La sécurité d'emploi des travailleurs de l'hôtellerie

Se servir de la pandémie pour priver les travailleurs de leur emploi devrait être illégal


Rassemblement devant l'hôtel Pan Pacific, le 23 mars 2021

Les travailleurs de l'hôtellerie continuent de lutter pour la dignité et le respect. Le plus récent d'une série de rassemblements de masse a eu lieu le 23 mars pour sensibiliser le public sur leurs revendications, en particulier que le droit de tous les travailleurs d'hôtel de retourner à leur emploi dès la réouverture des hôtels soit garanti. L'action a eu lieu devant l'hôtel Pan Pacific où il y a eu trois rondes de congédiements de masse et où 200 emplois sont à nouveau en danger. La responsabilité sociale de protéger les emplois et le moyen de subsistance des travailleurs de l'hôtellerie relève des employeurs du secteur et du gouvernement provincial dont les lois du travail établissent les normes minimales requises pour ce qui est du droit de rappel des travailleurs mis à pied.

Dès le mois de mars 2020, il était déjà évident pour les travailleurs et leurs organisations de défense dans l'industrie de l'hôtellerie qu'ils étaient en territoire inconnu et que la protection des emplois des travailleurs en vertu des lois du travail et de la convention collective ne suffirait pas dans ce contexte. Les travailleurs et leurs syndicats ont présenté leurs propositions aux employeurs afin de faire face à cette situation extraordinaire en protégeant les emplois, les salaires et les conditions de travail des travailleurs mis à pied en raison de la pandémie. Dans la plupart des cas, les employeurs ont rejeté toutes les propositions du revers de la main. Là où les négociations contractuelles étaient en cours, non seulement les employeurs ont rejeté les propositions syndicales, mais certains, y compris le Hilton Metrotown, ont saisi l'« occasion » de la pandémie pour exiger des concessions, y compris des réductions aux salaires, aux avantages sociaux et aux conditions de travail tels que les droits liés aux horaires et à l'ancienneté.

Les travailleurs ont immédiatement fait valoir leurs demandes de protection auprès du gouvernement provincial. Alors que les ministres du cabinet ont constamment refusé de rencontrer les travailleurs, le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan, a répondu par une déclaration lors d'une conférence de presse le 3 juin 2020 : « Nous appelons les employeurs à faire ce qu'ils doivent faire et à veiller à garder leur main-d'oeuvre intacte autant que possible. C'est ce que nous espérons, et si nous devons passer par l'Assemblée législative pour protéger les travailleurs, nous le ferons. »

UNITE HERE a organisé une grève de la faim de 22 jours devant l'Assemblée législative provinciale du 10 août au 2 septembre 2020 et des actions aux bureaux de plusieurs ministres gouvernementaux en appui à leurs revendications pour le droit de rappel garanti pour tous les travailleurs.

Le 5 août 2020, le ministre du Travail Harry Bains a nommé une avocate en droit du travail, Sandra Banister, pour qu'elle mène une « étude sur le secteur syndiqué de l'hôtellerie relativement aux impacts de la COVID-19 ». Elle a présenté son rapport le 24 août[1]. Son mandat, qui lui interdisait spécifiquement de faire des recommandations, était de « déterminer quelles mesures sont prises par les employeurs et les syndicats du secteur de l'hôtellerie de la Colombie-Britannique pour confronter les problèmes liés au rappel face aux impacts prolongés de l'urgence COVID-19 sur les entreprises, et de consulter les syndicats, les employeurs et les organisations sectorielles connexes afin de sonder leurs réactions concernant un amendement aux règlements de la Loi sur les normes du travail (ESA) proposé par UNITE HERE en réponse à l'impact de la COVID-19 sur les droits de rappel. »

Sandra Banister a présenté les faits mis de l'avant par les syndicats qui indiquaient clairement la nécessité d'amender l'ESA et a rapporté que les syndicats « appuyaient l'intervention du gouvernement pour assurer que les travailleurs syndiqués réintégreraient leur emploi tout en conservant leur ancienneté lorsque le secteur rouvrirait et que les travailleurs non syndiqués bénéficieraient aussi de cette protection ». Elle a aussi dit que les propriétaires d'hôtel et leurs associations s'opposaient à tout changement à l'ESA qui prolongerait le droit de rappel des travailleurs, ce qui selon eux serait de l'ingérence indue de la part du gouvernement dans le processus de négociation et constituerait un dangereux précédent pour toutes futures négociations.

