Numéro 68 - 11 août 2021
Les urgences d'hôpitaux – l'exemple du
Québec
Une attaque frontale contre le droit des
travailleurs de prendre la parole
et de s'organiser
Entrevues
• Denis Cloutier,
président du Syndicat des professionnelles en
soins
de l'Est-de-l'Île-de-Montréal
• Francis Charbonneau,
vice-président, secteur nord, Syndicat des
professionnelles en soin des Laurentides
• Karine d'Auteuil,
présidente par intérim du Syndicat des
professionnelles
en soins de l'Outaouais
Journée
d'action provinciale des infirmières de
l'Alberta
• Une ferme résistance à
la destruction des soins de santé par le
gouvernement - Peggy Morton
Les urgences d'hôpitaux –
l'exemple du Québec
Une crise aiguë fait rage dans les salles
d'urgence des hôpitaux. Les entrevues qui suivent
se concentrent sur la situation au Québec, mais
une situation similaire existe à l'échelle du
Canada. Le signe le plus visible de la crise est
le manque de personnel requis pour veiller sur les
patients de l'urgence. Les patients s'accumulent à
l'urgence, quittent sans avoir été traités, et les
compressions et fermetures dans les unités de
soins sont si grandes qu'ils ne peuvent pas être
envoyés à l'unité de soins appropriée de l'hôpital
et doivent demeurer dans les salles d'urgence. La
situation est devenue si critique dans l'Outaouais
que l'urgence de l'hôpital de Gatineau a été
entièrement fermée pendant plusieurs jours à la
fin du mois de juin et les patients en besoin de
soins d'urgence ont dû être détournés vers les
salles d'urgence d'autres hôpitaux de la région.
L'urgence a été rouverte en juillet, offrant
d'abord des services pour certaines consultations
d'urgence seulement, et elle est maintenant
ouverte à tous seulement de 8 heures
à 18 heures chaque jour.
Le manque de personnel
infirmier et d'autre personnel est le résultat de
plus de 30 ans d'offensive antisociale
néolibérale des riches et des gouvernements contre
le système de santé. La crise s'est aggravée dans
le contexte de la pandémie par l'utilisation
systématique de pouvoirs arbitraires comme les
arrêtés ministériels qui se sont attaqués à la
dignité et aux droits et à la santé physique et
mentale de ceux et celles qui nous soignent et
nous protègent. Ces mesures les ont conduits à la
maladie et à des démissions par milliers. Les
infirmières disent clairement que cette
utilisation de pouvoirs arbitraires de l'État et
des administrations contre elles est une des
premières causes, sinon la première, qui
expliquent la perte de personnel et son
non-remplacement. Le facteur humain est considéré
comme un coût à réduire et les êtres humains comme
des fauteurs de troubles à réprimer, comme des
voix à faire taire, ce qui aggrave la crise. Tous
les efforts sont faits pour imposer la loi du
silence dans les établissements de santé pour
empêcher les travailleurs et les travailleuses de
la santé de parler de ces conditions.
Plus récemment, on a vu de nombreux employeurs,
inspirés par la gouvernance par décret du
gouvernement, prendre des recours légaux contre
des infirmières ayant fait des sit-in pour
signifier qu'elles étaient à bout, et que demeurer
au travail pour plus d'heures mettait en danger
leur santé et celle des patients. Ils ont traité
l'action des infirmières dans le cadre étroit de
ce que permettent ou non les conventions
collectives (les mêmes conventions collectives que
le gouvernement a déclarées nulles et non
avenues), et nié que les infirmières exercent leur
droit de conscience et de prendre la parole dans
des conditions de danger pour elles-mêmes et leurs
patients. Pendant ce temps, les avenues de
dialogue, de négociation et de consultations sont
détruites. Les actions des infirmières créent des
formes nouvelles par lesquelles ceux et celles qui
font le travail affirment leurs droits dans les
conditions d'aujourd'hui. Elles ont le droit
humain de s'exprimer au sujet des conditions de
travail qui sont requises, pour elles et pour la
population. Elles en ont le devoir aussi en tant
que professionnelles qui ont un engagement envers
le bien-être du peuple. Elles le font
courageusement et méritent notre appui.
