Des révélations concernant des négociations secrètes pour importer des déchets radioactifs du Japon au Canada
Radio-Canada a révélé que l'ex-premier ministre
du Canada Jean Chrétien a tenu des négociations
secrètes avec des représentants de la Tokyo
Electric Power Corporation (TEPCO) - Société
d'énergie électrique de Tokyo - et d'autres
représentants en position d'autorité au Japon pour
importer leurs déchets radioactifs au Canada et
les enfouir au Labrador. Jean Chrétien a été le
premier ministre du gouvernement libéral du Canada
de 1993 à 2003. Il travaille maintenant
avec la firme d'avocats internationale Dentons,
qui a enregistré un revenu brut de près de 3
milliards de dollars en 2019. Dentons est la
firme-conseil des promoteurs du projet secret pour
importer des déchets nucléaires associés à une
entreprise nommée Terra Vault.
Radio-Canada a obtenu des courriels échangés par
Jean Chrétien et les gens d'affaires japonais liés
à l'industrie nucléaire et les médias de masse.
L'ancien premier ministre, que Dentons décrit
comme un « proche conseiller » de l'actuel
premier ministre, Justin Trudeau, a aidé à
rapprocher deux membres de l'élite japonaise et
Tim Frazier, un ancien conseiller du gouvernement
des États-Unis en matière d'énergie nucléaire et
le principal investisseur dans Terra Vault, et
Albert Barbusci, le chef d'entreprise et
investisseur montréalais qui est un promoteur du
stockage de déchets nucléaires d'autres pays au
Canada[1].
Les deux Japonais sont Takuya
Hattori, conseiller principal du Forum industriel
atomique du Japon et ancien vice-président de
TEPCO, et Hisafumi Koga, ancien président de
l'agence de nouvelles Kyodo, la plus grande du
Japon, qui dirige maintenant sa branche de
relations publiques. Toutes ces personnes devaient
se rencontrer en février 2020 pour discuter
en personne de comment poursuivre le projet, mais
la rencontre a été remise à cause de la pandémie.
Radio-Canada écrit : « Des mois après la
lettre de Jean Chrétien au responsable de
relations publiques japonais, la réponse de
Hisafumi Koga en septembre 2019 illustre le
caractère secret de ces discussions. 'Comme le
succès du projet dépend de la coopération de
toutes les parties prenantes, il faut empêcher la
fuite des informations avec le plus grand soin',
écrit Hisafumi Koga, qui acceptait l'invitation à
une rencontre au Canada. 'Je comprends que j'y
serai à titre personnel', a
dit Koga. Takuya Hattori, qui occupait un poste de
direction à TEPCO, l'entreprise impliquée dans
l'accident nucléaire de Fukushima, devait aussi
participer au voyage, selon les courriels. »
Radio-Canada a aussi obtenu des courriels de
l'investisseur montréalais Albert Barbusci et
d'associés de Dentons. Radio-Canada écrit : «
Un courriel de juin 2020 de monsieur Barbusci
parle d'une 'transition en douceur' après la
démission du premier ministre de
Terre-Neuve-et-Labrador Dwight Ball qui est entrée
en vigueur en août. 'Comme vous le savez
peut-être, le premier ministre Ball (du Parti
libéral) a annoncé qu'il va démissionner et qu'un
nouveau chef sera nommé le 3 août [2020].
Cela dit, nous prévoyons rester en contact avec le
premier ministre Dwight Ball de sorte que la
transition devrait se faire en douceur', écrit
Barbusci.
« Il y a quatre ans, il a été révélé que le chef
de cabinet du premier ministre Dwight Ball, Greg
Mercer, n'avait pas révélé à temps ses activités
passées de lobbyiste. Une partie de son lobbying
avait impliqué la compagnie qui est au centre du
groupe engagé dans le projet de stockage
nucléaire, Terra Vault. Frazier, l'ancien
conseiller en matière nucléaire du gouvernement
des États-Unis et un autre joueur important du
projet, est un des principaux actionnaires de
Terra Vault. Il a refusé de parler à Radio-Canada.
[...]
« [L'ancien premier ministre] Dwight Ball a aussi
déclaré, jeudi, que Jean Chrétien lui avait
mentionné l'idée d'un DGP (dépôt géologique en
profondeur) au Labrador. »
« Je lui ai répondu rapidement qu'en tant que
premier ministre, mon gouvernement n'était pas
intéressé à entamer des discussions avec ses
clients sur cette question, écrit Dwight Ball.
