L'histoire de Granville Island
- Anne Jamieson -
« L'île industrielle » (Granville Island) a
été créée en 1916 par le gouvernement fédéral
en tant qu'île artificielle et base d'un
développement industriel croissant dans la région
de False Creek à Vancouver. Les bancs de sable
existants avaient été utilisés pour la pêche, la
récolte de fruits de mer et d'autres activités de
subsistance par les Salish, qui ont tous dû
quitter la région en 1899. La Fondation du
patrimoine de Vancouver déclare que « le Canadien
Pacifique, le gouvernement et les hommes
d'affaires locaux se sont battus pour qui
s'approprierait le droit sur les bancs de sable et
l'eau jusqu'en 1916, date à laquelle il a été
transféré à la Commission nationale des ports
(NHC). » La NHC a construit une digue autour
d'elle, l'a remplie des matériaux dragués de False
Creek, a mis en place un accès routier et
ferroviaire, créant ainsi 40 acres de terres
à louer pour des usines et des moulins. Dans les
années 30, 1 200 travailleurs
étaient employés dans 40 entreprises de
fabrication de fibres, de cordes, de chaînes et de
matériaux pour l'exploitation forestière,
l'exploitation minière et la navigation. La
production industrielle a diminué pendant les
années de la Grande Dépression, jetant les
travailleurs au chômage. Pendant la Seconde Guerre
mondiale, l'île (rebaptisée Granville Island) a
été « revigorée » par la fabrication de
matériel de défense, employant de nombreuses
femmes. Dans les années 1970, cependant,
l'activité industrielle était à nouveau en déclin
et l'île était décrite comme « un désert
industriel ».
La Société canadienne d'hypothèques et de
logement :
administratrice pour l'oligarchie financière
Une « réinvention » de Granville Island
dans les années 1970 a transformé le « désert
industriel » en une destination publique et
touristique grâce à la construction de bâtiments
notamment pour des marchés publics, des magasins,
des artisans et une école des beaux-arts.
Parallèlement à cette impulsion de construction,
le parti au pouvoir au gouvernement fédéral a cédé
la gestion de Granville Island en 1972 à la
Société canadienne d'hypothèques et de logement
(SCHL) — une société d'État qui, comme la NHC, est
dirigée en tant qu'entreprise fondée sur la
recherche du profit.
Aujourd'hui, 200 membres de la section
locale 20378 de l'AFPC de la région de la
Colombie-Britannique effectuent des travaux
essentiels sur l'île Granville, allant du
nettoyage et de l'entretien aux travaux
administratifs, ce qui permet à l'île de
fonctionner. La SCHL — en dépit du fait qu'elle se
décrit comme une société de bienfaisance (rendre
le logement « accessible à tous » grâce à son
rôle de garant des prêts hypothécaires) est tout
sauf cela. Son attitude envers ses employés est la
même que celle de l'oligarchie financière dont
elle et le parti politique au pouvoir représentent
les intérêts. Dans cette vision du monde
capitaliste, les travailleurs sont simplement un
coût à payer pour faire des affaires et sont
remplaçables. D'où la volonté constante d'abaisser
les salaires et d'embaucher davantage de
travailleurs occasionnels.
Le syndicat fait
remarquer que Granville Island a été protégée des
pertes économiques liées à la COVID-19 grâce à un
financement d'urgence fédéral (16,7 millions de
dollars en 2020 ; 22 millions de
dollars proposés en 2021). Ainsi, il n'y a
aucune justification, disent-ils, pour la demande
de la SCHL d'imposer des concessions, supprimer
des avantages sociaux et abaisser les salaires des
travailleurs essentiels parmi les moins bien
payés. Ils notent que le directeur général de la
SCHL de Granville Island a déclaré que les
propositions antitravailleurs n'étaient « pas par
nécessité économique ». Cela semble confirmer
un article paru dans The Globe & Mail (11 mai)
rapportant que de nombreuses entreprises qui ont
reçu un financement fédéral « ne faisaient pas
face à des difficultés pendant les mois de vache
maigre de 2020 ». Les fonds liés à la
COVID-19 sont donc un autre exemple de stratagème
pour payer les riches aux dépens de la classe
ouvrière.
La lutte quotidienne des travailleurs comme celle
des membres de la section locale 20378 de
l'AFPC est un combat pour tenir bon face aux
assauts incessants de la classe capitaliste
monopoliste et de ses représentants. Chaque lutte
de ce type, qu'elle soit grande ou petite, révèle
à tout le monde comment fonctionne le système
économique du capitalisme avancé, et elle dévoile
ceux qui détiennent le pouvoir économique et
politique pour ce qu'ils sont. Elle renforce la
classe ouvrière et le peuple dans son ensemble car
elle montre que la résistance est possible. Avec
comme point de départ la lutte économique pour ne
pas accepter de reculs, une lutte d'une plus
grande portée commence à prendre forme où la
classe ouvrière et ses alliés se battent pour un
monde centré sur l'humain et non sur le
capitalisme.
Cet article est paru dans
Numéro 52 - 2 juin 2021
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