Forum ouvrier salue fièrement les
infirmières et les infirmiers des urgences qui
jouent un rôle de premier plan pour prendre la
parole et proposer des solutions afin de résoudre
cette crise d'une façon qui bénéficie au peuple.
Nous publions dans ce numéro trois entrevues avec
des représentants de syndicats d'infirmières.
Entrevues
La crise dans les urgences est très réelle. Elle
est directement liée au manque de personnel
infirmier dans les urgences.
À cause de la pénurie et du travail continuel
dans une situation d'un manque d'effectifs, le
travail infirmier dans le milieu hospitalier, et
c'est encore plus vrai dans les urgences, cause de
plus en plus d'inconvénients sérieux dans le
travail des infirmières. Le plus connu est le
recours au temps supplémentaire obligatoire qui a
poussé plein de personnes à aller travailler
ailleurs, pour d'autres employeurs où cela va
moins mal au niveau de la pénurie. Il manque des
infirmières partout. Il y a eu une fuite aussi
vers le privé dans les dernières années, également
avec la COVID. Il manque de personnel et les
conditions sont très mauvaises.
Pendant que nous
travaillions avec la COVID parmi nous, toutes les
infirmières du réseau faisaient face à des
contraintes, des quarts de travail déplacés, le
travail à temps complet imposé, le temps
supplémentaire imposé, etc. Pendant ce temps, les
infirmières du privé n'avaient pas ces
contraintes-là. On s'est donc retrouvé avec des
situations qui étaient encore pires cette année. À
cause de ces contraintes, cela devient très
difficile de recruter de nouvelles infirmières ou
de convaincre les infirmières à l'interne d'aller
travailler à l'urgence par exemple. Un des
facteurs principaux qui fait que tant
d'infirmières ont quitté est l'arrêté
ministériel 007 du gouvernement du Québec.
Cet arrêté, qui a été en vigueur de mars 2020
à il y a environ un mois, pendant près d'un an et
demi, permettait de déroger aux conventions
collectives, de déplacer les infirmières au bon
vouloir des employeurs, d'augmenter leur charge de
travail, alors que les infirmières qui venaient du
privé n'étaient pas soumises à cet arrêté.
Il a existé un équilibre historique dans le passé
avec les agences privées qui a été défait. Les
infirmières d'agences étaient peu nombreuses,
elles étaient mieux payées que celles du secteur
public, mais elles étaient envoyées là où personne
ne voulait aller. Cependant, en temps de pénurie,
pour les attirer, les CISSS et les CIUSSS leur
donnent des conditions extrêmement supérieures à
celles des infirmières du secteur public.
Les inconvénients de travailler en
sous-effectifs, de se voir imposer du temps
supplémentaire, deviennent beaucoup trop
récurrents dans leur travail ce qui en pousse de
plus en plus à quitter. Le travail supplémentaire
obligatoire était déjà un outil de gestion avant
la pandémie, il l'est devenu encore plus pendant
la pandémie et il l'est encore alors que la
pandémie tend à se résorber. Il y a aussi les
retards accumulés au niveau des chirurgies, des
soins médicaux, etc. On ne soigne pas que la
COVID.
Le ministère doit s'en
mêler et compenser les inconvénients subis par ces
infirmières. On pourrait instaurer une
compensation du travail supplémentaire obligatoire
par des journées de congé. Le ministère ne
reconnaît pas qu'il s'agit de travail forcé. Il
agit comme si les infirmières acceptent
volontairement le travail supplémentaire
obligatoire alors il ne pose pas le problème d'une
compensation. Beaucoup d'infirmières voudraient
travailler à l'urgence si on leur offrait des
postes stables, un horaire de travail sans temps
supplémentaire obligatoire. Cette façon de gérer
est inacceptable. Cela rend la profession
d'infirmière globalement de moins en moins
intéressante pour le futur. C'est un défi. Les
plus grands inconvénients se retrouvent dans les
urgences et c'est pourquoi ce sont les endroits
que les gens quittent en premier.
