Assemblée nationale du Régime de retraite des enseignantes
et enseignants de l'Ontario

Les enseignants veulent avoir leur mot à dire sur où le régime investit

Le 13 avril, à Toronto, le Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario (RREO) a convoqué son assemblée annuelle pour les actionnaires, c'est-à-dire toute personne ayant un diplôme valide d'enseignement en Ontario et qui est employé soit en tant qu'enseignant dans une classe ou dans d'autres postes dans un conseil scolaire ontarien, une école privée désignée ou un autre organisme désigné. L'assemblée était en présentiel à la bibliothèque de référence de l'Ontario et en ligne, avec une participation combinée d'au moins 300 personnes.

À l'extérieur de la réunion, des groupes ont distribué de l'information aux participants, partageant leurs opinions sur les placements du régime. Par exemple, 150 tracts ont été distribués par Empower Yourself Now au sujet des placements du régime dans Stone Canyon Industries Holdings Inc., une compagnie américaine antisyndicale qui est active au Canada.

Le président du conseil d'administration du RREO, Steven McGirr, a présidé l'assemblée et son président et directeur général, Jo Taylor, ainsi que d'autres responsables ont fait un compte-rendu aux participants sur le rendement du régime au cours de l'année dernière, en termes de rendement et des services offerts aux membres du régime.

Quelque 183 000 membres actifs contribuent au régime et 153 000 membres reçoivent une pension. En moyenne, un membre du régime reçoit une pension pour 32 ans. En 2022, le régime s'est accru de 4 % et avait des avoirs de 247 milliards de dollars à la fin de l'année, une augmentation de 5 milliards par rapport à l'année précédente. Il est entièrement capitalisé pour la dixième année consécutive et a un taux de croissance de 9,8 % depuis sa création en 1990. En 2022, le régime a versé 7,2 milliards de dollars en pensions et en bénéfices, comparativement à 6,9 milliards l'année précédente, et a augmenté ses prestations de 6,3 %, offrant ainsi une protection contre l'inflation à ses membres – ce qui a été reconnu par les participants membres du régime comme étant un mécanisme important qui assure la stabilité des revenus des retraités.

En 2022, le régime a ouvert des bureaux à San Francisco et à Mumbai pour élargir sa portée internationale. Les gestionnaires du régime considèrent que San Francisco leur permet d'être à la fine pointe de la technologie, et Mumbai serait un lieu où il y a moyen d'investir dans une Inde en essor et dans ce que l'Inde appelle ses « entreprises familiales ». Une de ces « entreprises familiales » est le Mahindra Group, un conglomérat multinational indien qui est actif dans plus de 100 pays, dans des secteurs tels que l'aérospatial, l'agroalimentaire, le marché secondaire des pièces automobiles, l'équipement de construction, la défense, l'énergie, l'équipement agricole, la finance et l'assurance, l'équipement industriel, la technologie informatique, les loisirs et la restauration, la logistique, l'immobilier, la vente au détail et l'éducation[1][2].

Dans leurs présentations, les responsables ont mis l'accent sur la diversification de leurs portefeuilles en tant que moyen d'affronter les crises mondiales. C'est une question qui est revenue à plusieurs reprises pour justifier l'expansion mondiale du régime ainsi que ses placements dans ce qu'on appelle des entreprises à risque et dans des industries qui sont d'importants émetteurs de carbone.

Le président et directeur général du régime Jo Taylor a répondu aux inquiétudes de plusieurs au sujet des placements du régime dans la présentement défunte plateforme d'échange de cryptomonnaie, FTX, dans des grands monopoles de combustibles fossiles et au sujet de la présence grandissante de représentants des monopoles du pétrole et du gaz dans son conseil d'administration. Le CA est nommé par la Fédération des enseignantes et enseignants de l'Ontario et le gouvernement ontarien qui gèrent conjointement le régime de retraite.

Jo Taylor a dit de leur perte de 95 millions de dollars dans FTX qu'il s'agissait d'une expérience dans la sphère de la cryptomonnaie par l'équipe de croissance à risque du régime. En dépit de leur diligence raisonnable et du recours à des firmes de consultation extérieures, la compagnie a dissimulé de l'information, a-t-il dit. Selon lui, l'investissement dans la plateforme d'échange de cryptomonnaie était une façon de se frayer un chemin sur les marchés de la cryptomonnaie et d'apprendre comment ils fonctionnent. Ils apprennent de leurs erreurs, mais assument leurs décisions, a-t-il dit.

