Cédric Joly, représentant en prévention, Syndicat des Métallos, section locale 7493, Rio Tinto Fer et Titane, Poudres Métalliques à Sorel-Tracy

Le projet de loi 59 vend la santé et la sécurité des travailleurs du Québec à faible coût aux employeurs. Par exemple, si je prends mon cas, à mon usine, je suis libéré à temps plein. Je fais de la santé-sécurité à temps plein. Je siège au comité conjoint de santé et sécurité de l'usine, sur lequel nous avons trois membres syndicaux versus trois représentants de l'employeur. Il faut déjà travailler d'arrache-pied pour faire des gains dans la santé et la sécurité à l'usine. Maintenant, avec le projet de loi 59, le temps de libération du représentant va diminuer drastiquement, à moins qu'il soit inscrit dans la convention collective. Avec le projet de loi, c'est l'employeur qui a carte blanche pour prendre la décision qu'il veut sans qu'on ait un recours contre ça. Il n'y a plus de décision paritaire sur aucun aspect, sur le programme de prévention de l'usine, sur le choix du médecin responsable, sur le programme de santé. On peut dire ce qu'on veut mais c'est l'employeur qui a le pouvoir décisionnel dans presque tous les dossiers. On ne voit plus où est l'équilibre ou la négociation là-dedans.

En plus, si la disposition de multi-établissements est adoptée, il serait possible que Rio Tinto Fer et Titane, qui a trois établissements, dont un à Havre Saint-Pierre qui est très loin de chez nous, pourrait avoir un seul représentant en prévention pour les trois établissements. Comment pourrait-il servir ses membres de manière efficace, comment pourrait-il répondre adéquatement à leurs besoins, comprendre leur réalité dans leur usine ? Il faut que le représentant soit proche de ses membres.

Encore une fois il y une question de coût pour les employeurs parce que selon eux la santé et la sécurité des travailleurs ça coûte trop cher. Ça va être moins coûteux pour les employeurs, mais la vie des travailleurs ça n'a pas de prix. Ils demandent aux travailleurs de faire des concessions parce que le projet de loi, ce sont des concessions. Ils le font même si les fonds de la CNESST n'ont jamais été aussi élevés. Alors s'ils demandent des concessions dans ces conditions-là, imaginons ce que ça va être plus tard lorsque les coffres de la CNESST ne sont pas aussi remplis.

Dans une usine comme la nôtre, où nous sommes environ seulement 200 travailleurs, j'ai présentement un classeur plein de dossiers de travailleurs qui sont en accident de travail, soit en assignation temporaire ou en arrêt de travail. Il y a constamment des accidents de travail qui se produisent. Parfois cela dure trois ans, parfois trois semaines, il n'y a pas une semaine où je ne remplis pas des papiers pour la CNESST, soit pour un suivi, soit pour une nouvelle réclamation. Comme accidents, il y a beaucoup de douleurs au dos, des blessures aux mains, les épaules, les entorses, ce sont des troubles qui reviennent fréquemment. Côté maladies professionnelles, chez nous, il a le problème de la surdité professionnelle, parce que c'est un côté qu'ils attaquent beaucoup dans le projet de loi. À l'usine, on a des intensités de bruit très élevées. La loi actuelle c'est un minimum et on essaie toujours de faire des gains par les représentations qu'on fait. Et maintenant le projet de loi augmente les seuils pour la reconnaissance de la surdité professionnelle, pour priver les travailleurs d'indemnisation.

Il y a beaucoup d'autres exemples que je pourrais donner.

C'est clair qu'on ne peut pas laisser passer ce projet de loi. L'équilibre au travail, ça a toujours sa place. Les employeurs sont de plus en plus riches. Même quand on a une convention collective, ils utilisent de plus en plus les grands moyens pour contester tout ce qu'on fait, pour être encore plus riches. Notre seul moyen, c'est notre solidarité syndicale. On a réussi à faire des mouvements pour aider nos grévistes, nos lockoutés. C'est un peu la même chose avec le projet de loi 59, il faut que toutes les sections locales, toutes les usines au Québec, même les travailleurs qui ne sont pas syndiqués, qu'ensemble on se rallie et qu'on dise au gouvernement que la santé et la sécurité des travailleurs ça n'a pas de prix. Parce que ce sont tous les travailleurs qui vont souffrir de cela. Il faut qu'on se mobilise, qu'on se lève contre cela. En santé et sécurité, je ne comprends pas pourquoi il y aurait des reculs. On est censé aller de l'avant. Personne ne doit laisser sa vie au travail. Il y en a déjà assez qui l'ont laissée. Il faut aller vers l'avant et s'assurer que tout le monde revient du travail sain et sauf et en santé.


Cet article est paru dans

Numéro 81 - 10 septembre 2021

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