Dans son rapport, elle a soulevé qu'en ce qui concerne les propositions syndicales sur les clauses de rappel liées à la pandémie, « UNITE HERE indique que la réponse des employeurs a été d'exiger des changements permanents à la convention collective qui ramènent la convention à des niveaux de normes de travail non syndiquées, en particulier pour ce qui est des heures de travail, les protections sur la charge de travail, les horaires, les jours fériés, les vacances, l'indemnité de départ et le fait que des superviseurs effectuent le travail d'une unité d'accréditation. »

Le gouvernement a répondu au rapport dans un communiqué de presse publié par le ministre du Travail Harry Bains le 31 août dans lequel il dit : « [...] après un examen approfondi de tous les faits et compte tenu du contexte de négociation collective complexe tel que souligné dans le rapport, j'ai décidé que la meilleure marche à suivre était de ne pas s'ingérer dans le processus de négociation collective. [...] Le gouvernement n'outrepassera pas les conventions collectives actuelles ni les négociations en cours dans le secteur de l'hôtellerie, y compris les négociations impliquant la section locale 40 de UNITE HERE et d'autres syndicats. »

Le ministre n'a rien dit au sujet de la proposition de UNITE HERE contenue dans le rapport que l'ESA devait être amendée pour assurer un droit de rappel prolongé pour tous les travailleurs, et pas seulement ceux qui sont dans l'industrie de l'hôtellerie, en raison de la pandémie.

Le 1er septembre, le ministre du Travail a aussi déclaré que tout plan de relance économique comprendrait « un engagement de la part des employeurs à offrir un droit de premier refus aux employés actuels à la reprise du travail ». Autrement dit, ce serait aux employeurs de « faire ce qu'ils doivent faire ». Puis, le 17 septembre, le gouvernement a présenté son plan de « relance économique », qui ne comprenait aucune disposition visant à protéger la sécurité d'emploi des travailleurs ou leurs conditions de travail.

Tout en émettant des paroles de sympathie envers les milliers de travailleurs qui ont été touchés, le gouvernement a refusé totalement d'assumer sa responsabilité sociale envers les travailleurs de la Colombie-Britannique. Il a plutôt versé des milliards de dollars aux entreprises privées par le biais de diverses manoeuvres pour payer les riches et a permis et facilité les activités antiouvrières des employeurs de l'hôtellerie qui servent uniquement leurs intérêts privés, ce qui met en lumière que les travailleurs ne peuvent compter sur le système de partis de cartel pour défendre leurs intérêts ainsi que la nécessité du renouveau de la démocratie et de l'habilitation du peuple.

Les travailleurs de l'hôtellerie et les autres, dont les enseignants de l'École internationale des langues du Canada (ÉILC) de Vancouver, persistent dans leur lutte pour la justice et le droit de rappel et, ce faisant, défendent les droits et la dignité de tous les travailleurs. Forum ouvrier appelle tout le monde à les appuyer dans leur lutte courageuse.

Ce devrait être illégal qu'un employeur congédie des travailleurs et les prive des avantages sociaux et des conditions de travail qu'ils ont gagnés simplement pour satisfaire les objectifs avides et antiouvriers de leurs employeurs. Le gouvernement doit immédiatement prendre des mesures pour amender l'ESA pour prolonger le droit de rappel pour tous les travailleurs et déclarer infraction criminelle tout recours à la pandémie pour attaquer les droits des travailleurs.

Note

1. « Étude du secteur syndiqué de l'hôtellerie relativement aux impacts de la COVID-19, par Sandra I. Banister, Q. C. », le 24 août 2020.


Cet article est paru dans

Numéro 26 - 9 avril 2021

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