Le temps supplémentaire obligatoire n'est pas
quelque chose qui est négocié avec le syndicat. Il
est une obligation professionnelle reliée au Code
de déontologie de l'Ordre des infirmières et
infirmiers du Québec qui est utilisé à outrance.
Ce n'est pas un syndicat qui permet à un patron de
retenir un employé contre son gré. On ne signerait
jamais cela. On pense qu'il faut que le
gouvernement cesse de parler de cela comme quelque
chose d'exceptionnel. À Maisonneuve-Rosemont,
l'employeur y a eu recours 52 fois dans la
même fin de semaine, il y a quelques semaines. On
a tenté de les compenser par le passé avec des
primes pour travailler à l'urgence, mais il y a
une limite. Quand tu voles du temps à des gens,
cela devient inhumain. Un emploi à temps plein
veut dire être gardé de force deux ou trois fois
pendant la semaine. Cela devient insoutenable.
Je ne crois pas aux agences privées de placement
dans le réseau public. Je ne crois pas à cette
cohabitation-là. Les employeurs disent que les
agences privées viennent nous aider. Cela ne nous
aide pas. S'il n'y avait pas d'agences privées de
placement, toutes les infirmières travailleraient
dans le réseau public. Il faut favoriser le
collectif, le collectif en tant qu'ensemble
d'employés, et le collectif en tant que citoyens
du Québec pour avoir un réseau public égal
partout. Je ne vois pas de place pour le privé
là-dedans.
Un autre problème est la concurrence qui existe
entre les hôpitaux. Les hôpitaux s'arrachent le
personnel, s'arrachent les mêmes infirmières. La
concurrence est difficile. Moi je représente
l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont et l'Hôpital Santa
Cabrini. C'est difficile d'être en concurrence
avec le CHUM, qui est flambant neuf et qui est sur
la ligne du métro. Pourquoi une infirmière
irait-elle travailler dans un hôpital qui est plus
désuet si elle va subir toutes sortes
d'inconvénients ? Les employeurs sont en
compétition les uns avec les autres et ceux qui
sont favorisés ayant des édifices flambants neufs,
ou géographiquement, vont toujours recruter alors
que d'autres manquent systématiquement de
main-d'oeuvre.
Est-ce qu'on va accepter qu'il y ait des soins de
santé à ce point inéquitables d'une région à
l'autre ou d'un établissement à l'autre ? Le
ministère n'a jamais voulu s'occuper de ce
problème. Le ministère doit coordonner tout cela.
Au niveau de l'embauche, le ministère pourrait
coordonner une meilleure répartition de la
main-d'oeuvre. Beaucoup de choses seraient
possibles, mais le ministère ne se mêle de rien.
Il se lave les mains de toute imputabilité.
Il y a de multiples facteurs qui expliquent la
crise des urgences. Beaucoup de gens ont quitté à
cause de l'arrêté ministériel, l'obligation de
travailler à temps complet, l'obligation de faire
des douze heures, alors que souvent il y avait
très peu de cas de COVID hospitalisés. La région
des Laurentides est très grande, certains endroits
se comparaient à Montréal en fait de cas de COVID,
mais si on monte au nord, il y avait des endroits
où il n'y avait aucun cas de COVID et pourtant on
appliquait le décret mur à mur. Cela devenait la
solution la plus facile de l'employeur de gérer le
manque de personnel, au lieu de trouver les façons
de garder le personnel en place avec des
conditions de travail adéquates. L'employeur a
abusé de l'arrêté ministériel et a forcé les gens
à travailler un plus grand nombre d'heures que ce
qu'ils sont aptes à faire, ce qui fait que cela a
épuisé beaucoup de gens. Les gens ont quitté en
maladie, soit sur l'assurance-salaire ou la CNESST
(Commission des normes, de l'équité, de la santé
et de la sécurité du travail). Plusieurs personnes
quittent les urgences pour aller vers d'autres
milieux qui sont peut-être moins en manque de
personnel. Les autres milieux peuvent être dans le
même établissement, par exemple vers le soutien à
domicile qui a un horaire du lundi au vendredi de
jour, et peut-être une fin de semaine de travail
sur six. Il y en a qui vont vers les agences
privées de placement, ou qui quittent complètement
le réseau de la santé.
