Non aux changements d'offres de services et à l'antisyndicalisme
Ensemble avec les travailleurs du Wapasu Creek Lodge
Le 13 avril, quatre-cent travailleurs, représentés par la section locale 401 du Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC), du Wapasu Creek Lodge, un immense camp de travail de 5 174 chambres au nord de Fort McMurray, ont reçu des avis de licenciement après avoir voté à 95 % le rejet des demandes de l'employeur Civeo pour des baisses salariales de 20 %, des récupérations de leurs avantages sociaux, d'importantes réductions aux heures garanties et diverses réductions du soutien de base dont les travailleurs du Wapasu Creek Lodge ont besoin pour mener à bien leurs tâches. Les demandes de l'entreprise surviennent deux ans après la signature d'une convention collective de trois ans et demi.
Les travailleurs assurent la restauration, l'entretien ménager, les services de réception et d'accueil, l'entretien et la sécurité de l'installation qui héberge et nourrit les travailleurs des projets de sables bitumineux éloignés, dont le projet de sables bitumineux d'Imperial Oil à Kearl Lake. C'est grâce à eux que le campement a pu fonctionner pendant la pandémie, dans des conditions extrêmement difficiles. Les travailleurs soulignent que des projets majeurs comme celui de Kearl Lake, avec une capacité de production de 263 000 barils/jour de bitume, ne peuvent fonctionner sans Wapasu Creek Lodge. Il abrite non seulement les travailleurs en rotation qui arrivent et repartent en avion (« fly-in » et « fly-out ») de Kearl Lake et d'autres projets, mais également les travailleurs affectés aux fermetures annuelles qui sont maintenant en cours pour effectuer l'entretien. Les travailleurs du Wapasu Creek Lodge assurent tous les services nécessaires au bon fonctionnement du campement, mais le monopole arrogant basé au Texas a maintenant décidé de se débarrasser d'eux afin de les priver des salaires et des conditions de travail qu'ils ont établis. Pour y arriver, Civeo planifie de donner en sous-traitance la gestion et l'exploitation du campement à Aramark.
Le 2 décembre 2022, le syndicat a déposé une plainte de pratique déloyale de travail, auprès de la Commission des relations de travail de l'Alberta après que l'entreprise a exigé des concessions alors qu'une convention collective était en vigueur. Lorsque les travailleurs ont dit « non » et ont reçu des avis de licenciement, le syndicat a déposé le 27 avril 2023 des demandes de mesures provisoires et de déclaration d'employeur véritable/commun et/ou de successeur. La première demande mettrait fin aux licenciements jusqu'à ce que l'ensemble de l'affaire soit entendue, et la seconde établirait que Civeo reste l'employeur réel, ou que des droits de successeur existent et que la convention collective reste en vigueur. La section locale 401 a également demandé l'accès au site de travail.
L'audience sur la demande du 27 avril de mesures provisoires a commencé le 16 mai. Le 23 mai, au deuxième jour de l'audience, alors que seuls deux des 25 témoins du syndicat avaient été entendus, Civeo a présenté une requête pour rejeter sommairement la demande du syndicat, ce que la Commission des relations de travail a accepté. La Commission des relations de travail a ensuite déclaré qu'il n'y avait pas de temps disponible pour poursuivre l'audience avant le 8 juin, date à laquelle les travailleurs doivent être licenciés. La demande complète de la section locale 401 ne sera pas entendue avant le mois d'août, deux mois après que le notoire profiteur privatiseur mondial Aramark soit devenu le nouvel employeur. D'ici là, les travailleurs doivent trouver de nouveaux moyens d'affirmer leurs droits, car il est clair que l'on ne peut pas compter sur la Commission des relations de travail pour le faire à leur place.
La Commission des relations de travail a ignoré le fait, comme étant non pertinent, qu'une entreprise dont la seule activité est l'exploitation de camps de travail &ndash ; dont certains lui appartiennent &ndash ; sous-traite l'exploitation d'un camp de travail à un concurrent. N'oublions pas qu'en 2016, lorsque le NPD était au pouvoir en Alberta, Civeo a fait la même chose en demandant une réduction de salaire de 44 % aux 170 travailleurs du Beaver River Lodge, ce que les travailleurs ont également refusé. Civeo a ensuite licencié tout le monde dans le cadre d'un changement d'offres de services appelé « roulement de contrats », qui consiste à se faire passer pour une nouvelle entreprise et à s'attribuer le travail, en remplaçant les travailleurs par des travailleurs non syndiqués mal rémunérés. La Commission des relations de travail n'a même pas attendu que la section locale 401 ait présenté ses arguments pour prendre sa décision.
