La nouvelle réglementation intéressée du gouvernement Trudeau pour les travailleurs étrangers temporaires
- Steve Rutchinski -
Le 26 juillet, un
jour après qu'une manifestation militante et très
réussie ait convergé vers Ottawa, organisée par
des groupes de défense des droits des migrants
pour réclamer l'égalité des droits, l'égalité
d'accès aux services et un Statut pour tous les
travailleurs migrants, le gouvernement Trudeau a
annoncé qu'il allait adopter de
nouveaux règlements « pour améliorer la protection
des travailleurs étrangers temporaires ». Il
s'agit d'un stratagème cynique pour gagner des
voix lors d'une prochaine élection, alors qu'en
réalité, l'intention du gouvernement est de
garantir l'approvisionnement en main-d'oeuvre
migrante bon marché et non protégée pour
l'industrie
agroalimentaire. Son cynisme est tel qu'il affirme
que la nouvelle réglementation rendra «
notre » chaîne d'approvisionnement
alimentaire plus sûre — alors qu'en fait, la
majeure partie de la production agricole des
méga-entreprises installées en Ontario, en
Colombie-Britannique et au Québec est expédiée
vers le sud, aux États-Unis, puis
réimportée au Canada sous forme de ketchup et
d'autres produits de consommation.
La nouvelle réglementation proposée prétend
améliorer la protection des travailleurs étrangers
temporaires en matière de contrats de travail, de
logement et de soins de santé et éliminer les «
mauvais acteurs » qui profitent de la
vulnérabilité des travailleurs migrants. Les
libéraux de Justin Trudeau soulignent les
changements apportés plus
tôt cette année, qui permettent aux migrants
titulaires d'un permis de travail spécifique à un
employeur de changer d'employeur et de commencer à
travailler pendant qu'un nouveau permis est en
cours de traitement. Le gouvernement a même créé
un tableau d'affichage du Guichet-emplois qui met
en relation les employeurs admissibles et les
travailleurs migrants temporaires qui cherchent à
changer d'emploi.
Tout avantage pour les travailleurs n'est
qu'accessoire par rapport aux stratagèmes
gouvernementaux pour payer les riches. L'année
dernière, par exemple, le gouvernement fédéral a
donné aux monopoles agroalimentaires 50
millions de dollars pour couvrir le coût de
l'obligation d'autoconfinement de 14 jours en
matière de santé
publique pour les travailleurs agricoles migrants
entrants. Cette année, le gouvernement fédéral
leur donnera 35 millions de dollars de plus
en aide d'urgence à la ferme pour améliorer les
conditions de vie des travailleurs migrants.
Les monopoles agroalimentaires ont eu beaucoup de
mal à embaucher des travailleurs migrants l'année
dernière, en raison de la pandémie mondiale. En
mars 2020, il y a eu 43 % de moins
d'arrivées de travailleurs agricoles migrants
temporaires au Canada, par rapport à la même
période l'année précédente. Ces travailleurs
étaient contraints de travailler selon des
horaires dangereux et intolérables — des journées
de 15 heures, des semaines de 7 jours.
L'Alliance des travailleurs migrants pour le
changement (Migrant Workers Alliance for Change) a
fait état de plus de 1100 plaintes entre mars
et mai 2020 relatives au non-paiement des
heures
supplémentaires et aucun travailleur n'a été
indemnisé. Le gouvernement fédéral va-t-il
s'assurer que ces travailleurs soient correctement
indemnisés ?
Les blessures sur le lieu de travail ont monté en
flèche. Même avec le nombre réduit de travailleurs
agricoles migrants, les dortoirs étaient toujours
surpeuplés et les éclosions de COVID-19 étaient
courantes. Des travailleurs migrants en sont
morts. Le manque d'accès aux services médicaux
dont sont victimes depuis longtemps les
travailleurs
agricoles migrants n'a fait qu'aggraver la
situation. La nouvelle réglementation est censée
exiger de tous les employeurs qu'ils offrent un
accès raisonnable aux services de santé et qu'ils
fournissent une assurance-maladie en cas de
besoin, mais il reste à voir ce que cela signifie
dans la pratique. On est loin de la garantie des
soins de santé en tant
que droit.
Le gouvernement s'est
engagé à lancer une discussion sur le logement des
travailleurs agricoles migrants et a alloué
davantage de fonds pour les inspections des
logements existants. En 2018, une étude
commandée par le gouvernement fédéral a révélé «
une grande variation de ce qui est considéré comme
une norme de logement
acceptable » et « des lacunes dans le
processus d'inspection des logements » qui «
peuvent potentiellement causer des dommages ou des
blessures aux travailleurs ». Cette étude n'a
pu éviter l'éléphant dans la pièce, à savoir qu'il
n'existe pas de norme nationale pour le logement
des travailleurs agricoles migrants temporaires.
Même lorsque les inspections révèlent que les
logements ne sont pas sécuritaires, il n'y a pas
de conséquences parce qu'il n'y a pas de normes
exécutoires. Que faut-il encore discuter pour que
les droits des travailleurs à un logement adéquat
soient respectés ?
Le « mauvais acteur » dans tout ce scénario
est l'État canadien et sa discrimination
systémique et son déni des droits humains des
migrants. Les migrants sont rendus vulnérables,
privés de droits égaux et de l'égalité d'accès aux
services par les programmes mêmes que le
gouvernement canadien a mis en place pour
satisfaire les besoins
des riches. Une meilleure réglementation de la
discrimination systémique ne fait rien pour mettre
fin à la discrimination. La solution réside dans
l'affirmation des droits de tous. « Un statut pour
tous et toutes ! » est la revendication
des travailleurs migrants, des organisations de
défense des migrants et de la classe ouvrière
canadienne.
Cet article est paru dans
Numéro 64 - 2 août 2021
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/FO2021/Articles/FO06642.HTM
Site Web: www.pccml.ca
Email: redaction@cpcml.ca
|