabilité dans les écoles au cours des prochaines semaines : le fait est que ce sont les contributions quotidiennes des membres d'OSSTF/FEESO et des autres enseignants et travailleurs de l'éducation de toute la province qui assurent la stabilité des élèves de l'Ontario. La stabilité future exige toutefois que ce gouvernement fournisse les ressources nécessaires pour que les écoles soient dotées d'enseignants et de travailleurs de l'éducation qualifiés. Le gouvernement Ford continue de priver le système éducatif du financement nécessaire pour les soutiens, les programmes et les professionnels dont les élèves ont besoin pour réaliser leur plein potentiel. En outre, l'approche de ce gouvernement, qui consiste à mettre en oeuvre des initiatives à la dernière minute et à ignorer l'avis des parents et des professionnels de l'éducation, est à l'opposé de la stabilité ».
Les enseignants et les travailleurs de l'éducation de l'Ontario ont appris par leur propre expérience que la seule façon d'établir une voie vers un accord négocié qui reconnaît leurs droits est de refuser de se soumettre aux diktats et aux menaces.
Cet article a été publié dans
Numéro 44 - 21 août 2023
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