Les travailleurs et travailleuses
de la santé du Québec
intensifient leur lutte pour leurs droits
Des actions résolues pour faire abolir le temps supplémentaire obligatoire intenable
Les professionnelles en soins membres de la
Fédération interprofessionnelle de la santé du
Québec (FIQ) intensifient leurs actions pour faire
abolir le travail supplémentaire obligatoire dans
le cadre de leur campagne « Le TSO c'est un
assassinat professionnel ». Les syndicats
affiliés à la FIQ ont tenu diverses assemblées
générales dans la semaine du 11 octobre où
les membres ont discuté du plan d'action de la
fédération.
Plusieurs syndicats membres ont notamment adopté
de tenir une fin de semaine de travail sans temps
supplémentaire obligatoire les 16 et 17
octobre. Y ont participé les syndicats de la
Capitale nationale, de la
Mauricie-Centre-du-Québec, de l'Outaouais, des
Laurentides, du Bas Saint-Laurent, du
Centre-Sud-de-l'île-de-Montréal, de
l'Abitibi-Témiscamingue et plusieurs autres. La
FIQ a fourni tout l'appui possible aux syndicats
affiliés qui ont participé aux actions. Elle a
notamment développé une application FIQ Santé où
les membres peuvent fournir des informations et
des témoignages en temps réel en tout temps sur le
temps supplémentaire qu'on tente de leur imposer.
Selon
la FIQ, la fin de semaine s'est bien déroulée. Là
où les syndicats membres avaient décidé de refuser
le temps supplémentaire obligatoire, il n'y en a
pratiquement pas eu durant ces deux jours. « Aucun
TSO d'annoncé en fin de semaine, je n'ai eu aucun
appel », a dit Karine d'Auteuil, présidente
par intérim du Syndicat des professionnelles en
soins de l'Outaouais, aux médias locaux.
« C'était pour démontrer que quand on prend les
grands moyens d'annoncer qu'on refuse le TSO, que
nous sommes prêts à aller devant le Tribunal
administratif du travail, l'employeur redouble
d'efforts pour ne pas qu'il y ait de temps
supplémentaire obligatoire. Ils ont fait ça
pendant 48 heures versus à l'année longue, ce
n'est pas le même travail pour eux. De faire une
réorganisation de travail pour deux jours, ça
demande moins que de le faire pendant 365
jours. Donner les services selon les directives
qu'on a en place ça devrait être à l'année longue.
S'il faut qu'on fasse une annonce 365 jours
sans TSO, on va le faire pour s'assurer que nos
professionnels en soins aient une qualité de vie
travail-famille et puissent avoir une garantie que
quand ils vont finir leur quart de travail ils
vont pouvoir sortir à l'heure prévue »,
a-t-elle ajouté.
Les infirmières font valoir que le TSO est en
fait un mode de gestion du gouvernement et des
administrations pour éviter d'améliorer leurs
conditions de vie et de travail, qu'il aggrave
leurs problèmes de santé et de sécurité à la fois
physique et psychologique, et qu'il anéantit
toutes les chances de recruter les milliers de
professionnelles en soins nécessaires pour assurer
à la population les soins et les services
essentiels partout au Québec. Les infirmières
disent carrément que toute mesure pour aborder le
problème, qui repose sur les primes financières
temporaires aux infirmières pour les retenir ou
les attirer dans le système de santé, comme c'est
le cas des mesures annoncées par le gouvernement
du Québec, ne va pas résoudre le problème. Il faut
changer les conditions et les changer sur la base
des revendications et des solutions mises de
l'avant par le personnel de la santé, et mettre
fin au travail supplémentaire obligatoire est une
revendication clé à cet égard.
« La présente pandémie et la pression
supplémentaire qu'elle impose aux professionnelles
en soins ne font qu'ajouter au fardeau déjà très
lourd lié au TSO et incitent plus que jamais des
professionnelles en soins épuisées à quitter le
CHU de Québec et la profession, a dit Nancy Hogan,
présidente du Syndicat interprofessionnel du
Centre hospitalier universitaire (CHU) de Québec.
Le bateau risque fort de couler et il y a urgence
d'agir. Nos membres ont le droit d'exercer dans
des conditions adéquates et de vivre une vie
personnelle et familiale normale », a-t-elle
ajouté.
Le 15 octobre, la FIQ a envoyé des lettres
de mise en demeure au ministre de la Santé et des
Services sociaux et aux directions des
établissements de santé, leur demandant de mettre
fin au temps supplémentaire obligatoire d'ici
le 15 novembre prochain. La lettre envoyée au
ministre indique que si rien n'est fait d'ici
cette date, la FIQ entreprendra « tous les recours
jugés appropriés ou requis, et ce, sans autre avis
ni délai ».
La fédération a aussi déposé une demande à la
Commission des droits de la personne qui fait état
de l'impossibilité pour les infirmières d'avoir
des conditions de travail justes, raisonnables et
qui respectent leur santé et leur sécurité. La FIQ
demande que la Commission étudie le problème et
fasse des recommandations à ce sujet au
gouvernement.
La fédération a également demandé l'intervention
de la Commission des normes, de l'équité, de la
santé et de la sécurité du travail (CNESST) et de
son service de prévention-inspection afin de faire
cesser le recours au temps supplémentaire
obligatoire (TSO). Elle estime dans sa demande que
les employeurs ont l'obligation légale en vertu de
la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST)
d'adopter des méthodes d'organisation du travail
qui respectent la santé et la sécurité des
travailleurs et travailleuses de la santé, alors
que le recours abusif et disproportionné au TSO
met à risque leur santé physique de même que
psychologique en les exposant à une surcharge de
travail et aux risques psychosociaux qui en
découlent. La fédération demande que la CNESST
intervienne par son service de
prévention-inspection afin d'identifier les
pratiques des employeurs qui portent atteinte à la
santé et à la sécurité des professionnelles en
soins et d'imposer, le cas échéant, des correctifs
permettant d'éliminer les risques psychosociaux
liés au TSO, de les réduire et/ou de les
contrôler.
Forum ouvrier salue ces initiatives par
lesquelles les infirmières et les autres
travailleurs et travailleuses de la santé prennent
la parole en leur nom et prennent l'initiative
pour que les problèmes du système de santé soient
traités à partir de leurs revendications et de
leurs solutions.
Cet article est paru dans
Numéro 97 - 20 octobre 2021
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