Entrevues
Félix Lapan, Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades
Au
niveau de l'étude du projet de loi, toute la
section sur la Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles est
essentiellement terminée, sauf pour de petites
dispositions qui ont été mises en dépôt.
On a maintenant le portrait global de tous les
reculs dans le droit des travailleurs aux
traitements et à la réadaptation. Pour nous, cela
confirme que le projet de loi 59 est un
immense recul en ce qui concerne les droits des
travailleuses et des travailleurs. Le gouvernement
a retiré certaines dispositions, mais en ce qui
concerne la réparation des lésions
professionnelles cela demeure une catastrophe. Ce
sera moins possible que jamais d'accéder à une
réparation payée des lésions professionnelles.
Par exemple, il y a d'immenses reculs au niveau
du droit à l'assistance médicale pour les
travailleurs accidentés, qui est fondamentale.
C'est le droit aux traitements, aux médicaments,
aux prothèses-orthèses qui leur est nié. C'est
quelque chose de fondamental pour une loi dont le
premier objectif est censé être la réparation des
lésions.
Dans le régime actuel les gens ont droit à la
pleine assistance médicale que requiert leur état.
Il n'y a pas de limite fixée de ce qui est
prescrit par le médecin traitant. Il existe un
système de contestation médicale lorsque les
patrons ou la CNESST trouvent que le dossier coûte
trop cher. Ils peuvent contester mais en l'absence
de contestation médicale, les gens ont le droit à
tout ce qui est prescrit par leur médecin, sans
frais pour eux. C'est un principe qu'on a gagné
en 1985, la prépondérance de l'avis du
médecin traitant. Tant qu'il n'y a pas eu une
contestation médicale jusqu'au bout, ils sont
obligés de payer ce que le médecin prescrit en
fait d'assistance médicale.
Le projet de loi 59 accorde des pouvoirs
réglementaires renversants à la CNESST. On lui
accorde le pouvoir de fixer ce qui sera payable ou
non payable à la victime d'une lésion. On lui
accorde le pouvoir de fixer des limites en ce qui
concerne le nombre de traitements, le montant
payable pour une lésion, etc. Il y a des centaines
de millions de dollars d'économies pour les
employeurs qui sont prévus par ce changement à lui
seul.
Autre exemple, le droit aux indemnités de
remplacement de revenu n'est plus rétroactif dans
le projet de loi. Si un travailleur se blesse,
disons le 1er janvier, il remplit sa
réclamation le 1er février. Même s'il était en
arrêt de travail pendant le mois, il pourrait
avoir été dans le coma pendant le mois, il perd
son indemnité pour toute la période entre le
diagnostic de la blessure et le moment où il
produit sa déclaration. Aussi, quelqu'un qui
commence à avoir des difficultés, par exemple, il
a des doigts engourdis, il est mis en arrêt de
travail et en investigation et 4 mois plus
tard on diagnostique un syndrome de tunnel
carpien. Il fait sa réclamation à ce moment-là.
Tous les 4 mois pendant lesquels la personne
ne pouvait plus travailler mais était en
investigation et ne pouvait pas réclamer, cette
période est perdue. On élimine toute rétroactivité
de l'indemnité du remplacement du revenu.
Ce sont juste deux exemples. Il y en a plein
d'autres
Il ne faut pas que ce projet de loi passe. S'il
passe, cela va être une grande perte de droits
pour les travailleuses et les travailleurs
accidentés. Il y 100 000 lésions
professionnelles et plus par année au Québec. Ces
changements signifieraient une immense perte pour
les travailleurs et c'est un cadeau au patronat
parce que le régime est financé à 100 % par
le patronat. Ce qui est normal parce que les
travailleurs n'ont pas le droit de poursuivre les
employeurs au civil en échange d'avoir un système
financé à 100 % par les employeurs.
On va se battre jusqu'au bout contre cet immense
recul.
Cet article est paru dans
Numéro 81 - 10 septembre 2021
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