Les travailleurs doivent pouvoir contrôler la politique économique
et les résultats économiques

L'argent des pensions des travailleurs canadiens sert à privatiser l'eau au Brésil

Sao  Paulo, Brésil, 11 juin 2021

Un des problèmes qui préoccupent de plus en plus les travailleurs canadiens est leur manque de contrôle sur où est investi l'argent de leurs régimes de retraite. Ces immenses réserves d'argent sont placées entre les mains des entreprises d'investissements, des institutions financières et des oligarques financiers dont le rôle est de rechercher le plus haut taux de rendement pour eux-mêmes et parfois, mais pas toujours, le rendement le plus sûr, sans égard à où les fonds sont investis. Les travailleurs n'exercent aucun contrôle sur le fait que les investissements sont effectués selon des considérations néolibérales contraires à tout ce qui est cher aux travailleurs canadiens. Le terme utilisé est la  « financiarisation ». Il fait référence à un processus en vertu duquel les marchés financiers, les institutions financières et les élites financières gagnent une influence plus grande sur les politiques économiques et les résultats économiques. Le processus transforme le fonctionnement des systèmes économiques tant au niveau macro que micro au pays et à l'étranger en faveur des intérêts privés étroits peu importe les dommages qui sont causés à l'environnement social et naturel. Sous prétexte que les affaires sont les affaires, des investissements de destruction nationale et anti-peuple sont faits, qui sont très dommageables et inacceptables.

C'est le cas de l'investissement, fait le 30 avril dernier, de plus de 900 millions de dollars des fonds de retraite des travailleurs canadiens qui servent à privatiser l'eau et les services d'assainissement au Brésil. Une grande section de la société d'État du système d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées de Rio de Janeiro (CEDAE) a été achetée aux enchères par une compagnie privée appartenant à 85 % à l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada (OIRPC) et à la Alberta Investment Management Corporation (AIMCo).

CEDAE était le système d'aqueduc le plus rentable du Brésil, rapportant 226 millions de dollars par année, alors qu'une partie de ces revenus servait à financer des services dans des secteurs aux coûts plus élevés.

AIMCo, qui dit gérer les investissements de 32 caisses de retraite, dotations et fonds publics dans la province de l'Alberta, possédait déjà une part importante de la troisième compagnie privée de système d'aqueduc en importance au Brésil, Igua Saneamento, qui a servi à acquérir une partie du service public. Cependant, c'est l'injection à la dernière minute de près de 270 millions de dollars d'OIRPC, le rendant propriétaire à 46,7 % d'Igua, qui a été le facteur décisif pour permettre à la compagnie de remporter l'appel d'offres pour la CEDAE.

En préparation de la vente aux enchères, la CEDAE a été divisée en blocs et en concessions. Les concessions les plus lucratives ont été immédiatement obtenues par des intérêts privés, dont l'un d'eux est Igua. Les concessions les moins rentables sont restées entre les mains de l'État, mettant sans doute fin à sa capacité de continuer de prendre les profits de l'une pour financer les autres. La transaction va aussi vraisemblablement augmenter les frais pour les utilisateurs, qui sont déjà aux prises avec une grave crise économique. Les résidents vivant dans des quartiers de Rio qui sont déjà desservis par des compagnies privées paieraient jusqu'à 70 % de plus pour l'eau qu'ils le feraient avec le système public.

L'opposition des syndicats et d'autres organisations au Brésil et au Canada à la privatisation des systèmes d'aqueducs et d'assainissement ne s'est pas fait attendre. Les syndicats brésiliens ont dit que 3 500 travailleurs du secteur public pourraient perdre leurs emplois. Le Syndicat national des travailleurs urbains du Brésil avait demandé et obtenu une injonction pour reporter la mise aux enchères. Des législateurs gouvernementaux, dans un souci de solidarité, ont aussi voté pour qu'elle soit reportée. Les deux ont été muselés par un décret gouvernemental ordonnant que la vente ait lieu tel que prévu.

La mise aux enchères a eu lieu au beau milieu d'une crise terrible au Brésil en raison de la réponse irresponsable du président Jair Bolsonaro à la pandémie et les conséquences tragiques que cela a eu sur les Brésiliens. Il s'avère que le moment choisi était délibéré. Un entretien de l'ancien ministre de l'environnement de Bolsonaro avait été enregistré alors qu'il exhortait ses collègues à la réunion du cabinet à tirer profit de la pandémie et du fait que les gens avaient d'autres préoccupations pour adopter autant de politiques impopulaires que possible et le plus rapidement possible.

Le président du Syndicat canadien de la fonction publique, Mark Hancock, a accusé l'OIRPC de contribuer à légitimer l'ordre du jour de privatisation de Bolsonaro. Il a dit : « Il est scandaleux que notre régime de retraite public utilise les caisses de retraite des travailleurs pour tirer profit des besoins des gens en eau potable et en traitement des eaux usées. Ce sont des droits essentiels à la survie. L'accès aux services d'eau est déjà fragile et inéquitable au Brésil. La privatisation ne fera qu'aggraver la situation. »

Le fait de céder les fonds de pension des travailleurs canadiens, sans leur consentement et en dépit de leurs objections, pour payer les riches au moyen de stratagèmes visant à aider des intérêts privés au pays et à l'étranger à se remplir les poches est du vol légalisé pur et simple. C'est d'autant plus répugnant lorsque c'est justifié au nom de nobles idéaux pour faire oublier les conséquences antisociales et destructrices pour la nation de ces investissements.

Les faits révèlent que les travailleurs doivent contrôler la politique économique et les résultats économiques. Ils doivent établir la direction de l'économie et mettre fin aux politiques qui paient les riches et détruisent l'environnement social et naturel.


Manifestation devant le consulat canadien à Rio de Janeiro, juin 2021

(Photos : SCFP, Jonas, SINTSAMA-RJ )


Cet article est paru dans

17 septembre, 2021

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