Journée nationale de commémoration le 28 avril

Le refus criminel de garantir un moyen de subsistance aux travailleurs exposés ou infectés au travail

Des dizaines de milliers de travailleurs au Canada et au Québec ont contracté la COVID-19 à leur endroit de travail. Plus de 600 travailleurs au centre de distribution d'Amazon dans la région de Peel, plus de 200 travailleurs au centre de tri postal à Mississauga, et près de 1 000 travailleurs à l'usine Cargill de transformation de la viande à High River, en Alberta, ont eu un test positif à la COVID-19. Il y a présentement des éclosions à 12 sites d'exploitation des sables bitumineux près ou autour de Fort McMurray avec 738 cas positifs confirmés en date du 26 avril.   Ce ne sont là que quatre exemples parmi des centaines d'éclosions du genre.

Les statistiques sur les éclosions aux endroits de travail n'incluent pas les établissements de santé où les éclosions affectent à la fois les travailleurs et les patients ou les résidents des centres de soins de longue durée ni les autres établissements d'habitations collectives et ne reflètent donc pas fidèlement le nombre de travailleurs infectés au travail.

http://www.cpcml.ca/francais/Images2020/Movement%20Ouvrier/20623-Ensemble%20luttonspoursante-securite-au%20travail-FTQ-ConstructionCr.JPGPour freiner la propagation de la COVID-19, des voix s'élèvent parmi les professionnels des soins de santé pour que les vaccinations soient prioritaires pour les travailleurs qui ne peuvent pas travailler de la maison et dont les endroits de travail sont toujours ouverts, en commençant par ceux qui sont les plus touchés. Une des raisons pour laquelle les gouvernements n'ont pas pris de telles décisions, c'est que s'ils le faisaient ce serait un aveu que le gouvernement, qui est responsable de la distribution des vaccins, a la responsabilité d'assurer la sécurité des travailleurs au travail et de mettre en place des lois et règlements que les employeurs doivent respecter pour garantir des endroits de travail sécuritaires. Cela voudrait dire poser des gestes qui donnent un sens aux belles paroles comme « nous sommes là pour vous, merci à vous, chers travailleurs essentiels » qui ressemblent de plus en plus à de l'ironie.

Pour ajouter à l'insulte, un grand nombre de rapports indiquent que les travailleurs se font dire par leurs employeurs de ne pas faire de demande d'indemnisation mais de plutôt demander la Prestation canadienne d'urgence (PCU) ou la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique (PCNRE), et que bon nombre de demandes d'indemnisation sont refusées. Le taux d'acceptation des réclamations liées à la COVID-19 varie d'une province à l'autre, le plus élevé étant au Québec à 95 % et le plus bas au Manitoba à 60 %. Nombreux sont les travailleurs qui rapportent que leurs demandes sont refusées s'ils ont eu la COVID-19 mais ont eu un test négatif, même s'ils sont toujours malades et que leur médecin a confirmé qu'ils sont malades et incapables de travailler.

Le Globe and Mail a rapporté le 13 avril qu'à partir du 5 mars 2021, il y a eu plus de 20 100 demandes liées à la COVID-19 auprès de la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents de travail (CSPAAT) de l'Ontario et que les services de santé et de soins de longue durée représentent 58 % de ces demandes, alors que les travailleurs de l'agriculture, de la transformation alimentaire, de l'industrie manufacturière et du commerce au détail en représentent 25 %. [1] Selon les données de Santé publique Ontario, près de 1 900 éclosions se sont déclarées dans les endroits de travail en Ontario de mars 2020 au 5 mars 2021. Selon des représentants syndicaux, ces chiffres liés aux demandes et aux rapports sur des incidents d'exposition à la COVID sont très inférieurs aux chiffres réels.