Pour les patients, l'urgence est la porte
d'entrée du système. Après qu'on est rentré à
l'urgence, si l'on doit être admis à l'höpital, on
doit être relocalisé, peut-être dans une autre
unité de médecine. Pour cela, il faut que les
unités de médecine soient capables de recevoir les
patients. Le même phénomène s'est passé dans des
unités de médecine avec l'utilisation abusive des
arrêtés ministériels, alors on y manque beaucoup
de personnel, on réduit le nombre de lits, on
ferme des lits, alors les patients demeurent à
l'urgence. Cela crée une grande surcharge de
travail.
Nous vivons une telle situation à plusieurs
endroits dans les Laurentides en ce moment. À
Mont-Laurier, la situation de médecine et
chirurgie est difficile. À Saint-Eustache, on a
fermé la moitié des lits de soins intensifs, donc
les patients qui sont plus instables et qui
nécessitent des soins plus lourds, au lieu d'aller
vers les soins intensifs de Saint-Eustache,
doivent s'en aller vers les soins intensifs de
Saint-Jérôme. Cependant, à Saint-Jérôme, on a
aussi un manque de personnel et on a diminué le
nombre de lits là aussi, on est aux deux-tiers de
la capacité. Cela fait deux urgences qui ne
peuvent plus envoyer des cas instables vers les
soins intensifs parce qu'ils sont pleins.
Il y a quelques semaines, les infirmières de
l'urgence et des soins intensifs à l'hôpital de
Mont-Laurier ont fait un sit-in. Dans cet hôpital,
de nuit on a besoin d'environ six infirmières pour
couvrir l'urgence et les soins intensifs.
Actuellement on en a une ou deux. Les infirmières
de soir, tous les jours, devaient faire du
temps supplémentaire obligatoire et rester sur le
quart de nuit pour offrir les soins. Après avoir
parlé à l'employeur à plusieurs reprises, demandé
que des solutions soient mises en place et n'ayant
pas été écoutées, le seul moyen qu'elles ont
trouvé c'est de ne pas rentrer sur leur quart de
travail le soir. Pour pouvoir dénoncer le fait
qu'elles sont épuisées, qu'elles n'en peuvent plus
de devoir rester tous les jours. Ce sont
leurs collègues de jour qui cette fois-là ont dû
rester pour les remplacer.
La première chose que
l'employeur a faite a été de convoquer le Tribunal
administratif du travail pour museler les
infirmières et les obliger à rentrer travailler et
à ne plus faire ce genre d'actions. L'employeur a
utilisé la voie juridique au lieu de s'asseoir
avec nous pour voir comment trouver du personnel
et s'assurer que d'autres sit-in n'aient pas lieu
dans les Laurentides. Il avait peur que les gens
révèlent au grand jour à quel point cela va mal
partout. En même temps, il a déclaré sur la place
publique que sa stratégie numéro un était d'être
en recherche de solutions avec le syndicat. En
fait, il ne nous a jamais rencontré dans le
dossier de l'urgence à Mont-Laurier, n'a jamais
voulu mettre des solutions en place. Il est allé
tout de suite vers le recours juridique. Ce n'est
pas une solution.
Nous avons soumis des pistes de solutions à
l'employeur depuis le mois de mars, mais il ne
nous écoute pas.
