Sur la situation à laquelle les travailleurs du secteur public font face en Ontario
- Entretien avec Fred Hahn du
Syndicat canadien de la fonction publique
- Ontario -
Fred Hahn est le président du SCFP
Ontario, qui représente plus
de 280 000 travailleurs et
travailleuses des secteurs des soins de santé,
des municipalités, des conseils scolaires, des
services sociaux et des universités.
Forum ouvrier : Les
travailleurs des hôpitaux de l'Ontario qui ont été
aux premières lignes pour protéger la santé et la
sécurité de la population dans les conditions de
la pandémie font maintenant face à des demandes de
concessions de la part du gouvernement de
l'Ontario et de l'Association des hôpitaux de
l'Ontario. Qu'est-ce que cela signifie à ton
avis ?
Fred Hahn : En fait,
l'Association des hôpitaux de l'Ontario a présenté
des pages et des pages de concessions.
Pendant la pandémie, en vertu des décrets
d'urgence, la plupart des conventions collectives
de nos membres, et pas seulement celles des
travailleurs d'hôpitaux, ont été suspendues. Les
employeurs ont eu carte blanche pour réaffecter
les gens, changer leurs quarts de travail, ne pas
payer les heures supplémentaires. Il semble,
d'après certaines des concessions qui ont été
déposées, que les employeurs des hôpitaux aiment
ces choses-là et veulent les rendre permanentes.
Les concessions qu'ils veulent concernent la
sécurité d'emploi, les dispositions relatives à
l'affichage des postes, les exigences en matière
de quarts de travail, les heures supplémentaires,
de nombreuses choses qui figurent dans les
conventions collectives depuis longtemps mais
auxquelles les employeurs n'ont pas eu à se
conformer pendant des mois.
Il semble que les employeurs tentent d'apporter
des changements que nos travailleurs d'hôpitaux et
ceux de l'UIES (Union internationale des employés
des services) ne vont pas accepter. Les mesures
d'urgence donnaient littéralement un contrôle
total à l'employeur. L'employeur pouvait dire à un
travailleur qu'il devait travailler 12 jours
d'affilée sans paiement d'heures supplémentaires,
qu'il devait travailler à un endroit où il n'avait
jamais travaillé auparavant. Les employeurs
étaient habilités à faire de telles choses et bien
plus encore.
Dans
nos conventions collectives, nous disposons d'une
clause d'affichage des postes qui indique
clairement, lorsque vous avez fait votre demande
pour un emploi, quels sont les quarts de travail,
où vous travaillez, et que si vous travaillez de
plus longues heures, vous aurez droit à des heures
supplémentaires. S'il y a une réorganisation du
travail, des procédures abondantes sont énoncées
et des dispositions relatives à la sécurité
d'emploi sont prévues pour les réorganisations.
Ces dispositions sont importantes. L'employeur
veut apporter des changements à certaines de ces
dispositions, en limitant les droits des
travailleurs. Toutes ses propositions visent des
concessions, et nos membres ne les accepteront
pas.
C'est insultant pour nos travailleurs. C'est une
situation que nous avons connue dans tous les
secteurs. Cette ronde concerne les travailleurs
hospitaliers dont la négociation centrale vient de
commencer. Mais nous avons vu cela dans les
négociations municipales. Nous l'avons vu dans les
négociations avec les services sociaux. Dans tous
les cas, les employeurs qui ont bénéficié de
droits renforcés pendant la pandémie tentent de
négocier des concessions pour les conserver.
Je suis heureux de vous dire que lors de chaque
ronde de négociation dans n'importe quel secteur
où un employeur a essayé d'imposer des
concessions, nous avons réussi à les repousser et
nous allons faire la même chose dans le secteur
hospitalier.
Nous faisons face à un problème supplémentaire
dans la situation actuelle en raison d'une loi
adoptée par les conservateurs de Doug Ford, la
Loi 124, qui impose une restriction à la
négociation collective, qui dicte que les
augmentations de la rémunération ne doivent pas
dépasser1 % par an. Il ne s'agit pas
seulement des salaires. Toute la rémunération est
incluse dans ce 1 %.
Par exemple, les travailleurs d'hôpitaux
cherchent à améliorer le langage relatif aux
équipements de protection individuelle et à la
sécurité au travail. Ces améliorations sont
considérées comme un coût. Selon cette loi, si
vous négociez des mesures de sécurité améliorées
qui coûtent de l'argent, cela réduira votre
augmentation de salaire. L'amélioration de la
sécurité au travail, l'amélioration des niveaux de
personnel - ce qui est un véritable défi dans le
domaine des soins de santé - sont également
considérées comme des coûts qui entrent dans la
limite du 1 %.
Autre exemple : nous essayons de négocier
des jours de congé de maladie payés pour les
travailleurs à temps partiel et occasionnels. Rien
que cela, selon les représentants du gouvernement,
représente bien plus que 1 %. C'est ce
que l'employeur a dit.
Les
gens sont choqués lorsque nous leur disons ce que
contient cette loi. C'est pourquoi il est si
important que nous nous organisions, que nous
n'élaborions pas seulement des stratégies de
négociation, mais que nous passions le mot, que
nous informions le public et que nous fassions
prendre conscience à chacun ce que signifie cette
loi.
L'une de nos plus importantes revendications est
l'abrogation de la loi 124, car il s'agit
d'une attaque contre tous les travailleurs du
secteur public. Entre-temps, pendant cette ronde
de négociations, nous demandons que la loi soit
suspendue. Le gouvernement a apporté de nombreux
changements pendant la pandémie, notamment en
prévoyant une indemnité de pandémie supérieure
à 1 $ l'heure. Il l'a fait par
règlement, alors il peut le faire à nouveau dans
le cadre de cette négociation.
FO : Veux-tu ajouter quelque chose
en conclusion ?
FH : Après cette année et
demie de pandémie, nous constatons un changement
chez nos membres, chez nos voisins et chez les
travailleurs en général. Les travailleurs, après
avoir traversé une pandémie où ils pouvaient
littéralement perdre la vie, disent que cela
suffit, que nous devons faire les choses
différemment sur nos lieux de travail.
Collectivement et individuellement, ils prennent
conscience de leur valeur et du fait qu'ils
méritent mieux. Ils ne veulent pas retourner à des
conditions où leur santé, y compris leur santé
mentale, n'est pas prise en charge, où les
salaires sont insuffisants et où ils ne sont pas
traités avec respect.
Par exemple, pendant plus d'une décennie, notre
syndicat s'est prononcé sur les soins de longue
durée, contre la privatisation, sur la nécessité
d'éliminer le profit dans les soins aux personnes
âgées. Aujourd'hui, il y a beaucoup plus de
sensibilisation à ce problème, plus d'énergie.
Notre travail consiste à canaliser cette énergie
et à réaliser la possibilité d'apporter des
changements significatifs.
(Photos : CSHO, UIES)
Cet article est paru dans
Numéro [issue] - Numéro 83 - 15 septembre 2021
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