Les solutions des travailleurs de la santé en Nouvelle- Écosse pour immédiatement améliorer la rétention et le recrutement

– Entretien avec Sandra Mullen, présidente du Syndicat des employés généraux et gouvernementaux de la Nouvelle-Écosse –

Forum ouvrier : Récemment, selon le quotidien The Signal, vous avez dit : « Je crois que nous sommes à un point de rupture », au sujet de la situation dans les soins de santé. Pouvez-vous nous en parler davantage ?

Sandra Mullen : Nous travaillons avec nos membres en santé et en soins infirmiers depuis plusieurs mois. C'est une crise qu'ils tentent de gérer. Lorsque nous disons que la situation est à un point de rupture, c'est que les gens quittent. Comme vous le savez, partout au pays, tout le monde est dans la même situation.

Certaines provinces offrent des incitatifs pour séduire et attirer les gens. Il y en a qui quittent la Nouvelle-Écosse. Moi-même je connais une personne qui est retournée à l'Île-du-Prince-Édouard d'où elle venait, parce que le gouvernement et la santé publique de cette province avaient un programme incitatif tel qu'il a fait partir nos infirmières.

Le salaire, c'est important, donc lorsqu'une province augmente son taux de rémunération dans un secteur donné, cela affecte les ressources que nous avons, puisque les gens quittent en raison de conditions de travail terribles. Ensemble, tous ces facteurs font en sorte qu'une infirmière avec 30, 20 ou même 15 années d'expérience dit qu'elle ne peut plus faire ce travail. Elle se met à chercher n'importe quel travail qui offre de meilleures conditions de travail. Donc, lorsque nous rencontrons le gouvernement et que nous parlons de recrutement et de rétention, nous disons qu'il ne s'agit pas que des salaires, mais que nous devons améliorer les conditions de travail.

Nous avons rencontré nos travailleuses des urgences avant Noël. Elles étaient au point de rupture. Elles souffraient d'une pénurie de personnel et craignaient que quelqu'un meure dans la salle d'attente. Et malheureusement, avant que nous puissions en informer le public et rencontrer le gouvernement, quelqu'un est décédé dans une salle d'attente à Amherst, dans un de nos hôpitaux locaux, près de la frontière du Nouveau-Brunswick. Ce n'est pas notre personnel qui travaille sur ce site, mais celui du Syndicat des infirmières de la Nouvelle-Écosse.

Si toutes les urgences sont si surchargées, c'est parce qu'il y a un manque terrible de médecins de famille, et le nombre est à la hausse. On nous dit que le nombre de Néo-Écossais qui n'ont pas de médecin de famille est passé de 90 000 à 120 000. Si vous n'avez pas de médecin de famille, si vous vivez une situation critique, vous vous retrouvez à l'urgence. Toutes ces questions ont fait la une des journaux, ce qui a aidé à populariser ce problème. Nous avons écrit une lettre au gouvernement et à la santé publique et proposé 59 recommandations permettant d'améliorer les conditions de travail. Je sais qu'on ne peut pas construire un hôpital du jour au lendemain pour augmenter le nombre de lits. Le gouvernement a présenté un plan pour améliorer la situation. Certaines des choses qu'il a dites doivent être faites, mais ce n'est pas une solution miracle.

Il y a aussi la question des infirmières volantes, celles qui travaillent pour une agence et qui dispensent les soins qui leurs sont confiés. Leurs salaires sont plus élevés parce qu'elles n'ont pas d'avantages sociaux. Elles vont là où l'agence leur dit d'aller. Nos propres employés n'apprécient pas le fait que ces infirmières aient quitté leur emploi auprès de la santé publique pour trouver un travail auprès d'une agence pour ensuite retourner dans le même hôpital aux côtés de leurs anciennes collègues de travail mais avec des salaires beaucoup plus élevés. Ou encore, elles travaillent dans un autre hôpital mais n'ont pas accès aux informations technologiques, de telle sorte qu'elles ne peuvent pas vérifier les analyses de sang à l'ordinateur et, dans certains cas, ne peuvent tout simplement faire le travail que ferait le personnel permanent à temps plein.

Les infirmières volantes ne sont pas la solution. Le gouvernement verse des millions de dollars pour ces infirmières volantes et, bien sûr, les agences en reçoivent une grande part. Nos disons que le gouvernement doit régler le problème du recrutement et de la rétention. Nous devons être concurrentiels avec les autres provinces, puisque tout le monde cherche à embaucher le même personnel.

Nous devons pouvoir garder notre personnel au moyen d'un salaire concurrentiel et être concurrentiel dans le recrutement des gens. C'est la même chose pour les primes à la signature. Sinon, nous allons perdre du personnel aux autres provinces. Et cette crise des soins de santé sévit dans tout le pays.

FO : Pouvez-vous nous parler des recommandations que vous avez faites au gouvernement concernant la crise dans les urgences ?

SM : Dans ces recommandations, nous traitons de tout, nous avons soulevé la question de la sécurité du personnel, la possibilité de primes pour les infirmières dans des situations de pénurie de personnel, y compris des régimes de rémunération qui permettraient d'atténuer ces pénuries.

Mais nous parlons aussi de leurs conditions de travail. Par exemple, il faut davantage d'infirmières de triage et qu'un personnel d'appoint soit de garde pendant la journée pour que les évaluations au triage se fassent plus rapidement. Dans nos recommandations, nous parlons de changer la culture des pauses. Les pauses sont importantes puisqu'elles réduisent le risque d'erreurs et retiennent le personnel. Les gestionnaires doivent activement planifier les pauses pour le personnel. Nos recommandations touchent aussi au fait que nos infirmières autorisées font des prises de sang, alors que d'autres pourraient le faire. Nous devons faire bon usage des autres ressources de l'hôpital et de la santé publique. Les ressources ne sont pas réparties avec discernement.

Nos recommandations portent également sur le confort élémentaire du patient. Nos membres travaillent dans des conditions où les gens attendent à l'urgence pendant 12 ou 14 heures et, lorsqu'ils peuvent enfin s'occuper du patient, il n'y a plus rien que celui-ci peut se mettre sous la dent, ni même une tasse de thé ou un rôti, puisque les services alimentaires sont fermés. Ces patients doivent pouvoir se nourrir.

Nous travaillons avec l'employeur et nos membres pour trouver des solutions qui pourraient fonctionner du moins temporairement. Nos infirmières et infirmiers ont commencé leurs négociations et il y a beaucoup de choses à régler au-delà des salaires. Évidemment, le recrutement et la rétention sont des questions majeures.

Nous travaillons constamment avec nos membres, en leur nom, pour défendre leur sécurité et faire en sorte qu'on réponde à leurs préoccupations.


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Numéro 8 - 3 mars 2023

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