Une des pistes de solution c'est de prendre les
postes de travail qui ne sont pas attractifs,
parce qu'ils sont instables, et les stabiliser
pour que les gens les prennent. Ce sont des postes
en rotation où les gens doivent travailler sur
deux quarts de travail, de jour, de soir, de nuit.
Ils ne fonctionnent pas et ce sont souvent ces
postes qui demeurent vacants dans les unités. Au
lieu de les stabiliser, l'employeur a pris tous
les postes qui étaient stables et vacants et les a
transformés en postes en rotation.
Il faut rehausser les postes à temps complet,
transformer les postes à temps partiel en des
postes à temps complet qui sont stables, au lieu
d'avoir des postes à temps partiel et de compléter
vos heures de jour, de soir, de nuit, ne pas
savoir quand vous allez travailler, être appelés à
la dernière minute. C'est difficile pour les
familles de s'organiser.
Le gouvernement a mené des actions qui ont jeté
de l'huile sur le feu. Par exemple, le
gouvernement a donné des montants incitatifs pour
la COVID, mais il les a assortis de tellement de
clauses restrictives que cela a créé des
problématiques très sérieuses. À titre d'exemple,
le gouvernement a établi un montant
de 1000 $ par mois que vous pouviez
recevoir au total, mais vous deviez travailler à
temps complet, ne jamais être malade, ne jamais
vous absenter pour aucune raison outre vos
vacances et vos fériés. Cela a fait en sorte que
des gens se sont épuisés pour obtenir ce montant
et ont travaillé malades. Le montant a été arrêté
début juillet et on a vu les gens commencer à
s'absenter du travail encore plus tant ils étaient
épuisés.
Maintenant, compte tenu de la crise dans des
secteurs comme les urgences, les unités de
médecine et chirurgie et les unités des
naissances, le gouvernement a ramené la prime de
1000 $, mais juste dans ces unités-là. Alors
les autres unités ne comprennent pas pourquoi
elles sont exclues, alors qu'elles aussi sont dans
un état de souffrance, alors cela crée beaucoup
d'insatisfaction entre les unités. Le gouvernement
ne reconnaît pas le travail qui est fait par tout
le monde.
Les professionnelles en soin continuent de
travailler très activement pour offrir des soins à
la population. Cela nous fait mal quand nous
devons faire des actions comme les sit-in, on sait
que cela dérange les soins à la population. Mais
nous n'avons pas le choix de le faire pour avoir
des conditions de travail qui vont attirer de
nouvelles personnes dans la profession et être en
mesure de garder un réseau de santé public et non
pas avoir un réseau de santé privé comme nos
voisins américains.
Les travailleurs et travailleuses de la santé de
Gatineau protestent contre leurs conditions de
travail intenables, le 15 juillet 2021.
Présentement, on vit une crise comme on
n'en a jamais vécu. On a dû fermer l'urgence
de l'hôpital de Gatineau à cause principalement
d'un manque d'expertise, un manque d'infirmières
avec de l'expérience à l'urgence, qui ont de
l'expertise à faire du choc et du triage. Une
infirmière novice qui arrive à l'urgence ne peut
pas aller à la salle de choc et ne peut pas faire
du triage. À l'hôpital de Gatineau, c'est cela qui
a causé le problème et on a connu un bris de
service. Nous n'avons pas assez d'expertise pour
pouvoir donner des soins sécuritaires à la
population. C'est pour cela qu'il y a eu une
fermeture de l'urgence. Présentement, nous en
sommes à une réouverture partielle de 8
heures à 18 heures, pour donner un souffle
également aux autres urgences de l'Outaouais,
éviter que la situation perdure et que les autres
urgences s'épuisent également.
On parle beaucoup des urgences, parce que cela
fait souvent les médias, mais en Outaouais on vit
aussi une pénurie dangereuse de personnel sur les
unités de soins. Par exemple, à l'Hôpital de
Gatineau, nous avons moins de 45 % des
postes comblés sur les unités de soins. À
l'hôpital de Papineau également, on a fermé une
unité de soins parce qu'il y avait un trop grand
manque de personnel. Dans les unités de soins non
plus, on ne peut plus donner un service
à 100 % avec les effectifs présents.