http://www.cpcml.ca/francais/Images2019/Slogans/NotreDignite-ServicesPubliquesCr.jpgDavid Chezzi, un représentant national du Syndicat canadien de la Fonction publique (SCFP) et président des Cliniques de santé des travailleurs(ses) de l'Ontario Inc., est cité dans l'article du Globe and Mail : « ...Considérant que les endroits de travail ont représenté jusqu'à un tiers de toutes les éclosions pendant la deuxième vague en Ontario, le nombre de demandes et de rapports soulignant une exposition à la COVID soumis à la CSPAAT devrait être beaucoup plus élevé. » Par exemple, il y a eu plus de 900 cas dans les entrepôts d'Amazon mais pas un seul rapport d'incident d'exposition n'a été déposé à la CSPAAT pour Amazon. Selon le Globe and Mail jusqu'au 12 avril, selon les données de la CSPAAT, il y a eu moins de cinq demandes acceptées et moins de cinq demandes rejetées pour les travailleurs d'Amazon. Aucune sanction n'a été imposée à Amazon ni à d'autres employeurs qui n'ont pas respecté leurs obligations juridiques de veiller à ce que les rapports de demandes et d'incidents d'exposition soient notés.

Selon David Chezzi, « des dizaines et même des centaines de milliers de travailleurs auraient dû remplir un formulaire d'incident d'exposition. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'une exposition potentielle. Il y a des centaines d'employés dans un établissement donné. Les taux d'exposition devraient être extrêmement élevés, puisque quiconque se rend à un travail où il y a la COVID a été exposé. Si un étudiant ou un collègue de travail va à l'école avec la COVID, les enseignants sont exposés. Maintenant, multipliez cela par le nombre d'écoles dans toute la province. Pensez à tous les paramédics, au personnel infirmier en première ligne, aux gardiens, aux commis d'épicerie et à ceux qui travaillent dans des environnements non syndiqués ».

La Colombie-Britannique est la seule province à avoir adopté des mesures législatives offrant une couverture basée sur la présomption pour la COVID-19, ce qui veut dire que les travailleurs ayant contracté la COVID-19  sont présumés l'avoir contractée au travail s'ils travaillent dans une industrie essentielle ou dans un environnement où ils sont à risque. Dans d'autres provinces, les travailleurs peuvent avoir à prouver qu'ils ont été infectés au travail. Même avec cette mesure législative, Worksafe (la Commission des accidentés du travail) de la Colombie-Britannique rapporte que des demandes sont refusées lorsqu'une personne a été exposée ou a dû se confiner mais a ultimement eu un test négatif, et le taux de refus est de près de 30 %.

Pour apprécier la nature antisociale des soi-disant régimes d'indemnisation, il suffit d'observer comment, sur une base quotidienne, on néglige les mesures de sécurité pour ne pas nuire aux taux de production. Dans le contexte de la COVID-19, des centaines de milliers de travailleurs travaillent dans des situations potentiellement mortelles et les employeurs jouent « à la roulette » avec leur vie. On dit aux travailleurs de demander une prestation fédérale d'urgence alors qu'ils devraient être couverts par une indemnisation qui devrait dans la plupart des cas empêcher qu'ils subissent une interruption de salaire. C'est une manoeuvre à double tranchant pour payer les riches par le biais de subsides aux travailleurs provenant du gouvernement plutôt que des employeurs. Les gouvernements fédéral et provincial sont des complices à part entière dans ces manigances.

Une société moderne centrée sur l'être humain doit reconnaître que tous les travailleurs ont le droit à un moyen de subsistance. Dans des situations d'urgence telles que la pandémie, il faut que le revenu des travailleurs soit garanti lorsqu'ils sont malades ou forcés de se confiner ou que leur endroit de travail est obligé de fermer ses portes. Personne ne devrait être obligé de se débrouiller seul.

Note

1. Les statistiques de réclamations liées à la COVID-19 de la CSPAAT jusqu'au 16 avril 2021 montrent que 21 133 demandes ont été acceptées (y compris 46 décès jusqu'au 31 mars 2021), 2 007 demandes ont été refusées, 259 demandes sont en attente d'une décision et 6 700 rapports d'incidents d'exposition à la COVID ont été reçus.

(Photos: FO,, FTQ, ONIWG)


Cet article est paru dans

Numéro 35 - 28 avril 2021

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