Des attaques contre les syndicats du secteur public au Québec

Pour hausser l'utilisation des pouvoirs exécutifs contre les travailleuses et les travailleurs

‐ Pierre Chénier ‐

Le premier ministre du Québec, François Legault, et la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, responsable de la négociation avec les travailleuses et travailleurs du secteur public, se sont lancés dans une attaque fortement médiatisée contre les travailleurs et leurs syndicats. Les syndicats tentent en ce moment de renouveler leurs conventions collectives, qui arrivent à terme le 31 mars, par la négociation de salaires et de conditions de travail que les travailleurs jugent acceptables.

Le premier ministre François Legault a accusé les syndicats d'être « dans une logique de femeture » parce qu'ils refusent de participer à ce qu'il appelle des forums de discussion publics, qui sont organisés par le gouvernement à l'extérieur et à l'encontre du processus légitime de négociation. Sa campagne médiatique vise à semer le doute sur l'insistance des syndicats que les discussions aient lieu dans le cadre de véritables négociations où ils présentent les revendications des travailleurs. Les syndicats soulignent que les forums publics de discussion sont inacceptables parce qu'ils outrepassent les tables de négociation centrales et locales et les processus juridiques en place. En plus, le gouvernement, qui a le pouvoir de l'État de son côté, est celui qui fixe l'ordre du jour de ces forums, en fonction de ce qu'il appelle les « changements fondateurs » qu'il a identifiés comme prioritaires. La nature de ces « changements fondateurs » est révélée par le thème général de ces discussions : le besoin de plus de flexibilité dans les conventions collectives.

Les événements récents dans la région de la Mauricie-Centre-du-Québec démontrent clairement ce que le gouvernement veut dire avec sa demande de « flexibilité ». Les infirmières de cette région protestent contre l'imposition de conditions de travail qui les forcent à travailler dans des secteurs qui ne leur sont pas familiers, avec tous les risques que cela comporte pour elles et pour les patients. C'est un exemple de la restructuration que le gouvernement veut imposer partout.

Le premier ministre du Québec essaie de créer un fossé entre les travailleurs et leurs syndicats. « Mais en attendant, c'est vous qui attendez à l'urgence et les infirmières qui travaillent dans des conditions difficiles, écrit-il sur sa page Facebook le 25 février. En attendant, les enseignants travaillent dans des conditions qui ne sont pas idéales. Si les dirigeants syndicaux acceptaient de changer d'attitude, de sortir de leur logique de fermeture et venaient discuter avec nous pour changer les choses, ça irait plus vite. Ce serait mieux pour les Québécois et ce serait mieux pour les infirmières et les enseignants. J'espère sincèrement que les dirigeants syndicaux vont rapidement accepter de faire partie de la solution. On les attend. »

Pendant ce temps, le premier ministre et la présidente du Conseil du trésor s'affairent à présenter ces soi-disant forums comme une table de négociation centrale.

Le 27 février, en entrevue à la radio, la présidente du Conseil du trésor a qualifié les forums de discussion de « tables de négociation » avec les syndicats, un « lieu à côté » des autres tables, « une table centrale ajoutée ».

Plus tôt pendant le mois, un article a été publié sur le site web du Conseil du trésor intitulé « Forums de négociation accélérée – Négociations : Le gouvernement passe de la parole aux actes ».

On y lit : « Une offre gouvernementale a été présentée aujourd'hui aux forums de négociation accélérée Équipe classe, Équipe soins et Équipe santé mentale, tenus en vue du renouvellement des conventions collectives 2020-2023 des secteurs public et parapublic. Cette offre, inédite en début de négociation, a été mise de l'avant par Sonia LeBel, ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor. »

Une table centrale de négociation est une table qui réunit les comités de négociation des deux parties, employeurs et syndicats, qui règlent les questions nationales telles que les salaires, les pensions et autres. Il convient de noter que ces forums de négociation accélérée étaient tellement accélérés que, s'ils se sont tenus, c'était en l'absence de tout représentant syndical.