C'est certain que le sous-financement de
l'Outaouais, qu'on vit depuis des années, nous a
beaucoup nui. En plus, nous sommes juste à côté de
l'Ontario, alors c'est facile pour une
professionnelle en soins de traverser le pont pour
obtenir un meilleur salaire et des conditions de
travail qui sont meilleures que les nôtres.
Le ministre de la Santé Christian Dubé veut
continuer à ignorer la prime frontalière, alors on
va juste continuer d'être acculés au mur. La prime
frontalière a pour but d'être compétitif avec
l'Ontario. Une infirmière qui décide de venir
travailler en Outaouais devrait recevoir une prime
frontalière. Dans la région, les primes de soir et
de nuit sont déjà bonifiées pour que nous gardions
nos infirmières mais cela ne suffit plus. Nous
réclamons que le ministre Dubé instaure une prime
frontalière. Il n'y a pas longtemps, l'Hôpital
Montfort à Ottawa a offert une prime
de 10 000 $ pour travailler un an à
temps complet à Montfort. Comment ici au CISSSO
(Centre intégré de santé et des services sociaux
de l'Outaouais) peut-on faire concurrence avec
cela ?
Cela fait longtemps qu'on le dit et c'est pour
cela que nous avons une enveloppe budgétaire de
statut particulier dû au fait que nous sommes à
côté de l'Ontario. Il faut réviser cette enveloppe
et il faut aussi l'utiliser à bon escient, et non
pas pour pallier au sous-financement des soins de
santé de l'Outaouais.
Il y a eu une étude
en 2015 qui démontrait clairement le
sous-financement qu'on vit en Outaouais par
rapport à nos besoins en santé. Avec le taux de
population que nous avons en Outaouais, on devrait
avoir un budget de la santé qui est supérieur à ce
qu'il est présentement. Le ministre de la Famille,
Mathieu Lacombe a dit que sa priorité est le
système de santé, mais trois ans plus tard il n'a
rien fait pour résoudre le problème de la pénurie
de personnel. Le système de santé est pire qu'au
début de son mandat. La pénurie s'est encore
aggravée.
On n'est pas face à la pénurie habituelle qu'on
vit depuis des années. On vit une pénurie
dangereuse où les soins sont mis en péril. On n'a
pas le financement nécessaire pour créer des
postes et des conditions de travail attractifs et
assurer la rétention du personnel en soins en
Outaouais. La pandémie est venue affaiblir
beaucoup la rétention. On ne peut pas remonter un
système de santé sans y faire des investissements.
Le ministre de la Santé fait juste déplacer le
problème en fermant des lits ici et là, cela ne
règle pas le problème.
Nous continuons de marteler que nous sommes
sous-financés et que le gouvernement doit faire
des gestes concrets. L'augmentation du financement
des soins de santé en Outaouais est au coeur du
problème de remonter la pente et d'assurer des
soins de santé adéquats à la population.
Il a quelques semaines, en point de presse, le
ministre Dubé a présenté trois solutions aux
problèmes des urgences. Il a mentionné la
réorientation vers les Groupes de médecine
familiale (GMF). En ce qui concerne la
réorientation, on s'est énormément amélioré dans
l'Outaouais. On est parti de 5
à 10 % de réorientation dans les
urgences vers les GMF, à environ 20
à 30 % des patients. On a mis en place
une très bonne équipe pour faire le pont avec les
GMF, les cliniques de médecins de famille, tout
cela est déjà instauré en Outaouais. Ce n'est pas
cela qui va nous aider à diminuer la pénurie de
personnel. Même si le taux d'occupation diminue,
la structure de base des postes n'est pas comblée.