Albert Barbusci a dit qu'il n'était pas au courant
de l'incident relatif au lobbying [avec le chef de
cabinet de Dwight Ball, Greg Mercer] et que cela
s'est produit avant qu'il ne s'implique dans le
projet de DGP. Il a aussi dit que l'endroit du
site n'était pas encore décidé. »
« Un conseiller de confiance »
Dans un courriel adressé à tous ceux qui étaient
impliqués dans le projet de déchets nucléaires, un
avocat de Dentons du nom de Terry Didus vante les
relations de Jean Chrétien avec l'actuel
gouvernement fédéral du Parti libéral et qualifie
l'ancien premier ministre de « conseiller de
confiance » du premier ministre Justin
Trudeau. Après que les libéraux de Trudeau ont été
réélus en 2019 à la tête d'un gouvernement
minoritaire, Terry Didus a écrit à ces mêmes
personnes : « Bonne nouvelle : les
libéraux sont de retour ! » Puis,
quelque temps après : « Meilleure
nouvelle ! Jean [Chrétien] vient d'être
'désigné' par Justin Trudeau comme son 'conseiller
de confiance' [...] Essentiellement, Jean sera au
courant de toutes les grandes décisions politiques
à venir. »
Lors de l'entrevue avec Radio-Canada, Jean
Chrétien a semblé irrité par le courriel de Terry
Didus et il a nié la suggestion qu'il était un «
conseiller de confiance » et un «
lobbyiste ». Il a dit : « Je ne suis pas
son conseiller de confiance [à Trudeau]. [...] Je
ne fais pas de lobby pour personne. Je vous l'ai
dit. »
Dans la même entrevue, Jean Chrétien a défendu
une fois de plus le projet de stocker les déchets
radioactifs du Japon, disant que « nous avons une
responsabilité de stocker le matériel nucléaire
utilisé ». Il a dit qu'il agissait «
simplement à titre d'avocat et avait accepté de
signer la lettre en 2019 lorsque des
collègues de la firme le lui ont demandé. Nous, le
Canada, on a été des vendeurs d'uranium,
c'est-à-dire qu'on a profité de ce problème. Parce
qu'on a vendu de l'uranium. Alors, on aurait une
responsabilité d'aider à régler le
problème. »
Jean Chrétien a aussi présenté l'énergie
nucléaire comme quelque chose de vert et une
option pour lutter contre les changements
climatiques. Selon Radio-Canada, Jean Chrétien «
croit que l'énergie atomique est une des solutions
pour combattre les changements climatiques ».
Tout ceci révèle le gâchis
nauséabond de laisons de toutes sortes entre les
gouvernements, les intérêts privés étroits, la
porte tournante des gens au gouvernement, puis,
hors du gouvernement, qui utilisent leurs liens
pour faire avancer leurs propres intérêts privés
étroits tout en servant les intérêts des
oligopoles qui contrôlent des secteurs entiers de
l'économie. Cela confirme que les véritables
conflits d'intérêts qu'on cherche à cacher sont
ceux qui tiennent du fait que ce qu'on appelle
démocratie est faite de personnes au gouvernement
qui prennent des décisions en secret pour servir
des intérêts privés étroits et de simples sujets
qui n'ont pas leur mot à dire sur les décisions
qui affectent leur vie.
Le but de l'économie, qui est de faire le profit
maximum dans le moins de temps possible, empêche
les scientifiques et les techniciens d'accomplir
un travail qui tient compte de tous les aspects.
En ce qui concerne l'industrie nucléaire, les
oligarques en contrôle de l'économie et de la
politique canalisent les efforts scientifiques
vers la production d'énergie et de bombes
nucléaires tout en laissant pratiquement de côté
la question connexe des déchets nucléaires. Les
scientifiques ont eux-mêmes accusé l'oligarchie de
faire peu ou rien du tout pour faire de la
recherche et découvrir ce qu'il faut faire avec
les déchets nucléaires, sans parler du problème de
la conduite des affaires internationales sans
violence. Les scientifiques et d'autres personnes
disent que stocker les déchets nucléaires, peu
importe où, est irresponsable et que ce n'est pas
une solution viable à long terme. Les déchets
radioactifs qui ne peuvent pas être recyclés pour
produire de l'énergie sont encore très dangereux
et nocifs. L'exposition à une certaine quantité,
même pendant un bref moment, peut tuer un humain.
Le secret entourant le projet de déchets
nucléaires va à l'encontre du besoin moderne
d'informer le peuple sur tous les enjeux et de
bâtir des formes qui permettent la discussion sur
une base de masse et la prise de décision qui
donne une voix au peuple. Il est tout à fait
aberrant qu'une poignée d'hommes ou de femmes
puissants aient des discussions secrètes et
prennent des décisions qui affectent
l'environnement social et naturel et la vie des
résidents et de la faune du Labrador. On pourrait
certainement leur demander pour qui ils se
prennent mais la question urgente qui se pose est
de les arrêter et d'arrêter leurs négociations
secrètes ! Non à l'importation des déchets
nucléaires radioactifs du Japon ! Non à leur
enfouissement au Labrador !
Note
1. Barbusci
est le PDG de Sydney Harbour Investment
Partners, qui « a été formé spécifiquement pour
rassembler le consortium d'affaires requis pour
développer le méga-terminal en eau profonde de
Novaporte à Sydney en Nouvelle-Écosse. Il a
aussi établi l'agence de publicité basée à
Montréal Cadence Communications, fondée en 1980.
« Selon le registre des lobbyistes [de
Nouvelle-Écosse], Terra Vault partage une
adresse à Montréal avec Sydney Harbour
Investment Partners, dont Jean Chrétien a été un
conseiller international. En 2018, la GRC de
Nouvelle-Écosse a fait une enquête sur Jean
Chrétien en rapport à des allégations de lobby
illégal auprès du premier ministre d'alors
Stephen McNeil au sujet d'une proposition de
port. La GRC avait dit qu'elle n'avait trouvé
aucun méfait. » (La Presse canadienne, le
1er avril 2021)
Cela semble être la norme en ce
qui concerne les enquêtes de la GRC pour méfait
par des membres de l'élite.
Cet article est paru dans
Numéro 29 - 16 avril 2021
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/FO2021/Articles/FO06292.HTM
Site Web: www.pccml.ca
Email: redaction@cpcml.ca
|