Un représentant syndical de Montréal explique la situation

Alors que les conditions de travail des infirmières et infirmiers de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont se sont encore aggravées en janvier, Forum ouvrier s'est entretenu avec Denis Cloutier, le président du Syndicat des professionnelles en soins de l'Est-de-l'Île-de-Montréal (SPS-ESTIM), sur la situation qui prévaut à l'hôpital.

Contrairement à ce qu'affirme le ministre de la Santé Christian Dubé, à savoir qu'il y a un problème de mésentente avec la direction du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l'Est-de-l'île-de-Montréal et que tout est une affaire de gestion locale des horaires, le représentant syndical dit que les travailleurs n'ont « pas de problème de communications avec la direction du CIUSSS ». « Le ministre a nommé une conciliatrice, nous l'avons rencontrée avec la direction générale, explique-t-il. Elle a vite réalisé que nous sommes capables de nous parler. Par contre, il n'y avait pas de représentant du ministère à cette rencontre. Pourtant l'enjeu est au niveau du ministère.

« Le problème c'est que nous n'avons pas assez de personnel à l'urgence, a-t-il ajouté. Si vous n'avez pas assez de monde, jouer avec les horaires ne va pas régler le problème. En plus, la pénurie nous frappe particulièrement fort. Nous avons un très gros territoire qui dessert une population qui n'arrête pas de grandir. HMR fait partie des hôpitaux névralgiques qui desservent une grande population et un grand territoire. Nos hôpitaux qui font partie de notre CIUSSS sont vétustes. Il y a des milieux qui sont plus attractifs que d'autres. Qu'on pense au Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM), qui est flambant neuf, climatisé, relié directement au métro. Maisonneuve-Rosemont est un vieil hôpital, pas ventilé, mal desservi par les transports en commun. Il y a un paquet de facteurs qui font que nous manquons de personnel. C'est plus difficile d'attirer du monde dans un hôpital comme le nôtre. Il faut mettre en place des incitatifs additionnels pour attirer des employés dans ces milieux. Il faut une volonté politique pour régler le problème mais on ne la voit pas. Le problème ne peut pas être réglé au niveau local, Nous n'avons pas de budget au niveau local pour cela.

« Nos infirmières ont à coeur le bien-être de leurs patients, a-t-il conclu. Elles sont aux prises avec leur conscience et leur impression qu'elles ne sont pas capables d'offrir des soins de qualité. Il faut que le ministre prenne ses responsabilités afin de bien répartir la main-d'oeuvre pour offrir des soins de santé à tous les Québécois sur l'ensemble du territoire du Québec. »

Dans un entretien récent, Denis Cloutier a résumé les développements qui ont eu lieu depuis l'action des infirmières.

Il a dit que l'HMR continue de recevoir environ 25 % d'ambulances de moins que ce qu'il reçoit habituellement. La conciliatrice est en discussion avec la direction du CIUSSS et le syndicat pour prendre des mesures à l'interne pour alléger la situation. Des infirmières d'autres établissements sont venues prêter main-forte à l'urgence, et le syndicat remercie de tout coeur les infirmières qui se sont portées volontaires pour le faire. Certaines sont venues pour un quart de travail, d'autres pour plus d'un quart, ce n'est pas déterminé encore combien de temps dureront ces renforts.

Il a ajouté que des infirmières de l'urgence ont quitté le département pour aller travailler dans d'autres établissements, la situation étant intenable.

« En plus du fait que nous avons peu de personnel à l'urgence, avec seulement 30 % des postes de nuit et 50 % des postes de soir qui sont dotés, nous avons perdu de l'expertise, en perdant notamment l'infirmière qui fait le triage à l'urgence, a-t-il dit. Il faut avoir travaillé à l'urgence pendant un bon moment pour pouvoir être au triage. La situation à l'urgence demeure extrêmement fragile et précaire. »

Au sujet des demandes du syndicat pour corriger la situation, il a dit : « Nous avons pris certaines mesures en ce qui concerne l'aménagement du temps de travail, en offrant aux infirmières des horaires de travail comme sept jours de travail, avec possiblement du temps supplémentaire, suivis de sept jours de congé, ce qui fait qu'elles ont sept jours pour se remettre. Le ministère n'a pas répondu favorablement à nos demandes d'incitatifs pour attirer des infirmières. Ce n'est pas qu'on croit que l'argent peut tout résoudre mais il y a des endroits où c'est plus difficile d'attirer du personnel, comme les hôpitaux de notre CIUSSS, dans les Laurentides, en Montérégie, dans le Nord-du-Québec. On y trouve des hôpitaux vétustes, qui ne sont pas capables d'attirer du personnel, et ils maintiennent les services par le temps supplémentaire obligatoire. Le gouvernement semble craindre que s'il fournit des incitatifs, on va utiliser cela dans notre négociation nationale pour l'offrir à tout le monde. »

Le gouvernement du Québec n'a donné aucun signe qu'il entend prendre ses responsabilités et améliorer sérieusement les salaires et les conditions de travail, et surtout mettre en place les solutions mises de l'avant par les travailleuses et les travailleurs de la santé. On voit avec cet exemple de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont comment il utilise l'argument de la décentralisation et de la gestion locale pour éviter sa responsabilité et forcer les travailleuses et les travailleurs à se débrouiller seuls pendant qu'il dicte les conditions qui rendent la vie intenable au personnel et détruisent les services. En ce qui concerne les offres qu'il a présentées pour le renouvellement des conventions collectives dans le secteur public, elles sont insultantes et vont accroître le problème d'attraction et de rétention et expriment un refus de la négociation avec ceux et celles qui fournissent les services.

Les infirmières, comme l'ensemble des travailleurs et des travailleuses du secteur public, ont fermement rejeté ces offres et mis de l'avant des revendications concrètes qui défendent leurs droits et les services.


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Numéro 1 - 7 février 2023

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