À l'unité de soin 7e Nord, à l'hôpital de
Gatineau, j'ai 9 postes d'infirmières de
comblés sur 29 postes. Ce n'est pas en
enlevant des patients que cela va être comblé. Les
deux autres pistes mises de l'avant par le
ministre sont que les bureaux des médecins de
famille soient ouverts pendant plus d'heures, ce
qui est déjà fait, et que les médecins de famille
prennent davantage de patients, notamment qui ont
des symptômes de COVID. Ces trois pistes de
solutions ne viendront pas pallier à la pénurie
qui sévit sur les unités de soins et à l'urgence.
Ce n'est pas la place pour les patients qui
manque. Ce sont des professionnelles en soins qui
manquent.
Nous avons besoin de départements stables, de
postes stables, sur des quarts de travail stables.
On a besoin d'outils pour cela, et cela passe par
le financement.
Aussi, l'employeur maintenant nous amène devant
le Tribunal administratif du travail lorsque nous
faisons un refus de travail lorsque nos conditions
deviennent totalement non sécuritaires. Il dit
qu'un refus de travail est une infraction à notre
convention collective. Mais au-delà de la
convention collective, il y a le code de
déontologie selon lequel, en tant que
professionnelle en soins, je ne veux pas mettre
mon patient en danger, mais pas ma licence non
plus. Si mon jugement clinique me dit qu'être
seule pour 27 patients c'est trop, c'est
mettre les soins en péril, c'est mon devoir de le
dire et de refuser de prendre le poste qui
constitue un danger imminent. Nous sommes régies
par notre code de déontologie avant tout, et par
notre conscience également.
Le gouvernement ne comprend pas cela. Selon lui
on est là juste pour faire les pions. Nous ne
sommes pas des pions, nous sommes des
professionnelles en soin, et nous avons le devoir
envers nos patients d'être sécuritaires avant
tout.
Journée d'action provinciale des
infirmières de l'Alberta
- Peggy Morton -
Les Infirmières unies de l'Alberta (IUA)
organisent une journée d'action provinciale
le 11 août, dont le mot d'ordre est :
Aller de l'avant et non reculer ! D'autres se
joindront à l'IUA, dont les travailleurs de la
santé représentés par le Syndicat des employés
provinciaux de l'Alberta (AUPE) et le Syndicat
canadien de la fonction publique (SCFP).
« Je pense que vous trouveriez difficilement un
Albertain qui ne respecte pas le travail que les
infirmières et les travailleurs de la santé ont
accompli pendant la pandémie, et en tout temps.
Nous voulons que le public sache à quel point le
gouvernement du PCU nous manque de respect »,
a dit le deuxième vice-président de l'IUA, Cam
Westhead, le 26 juillet, lors d'un piquetage
d'information à l'hôpital Sturgeon à St-Albert.
« On nous dit que c'est nous, les héros des
premières lignes, qui devons payer pour les
mauvaises politiques et la dette du gouvernement,
comme si nous n'avions pas assez payé en étant
éloignés de nos familles, en craignant de
contracter la COVID et de la propager pendant les
premiers mois, et en épuisement moral et
professionnel », a dit la présidente de la
section locale 85 de l'IUA, Orissa Shima, à
CTV News Edmonton. « Que vaut un remerciement
lorsque vous nous dites que notre valeur est
moindre ? », a-t-elle demandé. « C'est
un affront, c'est un coup de poing au ventre,
après tout ce que nous avons vécu et donné pendant
cette pandémie », a dit Orissa Shima.
« Nous devons recruter et retenir les infirmières
et vous n'y parviendrez pas en nous disant que
nous valons moins. Nous devons reconnaître qu'il y
a une pénurie. Nous avons besoin de plus
d'infirmières, pas de moins d'infirmières, et nous
ne pouvons pas nous permettre de pousser les
infirmières à quitter la province », a-t-elle
ajouté.
L'IUA est retourné à la « table de
négociation » après une pause de 16
mois, pour faire face à des employeurs qui avaient
reçu l'ordre du gouvernement d'intensifier leurs
attaques contre les infirmières autorisées et
contre les autres travailleurs de la santé.
