La corruption et l'arrogance de
l'élite privilégiée
Les dangers de la saisie du pouvoir décisionnel des gouvernements par des intérêts privés
- Louis Lang -
Ce numéro de Forum ouvrier traite des
dangers posés par les déchets des réacteurs
nucléaires et du contrôle des décisions concernant
leur élimination par des intérêts privés étroits.
La prise de contrôle des gouvernements par des
intérêts privés étroits est une caractéristique
principale de l'offensive antisociale néolibérale.
C'est une question de grande préoccupation avec
laquelle la classe ouvrière doit régler ses
comptes. Les articles de ce numéro dévoilent l'un
des nombreux plans récemment révélés sur la façon
dont des intérêts privés étroits ont pris le
contrôle des gouvernements pour fournir des fonds
publics et confier aux monopoles ce qu'ils
appellent « le stockage sécuritaire des déchets
nucléaires », afin d'encaisser d'énormes profits.
Comme les articles le soulignent à juste titre,
une telle chose n'existe pas, car la manipulation
et le stockage sécuritaire des déchets nucléaires
sont un problème scientifique qui n'a pas encore
été résolu.
Les révélations par Radio-Canada que les
négociations dans cette affaire se déroulent en
secret révèlent la corruption inhérente à ce qui
est présenté comme le système canadien fondé sur
des règles et la nécessité pour les travailleurs
de ce pays d'y mettre un terme. Le fait est que
cela continue la pratique du gouvernement Harper
qui a remis l'industrie nucléaire et tous les
réacteurs du Canada à des intérêts privés. Il n'y
a pas tout à fait dix ans, Énergie atomique Canada
(EACL), la société d'État qui dirigeait les
laboratoires nucléaires de Chalk River, en
Ontario, et qui possédait et exploitait plusieurs
réacteurs CANDU au Canada, a été démantelée et
vendue à SNC-Lavalin. Le travail visant à
exploiter en toute sécurité l'énergie nucléaire a
été retiré des mains des scientifiques et des
autorités publiques et transformé en une
entreprise à but lucratif sous le contrôle
d'intérêts privés. Tout est légal en ce qui
concerne l'adoption de lois[1].
L'une des dernières actions du gouvernement
Harper avant de perdre les élections en 2015 a été
de créer l'Alliance nationale pour l'énergie du
Canada (ANEC), une organisation gouvernementale
mais gérée par des entrepreneurs (OGEE) qui est un
stratagème des plus lucratifs mis sur pied pour
payer les riches sous prétexte de réduire un
passif de 7,9 milliards de dollars en matière de
déchets nucléaires. La majorité des membres de
l'ANEC sont des sociétés étrangères comme Fluor et
Jacobs, deux multinationales basées au Texas
impliquées dans la production d'armes nucléaires.
L'autre membre principal est SNC-Lavalin. L'ANEC a
pris le contrôle de toutes les installations
nucléaires fédérales et des déchets radioactifs du
Canada et le dossier montre que depuis la création
de ce consortium, les coûts pour le gouvernement
canadien ont presque quadruplé. Selon les rapports
financiers d'EACL, les crédits parlementaires sont
passés de 327 millions de dollars en 2015 à 1,3
milliard de dollars (approuvés) pour l'année se
terminant le 31 mars 2021. Le fardeau financier
d'EACL en matière de déchets nucléaires n'a pas
diminué et semble en fait avoir augmenté d'environ
200 millions de dollars.
Alors que le public ne connaît à peu près rien de
l'augmentation du coût, sans parler de l'absence
de discussion, le gouvernement Trudeau et l'ANEC
ont renouvelé le contrat d'OGEE avec l'ANEC au
début du confinement dû à la pandémie au printemps
2020. L'ANEC est aussi l'auteur de la proposition
d'une installation de traitement de déchets
nucléaires au campus du Laboratoire nucléaire
canadien de Chalk River. La proposition a suscité
une forte opposition de la part des Premières
Nations, des groupes de la société civile, de 140
municipalités du Québec, d'experts en matière de
déchets nucléaires, de scientifiques et de
citoyens préoccupés par la question. En dépit de
cette vaste opposition, le projet se poursuit et
le consortium continue de recevoir près d'un
milliard de dollars par année en fonds publics. Le
problème est aggravé par le fait que le consortium
amène des milliers de camions remplis de déchets
radioactifs au site de Chalk River provenant
d'autres installation fédérales au Manitoba, en
Ontario et au Québec.
Le problème de fond est qu'en vertu de la
domination de l'industrie nucléaire par des
intérêts privés, non seulement la recherche
scientifique nécessaire sous contrôle public
a-t-elle été sabotée, mais des tonnes de
substances radioactives qui demeurent toxiques
pour toute forme de vie durant des centaines de
milliers d'années sont entreposées sans que soient
examinés les dommages permanents que cela cause à
l'environnement et la contamination de la rivière
des Outaouais, qui est une source d'eau potable
pour Ottawa, Gatineau, Montréal et de nombreuses
autres communautés.
La domination de l'industrie nucléaire par des
intérêts privés crée une situation très sérieuse.
Cette dangereuse ligne de marche a été mise en
place au fil de plusieurs années par les
différents gouvernements et cela ne va pas
s'arrêter là. Le fait que les citoyens ne
contrôlent pas les décisions qui établissent la
direction de l'économie et que les intérêts privés
étroits ont été politisés par cette porte
tournante entre le cabinet, le conseil privé, les
consultants privés et les oligopoles pose un grand
danger pour la population et l'environnement
naturel. Toutes les décisions importantes
économiques et politiques doivent être entre les
mains du peuple par un processus politique
démocratique renouvelé qui bloque les voies
actuellement utilisées pour priver le peuple du
pouvoir de décider.
Cet article est paru dans
Numéro 29 - 16 avril 2021
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