Au sujet des investissement dans les combustibles fossiles, il a présenté les placements non pas comme des décisions qui contribuent à l'augmentation des émissions de carbone, mais comme un moyen d'influencer les grands émetteurs de carbone par le biais du pouvoir et de l'influence du régime de retraite pour les convaincre de réduire leurs émissions de carbone. Il s'est référé particulièrement à la génération de gaz naturel comme d'un « combustible transitoire » qui contribuera à la transition vers « l'économie verte ». À cet effet, il a souligné que le fond allait investir 5 milliards de dollars dans les « actifs de transition élevés en carbone ». Tout cela, a-t-il dit, était une meilleure stratégie que de désinvestir et aurait un véritable impact mondial plutôt que de refiler les problèmes à d'autres.

Après les présentations, les questions recueillies à l'avance et venant de la salle ont été abordées. Un certain nombre de questions étaient en réponse à l'affirmation que le régime devrait maintenir ses investissements dans les combustibles fossiles ainsi qu'autoriser les représentants de certains des plus grands pollueurs à siéger sur son conseil d'administration. Des préoccupations ont aussi été exprimées au sujet du respect du droit des peuples autochtones au consentement préalable, libre et éclairé lorsqu'il est question d'activités sur leurs terres. Les responsables du régime ont réitéré leur approche d'investir de sorte à influencer les émetteurs et ont donné comme exemple de leur travail auprès des peuples autochtones leurs investissements dans la privatisation des services publics au Chili, en particulier le système d'alimentation en eau potable, dont les infrastructures passent dans les territoires autochtones.


La présidente de la FEEESO, district 9 de Greater Essex, Erin Roy, intervient à l'assemblée.

Le même raisonnement au sujet d'influencer les compagnies dans lesquelles ils investissent ne s'est pas appliqué lorsqu'a été soulevée la question des investissements dans une société de portefeuille qui ne négocie pas de bonne foi avec les travailleurs à Sel Windsor à Windsor, en Ontario. La présidente de l'Association des enseignants catholiques anglophones de l'Ontario, Barb Dobrowolski, et la présidente du District 9 de la Fédération des enseignantes et enseignants des écoles secondaires de l'Ontario dans Greater Essex, Erin Roy, ont demandé pourquoi le régime n'exerçait pas son influence grâce à son siège sur le conseil d'administration de Stone Canyon Industries Holding Inc. et son 15 % d'actions dans la compagnie pour défendre les valeurs des membres du régime face aux activités antisyndicales de la compagnie dans trois provinces du Canada. Les deux ont souligné qu'ils avaient été informés par plusieurs membres du régime des activités de Stone Canyon et de comment les fonds du régime servent à attaquer les syndicats[3].

La réponse des responsables du régime a été de dire que, parce qu'ils ne sont pas propriétaires de la compagnie, ils ne peuvent pas vraiment dire à ses gestionnaires de faire des affaires différemment, mais ont dit qu'ils auraient une « conversation » à ce sujet. Ils n'ont pas répondu à ceux qui ont demandé pourquoi ils investissaient dans une compagnie qui va à l'encontre des valeurs des membres du régime en premier lieu, ou ceux qui leur ont posé des questions sur le deux poids deux mesures lorsqu'ils prétendent utiliser leurs investissements dans les combustibles fossiles pour influencer les compagnies pour qu'elles assument leurs responsabilités de réduire les émissions de carbone, mais sont incapables d'intervenir lorsqu'il s'agit des droits des travailleurs. Le silence comme toute réponse à cette question n'a pas été appréciée par les personnes présentes.

Certaines questions ont porté sur les investissements mondiaux du régime et certains prônaient plus d'investissements au Canada et dans des entités canadiennes. Certains membres ont soulevé des préoccupations spécifiquement au sujet de la situation dans le monde et de sa bifurcation, et, dans une des interventions, les actions hors la loi accrues des États-Unis et de l'OTAN qui gèlent unilatéralement les avoirs de pays comme la Russie, et d'individus, et que cela pourrait aussi arriver au Canada et à des Canadiens. D'autres préoccupations touchaient à la participation du régime au Forum économique mondial avec des élites mondiales qui sont parmi les personnes les plus riches au monde et qui dominent le monde de diverses manières.

Les représentants du régime ont expliqué que la meilleure réponse à l'insécurité mondiale et ce qu'ils ont qualifié de menace au fonctionnement de la société est la diversification de portefeuille. Le directeur des investissements du régime a dit qu'ils n'avaient aucun ou très peu d'investissements en Russie et que les gestionnaires du plan croient « qu'en dépit des préoccupations », le régime peut obtenir des rendements sur le développement d'infrastructures et la population croissante de l'Inde.