Les infirmières de
l'Alberta tiennent tête, rejetant les exigences
insultantes et entièrement inacceptables des
Services de santé de l'Alberta et d'autres
employeurs qui exigent une baisse de salaire
de 3 %, l'abandon du montant forfaitaire
de 2 % et des centaines d'autres reculs
à leurs salaires et conditions de travail obtenus
au cours de 44 ans depuis que l'IUA s'est
constitué en syndicat.
Le gouvernement du PCU fait à peu près les mêmes
propositions à l'AUPE. Le comité de négociation
des services de soutien généraux du syndicat
dit : « Une baisse de salaire
de 4 % serait dévastatrice pour nous et
nos familles. Plusieurs d'entre nous travaillent
déjà à plusieurs emplois pour joindre les deux
bouts, et certains d'entre nous sont des parents
seuls. Nous ne pouvons pas accepter des reculs
salariaux comme ceux-là, surtout si nous tenons
compte de l'augmentation de la charge de travail
et du stress dus à la pandémie. Avant que les
négociations soient mises en pause en raison de la
pandémie, les Services de santé avaient proposé
une baisse de salaire de 1 %. Les
Services de santé sont-ils en train de dire que
nous valons moins depuis le commencement de la
pandémie ? »
Tous ces changements sont menés par le
gouvernement Kenney. En vertu de dispositions de
la Loi 21, Loi de 2019 sur les
employeurs du secteur public, le ministre du
Travail peut donner des directives confidentielles
qu'un employeur recevant du financement du
gouvernement provincial doit respecter lorsqu'il «
participe à une négociation collective ou à tout
processus connexe ». L'employeur ne peut pas
divulguer la directive à un tiers parti sans le
consentement préalable du ministre, y compris au
syndicat avec qui il est censé participer à des «
négociations de bonne foi ». Ces directives
secrètes peuvent déterminer la durée d'une
convention collective et les « limites
financières ». Le gouvernement Kenney n'est
pas engagé dans des « négociations », mais
cherche à détruire la convention collective par
laquelle les infirmières ont fixé leurs salaires,
leurs avantages sociaux et leurs conditions de
travail actuels.
Les infirmières et les travailleurs de la santé
partout au Canada prennent la parole sur leurs
conditions de travail intenables. Le surmenage et
l'épuisement professionnel sont à la hausse, mais
en dépit d'une pénurie flagrante d'infirmières et
des difficultés à les retenir, le gouvernement
Kenney a annoncé son intention de faire des
coupures équivalentes à 750 infirmières à
temps plein, et d'avoir recours à la
sous-traitance pour 11 000 emplois en
services alimentaires, d'entretien et de
buanderie. Les urgences et d'autres services
cruciaux en Alberta ont fermé des lits au cours
des dernières semaines par manque de personnel.
Les gouvernements
néolibéraux prétendent tous que les travailleurs
des soins de santé et des services publics
drainent l'économie. Ils refusent de reconnaître
l'immense valeur qu'ils créent et exigent que la
réclamation des travailleurs à la valeur qu'ils
produisent soit réduite. Les infirmières de
l'Alberta ont défendu avec militantisme leur droit
de décider de salaires, d'avantages sociaux et de
conditions de travail qui leur sont acceptables,
et n'accepteront pas des salaires et des
conditions de travail qui mettent en danger les
soins aux patients, chassent les infirmières de la
profession et insultent leur dignité. En agissant
ainsi, elles ont toujours reçu l'appui des
Albertains.
Forum ouvrier appelle les travailleurs de
la santé et les citoyens préoccupés par la
situation à tout mettre en oeuvre pour appuyer les
infirmières et les travailleurs de la santé.
Participez à un piquetage le 11 août. Ne
permettons pas au gouvernement Kenney
d'intensifier sa destruction de la santé publique
et son mépris brutal des droits et du bien-être
des personnes qui dispensent ces soins et
services.
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individuellement, cliquer sur le titre de
l'article.)
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