C'est un geste très arrogant de la part de ceux qui ont saccagé le système de santé et les services sociaux, de pointer du doigt les autres et de se dire les porteurs de solutions. Entre autres choses, ils ont géré la pandémie par des arrêtés ministériels pendant deux ans et demi, qui ont annulé les conditions de travail négociées des travailleurs et des travailleuses. Cela a provoqué des démissions massives de personnel dans le réseau de santé. Les conditions encore plus intenables qui ont été créées sont l'entière responsabilité du gouvernement et de personne d'autre. À juste titre, les travailleurs et les travailleuses rejettent tous les efforts visant à nier leur voix et les revendications et les solutions qu'ils veulent présenter à des tables de négociation où des ententes mutuellement acceptables sont censées être conclues par la négociation.

La préparation du terrain à de nouveaux coups ministériels

En se livrant à cette attaque publique contre les syndicats du secteur public, le gouvernement Legault essaie ouvertement de miner les négociations. La Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) a révélé qu'elle a proposé 28 dates de rencontre à la partie patronale en février et en mars, et que celle-ci n'en a retenu que quatre. Dans sa propagande, le gouvernement dénigre les négociations en disant qu'elles sont interminables, qu'il y a trop de syndicats en jeu qui représentent le même secteur, que chacun a ses demandes et que la situation est urgente. Le dénigrement de la négociation et le blâme jeté aux syndicats qu'ils retardent les négociations, alors qu'il est urgent de corriger la situation intenable qui perdure dans les hôpitaux et les secteurs de l'éducation et de la santé, va de pair avec la propagande qu'il y a trop de syndicats dans un même secteur et qu'il faut créer une forme centralisée sous la gouverne ministérielle pour protéger le public et les travailleurs et accélérer le processus. C'est fait de façon intéressée, au nom de l'égalité et du bien public.

« Ce n'est pas vrai que je vais avoir deux classes d'enseignants ou deux classes d'infirmières au Québec. On a plus qu'un syndicat qui représente les infirmières et plus qu'un syndicat qui représente les enseignants », a dit la ministre LeBel au journal La Presse plus tôt en février.

Au nom de l'urgence et du bien collectif, les syndicats sont présentés comme ayant des intérêts étroits, différents selon chacun. Le but est de préparer une imposition des salaires et des conditions, ce à quoi les travailleurs sont opposés. Cela vise aussi la création d'une instance décisionnelle sous l'autorité ministérielle. Ce qui a d'abord été qualifié de « forum public de discussion » est rapidement devenu une « table de négociation » sans même que les syndicats aient été informés de comment ils y seraient incorporés, sans parler d'être consultés ou autorisés à y prendre les décisions qui affectent leur vie.

La situation est utilisée comme un terrain d'essai pour une nouvelle restructuration de l'État dans laquelle les pouvoirs exécutifs sont renforcés au service des intérêts privés étroits. Cela n'a rien à voir avec une solution centrée sur l'humain de quelque problème que ce soit dans la santé, l'éducation ou les autres services sociaux publics. Créer des forums publics de discussion qui annulent tout espace qui permet aux travailleurs de faire entendre leur voix est quelque chose de frauduleux et le gouvernement doit être forcé de rendre des comptes.

Dans ce sens, les syndicats ont tout intérêt à maintenir leur rejet de ces forums et à insister pour que leurs revendications et leurs solutions soient mises sur la table pour y être négociées.

L'utilisation des pouvoirs ministériels de l'État pour obtenir un résultat que les intérêts privés étroits désirent ne fera qu'aggraver la situation dans le secteur public. Les salaires et les conditions de travail des travailleurs sont les conditions d'apprentissage des étudiants et les conditions des soins de santé au public. Ils ne font qu'un. Ce sont les travailleurs et leurs syndicats, et non le gouvernement, qui ont la raison morale de leur côté dans cette bataille contre la tentative du gouvernement d'agir en toute impunité au nom du bien public.


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Numéro 8 - 3 mars 2023

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