La Commission des relations de travail de l'Alberta a déclaré dans sa décision qu'elle n'avait le pouvoir d'accorder que des mesures « conservatoires », et non des mesures « correctives », et qu'accorder la demande du syndicat serait « corrective ». Le dictionnaire en ligne Webster définit le terme « correctif » comme suit : « Offrant un remède ; destiné à un remède ou à l'élimination d'un mal : comme, adopter des mesures correctives ; tendant à guérir ou à rétablir la santé ». Le dictionnaire Oxford définit le mot « préserver » comme « maintenir (quelque chose) dans son état d'origine ou existant ».
Les demandes de la section 401 auprès de la Commission des relations de travail visaient précisément à préserver ce que les travailleurs ont établi sous la forme de leur syndicat, de leur convention collective et de leurs normes. De nombreux travailleurs du Wapasu Creek Lodge y travaillent depuis de nombreuses années. Ils ont lutté pour s'organiser et obtenir des salaires, des conditions de travail et des avantages sociaux acceptables pour eux. Les travailleurs autochtones ont lutté pour faire respecter leurs droits, notamment celui d'avoir un espace pour organiser des cérémonies et d'autres formes de reconnaissance. Accueillir la demande de mesures provisoires signifierait qu'ils conserveraient leur emploi et qu'ils préserveraient les salaires et les conditions de travail qu'ils ont obtenu avec leur syndicat. Cependant, la Commission des relations de travail prend ses décisions sur la base des précédents établis par les gouvernements successifs. Ces précédents affirment les intérêts étroits des monopoles à faire ce qu'ils veulent, tandis que les travailleurs sont limités par des décisions juridiques qui sont mauvaises pour les travailleurs qui effectuent le travail, mauvaises pour les travailleurs desservis par les campements et mauvaises pour la société elle-même.
Le rejet par la Commission des relations de travail de la demande de mesures provisoires ouvre la voie à la conclusion de la commission que le « nouvel entrepreneur », quel qu'il soit, ne sera pas lié par la convention collective, ne sera pas tenu de garder les travailleurs et ne fera rien d'autre pour préserver leur moyen de subsistance et faire respecter leurs droits.
Cette situation fait honte au Canada et aux prétentions des gouvernements à protéger les droits et à ne pas autoriser les formes de trafic des êtres humains. Bien entendu, les gouvernements ne sont pas uniquement à la disposition des intérêts privés étroits qui osent traiter la main-d'oeuvre de cette manière. Ils ont en fait été pris en charge par ces intérêts privés étroits et passent leur temps à adopter des lois qui permettent à ces intérêts d'agir en toute impunité, d'une part, et qui limitent les travailleurs à ne rien pouvoir faire pour y remédier, d'autre part.
L'action collective pour mettre fin à cette situation est devenue le plus grand défi auquel est confronté le mouvement des travailleurs, en particulier lorsque certains dirigeants syndicaux sont d'accord avec les gouvernements en question pour dire qu'il est nécessaire de servir ces intérêts privés étroits afin de préserver les emplois, d'attirer les investissements, etc. Il est également vrai que les syndicats sont attaqués, supprimés ou remplacés par des organisations créées par les employeurs pour diviser les travailleurs et les maintenir dans le droit chemin. Les pratiques antiouvrières légalement protégées sont devenues de plus en plus flagrantes. Une société moderne exige de nouveaux moyens de mobilisation et d'organisation en faveur des travailleurs. Il n'y a pas d'autre choix que de s'y atteler. La section locale 401 a mobilisé les travailleurs qui vivent dans les campements pour qu'ils se joignent à la lutte, qu'ils fassent bloc et qu'ils ne permettent pas l'attaque vicieuse contre les travailleurs qui veillent à ce que les campements fonctionnent sans heurts et conformément aux exigences de santé publique, ce qui est un problème majeur lorsque des milliers de personnes entrent et sortent des camps de travail.
Lorsque la sécurité des travailleurs qui gèrent les campements est si gravement compromise, cela affecte directement les travailleurs qui vivent dans les campements. Ils en subiront également les conséquences négatives. Il est déjà assez difficile de vivre dans l'isolement en pleine nature, sans avoir à composer avec le déclin inévitable des normes dans le campement lorsque les travailleurs qui ont des années d'expérience sont jetés à la rue.
Cet article a été publié dans
Numéro 28 - 29 mai 2023
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