La lutte au Québec pour des soins de santé gratuits pour les travailleurs à statut migratoire précaire et leurs familles

La bataille de plusieurs décennies pour la gratuité des soins de santé pour les travailleurs à statut migratoire précaire et leurs familles se poursuit.

Les gouvernements successifs ont tous intentionnellement violé l'esprit de la Loi sur l'assurance-maladie du Québec ainsi que la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 1989, dont le Canada est signataire et que le Québec a entérinée par un décret en conseil. Leur violation du droit québécois, canadien et international va jusqu'à refuser de couvrir les enfants de travailleurs à statut migratoire précaire nés au Québec, malgré le fait qu'ils soient citoyens canadiens, alors que le gouvernement fédéral ferme les yeux.

Ces enfants sont privés de leur droit aux soins de santé par le refus de leur prise en charge par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) qui relève directement du ministre de la Santé et des Services sociaux.

Ajoutant l'insulte à l'injure, en 1992, sous le gouvernement libéral de l'époque, une surtaxe de 200 % a été imposée aux frais habituellement facturés aux parents de ces enfants.

Outre le Protecteur du citoyen, de nombreux groupes de défense luttent pour le droit aux soins de santé pour tous les enfants vivant au Québec. Ceux-ci comprennent Médecins du Monde Canada, l'Association des avocats et avocates en droit de l'immigration du Québec (AQAADI), l'Observatoire des tout-petits, le collectif Soignons la justice sociale, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, la Table ronde des groupes au service des réfugiés et de l'immigration (TCRI) et la liste est longue.

À l'heure actuelle, un recours collectif est en attente d'une date d'audition à la Cour d'appel du Québec au nom d'un couple, de leur fille et de tous les enfants citoyens canadiens vivant au Québec qui se sont vu refuser l'accès à la couverture santé de la RAMQ en raison du statut d'immigration des parents. L'action, déposée pour la première fois le 9 juillet de l'an dernier à la Cour supérieure, allègue que l'exclusion de ces enfants est contraire à la Loi sur l'assurance maladie du Québec et qu'elle viole les droits fondamentaux de ces enfants canadiens, dont leurs droits à la vie, à la sécurité et à l'intégrité protégés par la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Ils soutiennent en outre que cette pratique gouvernementale est discriminatoire.

Des frais médicaux de près de 7 000 dollars ont été facturés à la mère de l'enfant lors de l'accouchement. Des frais supplémentaires de 2 500 dollars ont également été envoyés pour la nuit que le bébé a passée à l'hôpital après sa naissance. Peu de temps après, l'enfant a eu des problèmes de santé nécessitant une hospitalisation, ce qui a entraîné une nouvelle facture de près de 15 000 dollars. Aucun remboursement n'est prévu puisque l'accès à la RAMQ a été refusé pour le bébé, malgré le fait qu'elle soit citoyenne canadienne. De telles pratiques sont « totalement illégales », selon l'avocat du couple. Des dommages et intérêts sont également réclamés pour toutes les familles qui font partie du recours collectif visant le ministère de la Santé et des Services sociaux, lequel recours a été contesté par le procureur général du Québec.

Puis, étonnamment, le 10 décembre dernier, à l'occasion de la Journée internationale des droits de l'homme, Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, a déposé le projet de loi 83, Loi concernant principalement l'admissibilité au régime d'assurance maladie et au régime général d'assurance médicaments de certains enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire. Après avoir reçu la sanction royale le 10 juin, la loi doit entrer en vigueur par décret gouvernemental d'ici la fin septembre.

Grâce à la nouvelle législation, la plupart des enfants québécois de parents ayant un statut migratoire précaire bénéficieront enfin d'une couverture de santé gratuite. Cela comprend tous les enfants nés au Québec ainsi que les enfants accompagnant leurs parents qui ont un permis d'études, un permis de visiteur de plus de six mois, un permis de travail non lié à un employeur spécifique, ou sont en situation d'immigration irrégulière, autrement dit, sans statut juridique.

Un peu plus d'un mois après le dépôt du projet de loi, le 18 janvier dernier, la Cour supérieure a accueilli une demande du procureur général du Québec visant à faire rejeter la demande de recours collectif. La Cour supérieure a conclu qu'elle n'avait pas la compétence pour entendre ce recours collectif, déclarant que les demandeurs devraient plutôt s'adresser au Tribunal administratif du Québec.

Ainsi, d'une part, le gouvernement Legault élargit la couverture santé de la plupart des enfants de parents à statut migratoire précaire pour de prétendues raisons d'équité et de justice et d'autre part il lutte devant les tribunaux pour ne pas indemniser les parents d'enfants privés de leur droit humain fondamental aux soins de santé, sans parler du déni de ce droit pour eux-mêmes, même pendant la pandémie de la COVID-19.

De plus, depuis mai 2018, la Protectrice du citoyen, Marie Rinfret, dénonce le fait que la RAMQ utilise « une interprétation restrictive, voire erronée, de la Loi et du Règlement ». Elle a noté que la RAMQ « met en corrélation leur admissibilité avec le statut migratoire de leurs parents » et que ces enfants peuvent être privés des services de santé et sociaux dont ils ont besoin si leurs parents n'en ont pas les moyens.

Selon elle, la solution réside dans l'application de la Loi telle qu'elle est rédigée, car elle « suppose une interprétation de la notion d'enfant né au Québec et qui y est établi qui respecte la volonté poursuivie par le législateur de distinguer le statut de l'enfant du statut migratoire de ses parents aux fins de son admissibilité au régime public de santé ».

Tout cela soulève la question : Pourquoi le gouvernement Legault n'apporte-t-il pas des modifications non seulement à la Loi sur l'assurance maladie du Québec et à la Loi sur l'assurance médicaments, mais aussi au Règlement sur l'admissibilité et l'inscription des personnes auprès de la Régie de l'assurance maladie du Québec et au Règlement sur le régime général d'assurance médicaments  ?

Le gouvernement Legault et ceux qui l'ont précédé semblent déterminés à suivre le même chemin que leurs homologues fédéraux, en l'occurrence par la violation des lois et chartes internationales, fédérales et québécoises, et ils adoptent de plus en plus des règlements qu'ils peuvent facilement modifier par diktat.

Sur la question de la privation de droits, le gouvernement Legault, tout comme son homologue fédéral, est sur la défensive et il faut continuer à frapper fort, jusqu'à ce que le statut de résident permanent soit accordé à tous les migrants à statut précaire. Le dicton « Assez bon pour travailler, assez bon pour rester » est un principe pour lequel nous luttons et défendons. La résidence permanente dans ce cas donnerait également à tous les migrants à statut précaire l'accès aux soins de santé.

En même temps, nous devons rester vigilants face aux manoeuvres des deux paliers de gouvernement et ne pas nous laisser prendre par eux.

Avec la justice de notre côté, la bataille pour les droits doit se jouer sur tous les fronts, y compris dans l'arène électorale tant au niveau fédéral, fort probablement cette année, qu'au niveau du Québec l'an prochain.

Notre cri de combat doit être de s'investir du pouvoir de décider en tant qu'êtres humains et notre droit de décider de nos propres affaires.

Rien de moins que cela garantira notre succès, alors joignons-nous tous à ce combat !

(Photo: Caring for Social Justice)


Cet article est paru dans

Numéro 64 - 2 août 2021

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