Dans l'ensemble, les préoccupations exprimées ont montré la conscience des membres – ils veulent que les investissements de leur régime de retraite reflètent leurs valeurs en tant qu'enseignants et éducateurs de la nouvelle génération. Le fait que leur rôle est limité à une assemblée générale annuelle une fois par année où ils peuvent poser des questions d'une minute pendant une heure sans pouvoir vraiment diriger leur régime de retraite de façon significative était évident, puisqu'il n'existe pas encore de façon concrète par laquelle ils peuvent participer à la délibération sur leur régime et son rôle et faire connaître leurs points de vue. C'est un défi que doivent relever tous les travailleurs du Canada en ce qui concerne leurs régimes de retraite. Le but de l'industrie des pensions de faire le retour le plus élevé peu importe dans quoi l'argent des membres est investi, que « les affaires sont les affaires », n'est pas conforme à la volonté de la majorité des enseignants.

Cliquer ici pour voir une vidéo des enseignants qui demandent au régime de pension d'aider à faire cesser la campagne antisyndicale à Windsor.

Notes

1. Revenu du Mahindra Group – 19 milliards de dollars US
Propriétaire : Anand Mahindra
Nombre d'employés : 260 000+ (2022)

Succursales
Mahindra & Mahindra
Tech Mahindra
Mahindra & Mahindra Financial Services Limited
Mahindra Defence
Mahindra Aerospace
Club Mahindra Holidays
Comviva
Mahindra Lifespace Developers
Mahindra Ugine Steel
Mahindra Susten
Mahindra Agri Business
Mahindra Heavy Engines Ltd
Mahindra EPC Irrigation Ltd.
Mahindra Water Utilities Ltd.
Bristlecone
Mahindra Systech
Mahindra Logistics

2. Selon Wikipedia, le président émérite de Mahindra & Mahindra, Keshub Mahindra, était le directeur général de Union Carbide India Ltd. lorsque, dû à la négligence de l'employeur, il y a eu le désastre de Bhopal dans la nuit du 2 et du 3 décembre 1984, la pire catastrophe industrielle au monde. Union Carbide produit des pesticides. Plus de 500 000 personnes ont été exposées au très toxique gaz d'isocyanate de méthyl (MIC) qui s'est écoulé de l'usine. Le taux de mortalité varie, mais le nombre officiel de décès immédiats est de 2 259 et le nombre rapporté par les résidents est beaucoup plus élevé. Ce n'est qu'en 2008 que le gouvernement du Madya Pradesh a accordé une indemnisation symbolique aux membres de la famille des 3 787 victimes tuées par la fuite de gaz, et aux 574 366 blessés. En 2006, dans une déclaration sous serment, le gouvernement affirmait que la fuite avait causé 558 125 blessures, y compris 34 478 blessures partielles temporaires et près de 3 900 blessures graves ou invalidantes et permanentes. D'autres estiment que 8 000 personnes sont mortes dans l'espace de deux semaines et 8 000 personnes de plus sont mortes depuis ce temps de maladies liées aux gaz.

Union Carbide India Ltd. (UCIL) appartenait majoritairement aux États-Unis et des banques contrôlées par le gouvernement indien et que le public indien avait des actions de 49,1 %. Entre 1986 et 2012, des démarches judiciaires au civil et au criminel contre la Union Carbide Corporation (UCC) ont été faites aux États-Unis mais ont été rejetées à plusieurs reprises par les tribunaux américains pour qui la compagnie était une entité indienne autonome. En 1989, UCC s'en est tiré en payant 470 000 millions de dollars (l'équivalent de 907 millions en 2021) pour régler un litige touchant à la catastrophe.

Des accusations au civil et au criminel ont aussi été portées à la cour de district de Bhopal, en Inde, impliquant UCC, UCIL et le PDG de UCC, Warren Anderson. En juin 2010, sept ressortissants indiens, qui étaient des employés de UCIL en 1984, y compris l'ancien président de UCIL Keshub Mahindra, ont été trouvés coupables à Bhopal d'avoir causé la mort par négligence et condamnés à deux ans d'incarcération et une amende de 2 000 dollars chacun, la peine maximale autorisée par le droit indien. Tous ont été libérés sous caution peu après la sentence. Un huitième ancien employé a aussi été condamné, mais est décédé avant que tombe la sentence.

Tout ce que Mahendra a payé est une amende de Rs1 Lakh, l'équivalent aujourd'hui de 1 631, 73 dollars CAD.

3. « Teachers' Pension Plan Major Investor in U.S. Company Attacking Windsor Salt Workers », Empower Yourself Now, March 9, 2023



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Numéro 22 - 25 avril 2023

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